L’industrie de l’assurance de dommages au Canada pourrait absorber un séisme d’une intensité correspondant à un événement aux 500 ans. Toutefois, un tremblement de terre d’une ampleur survenant aux 700 ans entraînerait des défaillances importantes. Il s'agit de la conclusion de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA) dans un nouveau rapport examinant les répercussions potentielles sur la stabilité financière des lacunes en matière de protection contre les catastrophes naturelles.
Cette étude de cas s’inscrit dans un rapport sur le marché mondial de l'assurance (Global Insurance Market Report – GIMAR), intitulé en anglais Potential financial stability implications of natural catastrophe insurance protection gaps. L'AICA est une organisation regroupant des superviseurs et des régulateurs du secteur de l'assurance de plus de 200 juridictions.
Un risque systémique en croissance
« L’élargissement des lacunes de protection (par exemple, en raison d’une diminution de l’assurabilité des actifs due à l’augmentation de la fréquence et de la gravité des événements météorologiques) pourrait accroître le risque systémique », indique l’AICA dans le rapport. Les auteurs précisent que ces lacunes découlent d’un ensemble de facteurs, notamment l’inassurabilité de certains risques, le manque d’accessibilité financière et le manque de sensibilisation aux risques.
« Les études de cas présentées dans ce rapport offrent un éclairage sur le potentiel de risques systémiques, en particulier dans les juridictions où l’exposition est concentrée. Par exemple, à l’avenir, une réduction de l’assurabilité des actifs liés au financement bancaire pourrait engendrer un risque systémique et une instabilité financière. »
Effet domino sur le système financier
L’AICA prévient que les lacunes pourraient continuer de s’accentuer dans les années à venir si la croissance des couvertures d’assurance ne suit pas celle des expositions. Le rapport s’attarde aux répercussions des événements liés aux catastrophes naturelles sur le secteur financier et les assureurs : sur les effets d’amplification, les risques de déclassement de compagnies, les répercussions en chaîne sur les portefeuilles d’investisseurs et les bilans des institutions financières, sur les marchés immobiliers et les prix boursiers.
Au Canada
Dans le cas du Canada, le rapport examine les risques liés aux inondations et aux séismes.
« Les inondations représentent le danger naturel le plus fréquent et le plus coûteux au Canada », écrit l’AICA. Les auteurs précisent que les propriétaires résidentiels assument environ 75% des pertes non assurées.
Ils ajoutent que la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ont tous deux récemment mené des tests de résistance comportant une analyse détaillée du risque d’inondation : « Les conséquences économiques des inondations peuvent être graves pour les communautés touchées, mais elles ne représentent pas un choc systémique pour l’ensemble du système financier. En revanche, les pertes causées par un séisme majeur, notamment en Colombie-Britannique ou au Québec, pourraient présenter un risque pour la stabilité financière. »
Des conséquences socioéconomiques considérables
Selon l’AICA, les conséquences socioéconomiques d’un futur séisme survenant dans une zone métropolitaine seraient comparables à l’ensemble des autres catastrophes naturelles réunies.
Le rapport souligne que Vancouver a pris certaines mesures pour atténuer le risque, notamment par l’intégration de normes sismiques dans son code du bâtiment, mais que ce n’est toutefois pas le cas de Montréal ni d’autres municipalités.
« De nombreuses maisons endommagées ne seront pas assurées contre les séismes. Le taux de souscription à une assurance contre les tremblements de terre est de 50 à 70 % en Colombie-Britannique, mais il est inférieur à 5% au Québec. Parmi les raisons probables de cette faible souscription figurent le prix élevé, la perception du risque, des produits peu attrayants (comme les franchises élevées), une faible sensibilisation au risque, une mauvaise compréhension des conditions de la police et une attente optimiste d’une aide gouvernementale après une catastrophe naturelle majeure. »
Des franchises dissuasives
« Pour ceux qui ont souscrit une assurance contre les séismes, les franchises élevées prévues dans les polices actuelles en Colombie-Britannique feront en sorte que de nombreuses maisons endommagées ne recevront aucune indemnisation. Et les exclusions concernant les tsunamis et la liquéfaction des sols signifient que de nombreux clients qui croyaient être couverts ne le seront pas », prévient l’AICA. « Les problèmes pour les syndicats de copropriété seront encore plus importants. »
L’étude de cas conclut qu’un événement d'une ampleur survenant aux 700 ans, en l’absence d’un soutien gouvernemental, pourrait entraîner des pertes totales dépassant 35 milliards de dollars (en devises canadiennes). Cela pourrait, selon l’AICA, provoquer une défaillance systémique de l’industrie canadienne de l’assurance de dommages. « Ce qui, à son tour, pourrait entraîner des pertes dans le reste du système financier et sur le marché immobilier. »