La Banque du Canada a beaucoup fait jaser dans les médias lorsqu’elle a haussé son taux directeur à 5 % le 12 juillet 2023. Plusieurs analystes se sont interrogés sur cette hausse qui survient alors que l’inflation est à la baisse. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 2,8 % en juin 2023, après avoir connu un sommet à 8,1 % un an plus tôt.

Pendant ce temps, des signaux mixtes s’accumulent dans l’économie et l’incertitude demeure. Si le produit intérieur brut (PIB) réel du Canada a augmenté en mai 2023, le Conference Board of Canada s’attend à ce que celui-ci se contracte en juin, peut-on lire dans son survol statistique Economic Quick Take du 28 juillet 2023.

Parmi les défis qui pèseront sur le PIB canadien, le Conference Board of Canada désigne en premier lieu les feux de forêt canadiens qui continuent de brûler d’un océan à l’autre. Le groupe de réflexion indépendant observe que les dommages causés par les événements climatiques extrêmes coûtent désormais plus cher et se propagent à des endroits autrefois épargnés. « Alors que les incendies de forêt sont présents dans l’Ouest canadien depuis plusieurs années, le problème est apparu en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse », commente le groupe de recherche indépendant.

La Conference Board of Canada s’inquiète aussi de la baisse de la productivité au Canada, qui se poursuit malgré les statistiques d’immigration encourageantes. Le manque de compétitivité des plus grands secteurs industriels continuera selon lui d’alimenter la spirale de la productivité à la baisse. 

Risque de récession 

Le groupe de réflexion souligne enfin que l’économie canadienne s’approche de la marque des 18 mois, depuis que la Banque du Canada a amorcé le début d’une série de hausses de son taux directeur d’intérêt en mars 2022. Il observe que les effets de la politique monétaire prennent en moyenne 18 mois à se faire ressentir. Or les effets se faisaient déjà sentir en mai 2023, soit après seulement 15 mois, observe le Conference Board of Canada.

Selon lui, les hausses de taux ont déjà ralenti l’inflation et fait augmenter le taux de chômage. Les taux d’intérêt plus élevés et le recul du PIB attendu lui font dire qu’un ralentissement économique persistant est probable au cours des deux prochains mois. 

La Fed soupèse les données 

Sébastien Mc Mahon

Dans son survol de l’économie pour la semaine se terminant le 28 juillet 2023, Sébastien McMahon signale que la Réserve Fédérale (Fed) arrive tout près de la fin du cycle de resserrement. Selon M. McMahon, stratège en chef et économiste sénior d’iA Groupe financier, l’impact économique de ce resserrement demeure toutefois à venir. « La Fed a rehaussé une fois de plus son taux directeur cette semaine pour le porter à 5,5 %, rapporte-t-il. Un sommet depuis plus de 22 ans pour la banque centrale américaine. » 

Selon l’économiste, les données économiques actuelles n’ont rien pour inciter la banque centrale américaine à diminuer les taux, « mais probablement rien non plus qui va les convaincre de faire plusieurs autres hausses ». Il n’exclut pas le scénario d’une ou deux autres hausses d’ici la fin de l’année, mais estime que les hausses successives arrivent « tout près de la fin ».

La suite des choses dépendra des données que recevra la Fed, par exemple sur l’inflation et le marché de l’emploi. « Les pressions salariales sont une variable très importante que regarde la Réserve fédérale. Le monde regarde le marché du travail américain. L’indice du prix à la consommation des services de base est la courbe qu’il est le plus difficile à faire redescendre vers les niveaux cibles de l’inflation », observe le stratège en chef et économiste sénior. Cette courbe est relativement corrélée à celle de l’indice du coût des salaires dans le secteur privé, qui se trouve à 5,5 %, ajoute-t-il. 

Taux élevés… 

Sébastien McMahon prévoit ainsi que les taux demeureront élevés et assez stables. « Il faut laisser le temps à toute cette accumulation de hausses de taux de faire son travail », dit-il. M. McMahon rappelle que le délai que prennent les hausses à faire ressentir leur effet est imprévisible. Plus vite, plus lent ? Il faut être prudent ! « Tout l’argent qui a été injecté dans l’économie pendant la pandémie et l’épargne des ménages laissent présager que les délais pourraient être plus longs que d’habitude. » 

« Le marché du travail est un indicateur économique retardée, qui réagit à la fin des signaux », renchérit M. McMahon. Lorsque le cycle économique a déjà ralenti depuis un bout, le marché du travail ralentit à son tour, explique l’économiste. « Il reprend ensuite lentement, lorsque le cycle économique reprend. » 

M. McMahon ajoute que l’un des indicateurs du marché du travail qui réagit en premier est celui des nouvelles demandes de chômage. Il note que cet indicateur commence à réagir (à la hausse) 15 mois après les premières hausses de taux d’intérêt de la Fed en mars 2022. « On devrait voir les demandes de chômage augmenter, et les données du marché du travail devraient commencer à se détériorer de façon lente mais constante dans les 10 à 15 prochains mois. » 

Volatilité élevée 

Pendant ce temps, les marchés ne savent pas sur quel pied danser. Le niveau du VIX est élevé, aux alentours des 13,14, prévient Sébastien McMahon. « C’est un environnement où on pourrait être sensible à des nouvelles négatives », précise-t-il. M. McMahon rappelle l’importance du marché du travail américain pour l’économie mondiale et pour le « sentiment des investisseurs ».

« L’imprévisibilité des délais (de l’effet des hausses du taux directeur) est un morceau très important d’une stratégie macroéconomique, insiste Sébastien McMahon. Nous demeurons constructifs et prudents depuis un bout. Nous gardons un œil plutôt vers des prises de profits et le rajout de positions plus défensives dans les portefeuilles. La bonne nouvelle, c’est que la Réserve fédérale a probablement terminé le cycle de resserrement de sa politique monétaire. »

Gestionnaires optimistes  

Des gestionnaires d’actifs ont partagé leurs réactions au Portail de l’assurance. Selon certains, la période actuelle est malgré tout propice aux investisseurs.

Martin Romo

Parmi eux, Capital Group écrit dans son bulletin Perspectives semestrielles 2023 que le deuxième semestre présente un marché riche de cibles pour les investisseurs, malgré une incertitude et des changements considérables. « En réalité, c’est le moment idéal pour être un investisseur actif. Il est plus important que jamais de rechercher des opportunités à l’échelle mondiale, mais aussi de garder un œil sur les risques croissants sur les marchés, l’économie et le monde », déclare Martin Romo, directeur de portefeuille, Capital Group U.S. Equity Fund, dans son mot d’introduction. 

« À la mi-2023, il est clair que nous traversons une période de transition dans l’économie mondiale, les marchés financiers et les secteurs individuels. Ce qui était un marché binaire est maintenant plus équilibré », écrit-il dans Perspectives semestrielles 2023

Martin Romo estime que les temps ont changé depuis que l’on pouvait s’accrocher à quelques titres reliés à l’Internet et emprunter de l’argent à près de 0 % d’intérêt, sans craindre l’inflation ni la hausse des taux. « Les temps ont changé et c’est une bonne chose du point de vue des investisseurs », lance M. Romo. 

Le monde a changé 

Le marché ne va plus seulement dans une direction, estime le directeur de portefeuille, de Capital Group. « Il présente un environnement plus attrayant. L’horizon s’est élargi aux entreprises américaines et internationales, les actions de croissance et les actions de valeur, le secteur technologique et les soins de santé, les industries et l’énergie, les obligations à court et à long terme, les obligations d’État et des entreprises », énumère Martin Romo. 

« Nous vivons dans un monde où il existe des opportunités à la fois cycliques et séculaires pour les investisseurs désireux de faire leurs devoirs », renchérit M. Romo.

Importance des dividendes 

Parmi ces opportunités, M. Romo ouvre l’œil pour détecter les titres sous-évalués. « Nous recherchons les opportunités où le bébé a été jeté avec l’eau du bain, des entreprises laissées humbles par la vente de 2022, mais qui méritent toujours notre attention », ajoute-t-il.

Il rappelle que le modèle commercial de ces entreprises demeure intact. « Les bénéfices se maintiennent et le potentiel d’appréciation du cours des actions demeure élevé. Jusqu’à présent cette année, nous avons vu des entreprises des secteurs de la technologie et de la consommation démontrer leur capacité à rebondir de manière impressionnante », observe le gestionnaire. 

Dans son bulletin du deuxième semestre, Capital Group met entre autres l’accent sur l’importance des dividendes. « Les dividendes seront d’une plus grande importance pour les investisseurs dans la période à venir. Dans un contexte d’instabilité relative et de hausse des coûts de la dette, il est essentiel de se concentrer sur la qualité des payeurs de dividendes », peut-on lire. 

Retour des obligations 

Le gestionnaire observe aussi que “le revenu est de retour aux titres à revenu fixe”. Selon le gestionnaire, des taux d’intérêt plus élevés ouvrent la voie à un revenu plus élevé, et peuvent offrir une protection contre la volatilité du marché obligataire. 

Les obligations peuvent être une force à mesure que l’économie faiblit, envisage Capital Group. « L’inflation se rapprochant de la normale et la Fed étant susceptible de faire une pause, le moment est venu pour les investisseurs d’envisager de revenir à une stratégie équilibrée. Les valorisations d’un éventail d’actions sont plus attrayantes, et les obligations offrent maintenant plus de revenus et un potentiel de rendement plus élevé », peut-on lire. 

L’environnement actuel permet d’ailleurs à Capital Group de poursuivre sur sa lancée, tout en fêtant son 50e anniversaire. Au cours des dix dernières années, Capital Group dit avoir plus que doublé la taille de ses titres à revenu fixe sous gestion à l’échelle mondiale, pour atteindre environ 470 G$ US, soit environ 619 G$ CA au taux de change actuel. 

Depuis ses débuts aux États-Unis en 1973, le gestionnaire se spécialise dans l’investissement en titres à revenu fixe. Ses actifs sous gestion atteignent aujourd’hui environ 2 300 milliards de dollars américains (G$ US), soit plus de 3 000 G$ CA au taux de change actuel.