Un dossier d’incendie survenu à Laval en 2018 vient de connaître son dénouement cinq ans plus tard. Un assureur poursuivi par une entreprise cliente à la suite d’un incendie, qui avait partiellement détruit un immeuble et rendu tout son contenu irrécupérable, a vu sa défense rejetée et devra verser la somme de 272 535 $ à son assurée, a tranché la Cour supérieure du Québec dans un jugement rendu le 12 janvier dernier. 

Royal & Sun Alliance du Canada Société d’Assurances (RSA) assurait l’immeuble et son contenu en vertu d’une police émise par l’entremise d’un courtier au nom de la société 9208-9499 Québec inc. (« Québec inc. »).

La bâtisse abritait un commerce d’imprimerie exploitée par le même propriétaire. Le dossier se complexifiait au plan légal, car les biens et équipements de Clickimprimerie appartenaient à une société distincte, en l’occurrence 9228-4280 Québec inc., qui était détenue par l’actionnaire possédant l’immeuble. Au Registre des entreprises, Clickimprimerie figurait comme l’autre nom d’affaires de la première société.

Or, la police d’assurance avait été émise uniquement au nom de Québec inc.qui détenait l’immeuble. Selon RSA, son client ne lui avait pas fait valoir que la société agissait comme prête-nom pour Clickimprimerie. Rien n’explique la raison pour laquelle Québec inc. était la seule entité désignée à titre d’assurée de la police, a souligné la Cour à ce sujet.

Lors de la souscription, la courtière d’assurance s’était assuré que l’immeuble appartenant à la société, mais n’avait pas vérifié son contenu. Clickimprimerie n’était donc pas assurée pour ses biens et n’a d’ailleurs pas été indemnisée à la suite de l’incendie. 

L’absence d’intérêt d’assurance 

RSA a refusé d’indemniser son client au motif que Québec inc. n’avait pas d’intérêt d’assurance dans les biens assurés. En pareil cas, les impacts sont lourds de conséquences pour le client : l’absence d’intérêt d’assurance rend une police nulle ab initio.

RSA prétendait que le contenu de l’immeuble n’appartenait pas à Québec inc. et que cette dernière n’avait pas démontré son intérêt économique dans l’immeuble, qui était utilisé et supporté exclusivement par Clickimprimerie.

Interprétation en faveur de l’assuré 

L’article 2481 du Code civil du Québec énonce qu’une personne a un intérêt d’assurance dans un bien lorsque sa perte peut lui causer un préjudice direct. Devant la Cour supérieure, la poursuite ainsi que la défense se sont toutes deux référées à un jugement rendu par la Cour suprême du Canada en 1987 dans une cause du même type.

D’après RSA, toute la preuve démontre que c’est Clickimprimerie qui se comporte en propriétaire à compter de 2015 : elle paie les versements hypothécaires, les taxes foncières, les primes sur la police d’assurance en litige, l’entretien et le déneigement et les rénovations sur l’immeuble.

« Que toutes les dépenses et charges associées à l’immeuble aient été prises en charge par sa société liée à Clickimprimerie à partir de 2015 ne permet pas de remettre en cause l’existence du droit de propriété et de l’intérêt d’assurance de Québec inc. », a toutefois rétorqué la défense. 

C’est le point de vue auquel a adhéré la juge Dominique Poulin, de la Cour supérieure. Elle écrit dans son jugement : « Le Tribunal est d’avis que Québec inc. a un intérêt économique évident dans l’équipement et l’inventaire de Clickimprimerie. La preuve démontre une interdépendance économique entre les deux sociétés, vu la consolidation par l’actionnaire des opérations de celles-ci. La preuve démontre également que le même individu détient l’intérêt économique ultime dans les biens appartenant aux deux sociétés ». 

Montants des indemnités 

Les dommages réclamés par le sinistré étaient également contestés par RSA. La juge a donné raison à l’assureur sur ce point. Son client réclamait un montant correspondant à la valeur marchande de l’immeuble au jour du sinistre, mais dont il avait déduit le produit de la revente de la bâtisse, soit 163 000 $. La juge retient plutôt l’évaluation de RSA qui l’avait établie à 121 593 $ et ramène l’indemnité pour l’immeuble à ce montant.

La magistrate a en plus fixé à 150 941 $ la somme à verser à l’assuré pour les équipements appartenant à l’imprimerie, avec le résultat que RSA devra faire un chèque total de 272 534 $ à son client. 

Possibilité d’appel 

Le jugement de la Cour supérieure est daté du 12 janvier 2023. RSA Canada étant désormais partie intégrante d’Intact Corporation financière, le Portail de l’assurance a vérifié si l’assureur entend déposer une requête auprès de la Cour d’appel du Québec.

Les défendeurs ont 30 jours pour soumettre leur requête et ce délai est toujours en vigueur. La porte-parole d’Intact, Karine Iskandar, indique ceci par courriel: « Nous sommes à analyser nos options et donc nous ne pouvons pas nous prononcer avant la fin du délai d’appel. »