Selon Grant Kelly, de la Société d’indemnisation en matière d’assurance (SIMA), les résultats financiers du troisième trimestre de 2023 chez les assureurs de dommages canadiens révèlent trois tendances importances. 

Les propos de l’économiste en chef de la SIMA sont publiés dans le bulletin Parlons solvabilité (Solvency Matters) publié tous les trimestres par l’organisme. M. Kelly présente son analyse des résultats à partir des données fournies par MSA Research

M. Kelly rappelle qu’il n’est pas possible de comparer tous les ratios de rendement avec ceux des années antérieures, en raison des changements apportés depuis le 1er janvier 2023 à la norme IFRS 17. 

Les placements 

Comme première tendance observée, Grant Kelly constate que les résultats de placement (ou résultats d’investissement dans le tableau ci-dessous) ont retrouvé une tendance profitable, alors qu’un an plus tôt, les assureurs subissaient les contrecoups négatifs de la hausse des taux d’intérêt sur leurs portefeuilles obligataires. 

Le rendement sur le capital investi (RCI) a été de 2,7 % après neuf mois en 2023, comparativement à une perte de 2,2 % pour la même période de l’année dernière. Ce revirement des résultats de placement représente 1,8 milliard de dollars (G$) au 30 septembre 2023, comparativement à la même date un an plus tôt. 

Les activités d’assurance 

La deuxième tendance relevée par l’économiste en chef de la SIMA est la légère détérioration des résultats d’assurance globaux de l’industrie. Les produits (ou revenus) des activités d’assurance ont certes augmenté de 8 % par rapport à l’année dernière, mais la hausse des charges afférentes aux activités d’assurance a été encore plus élevée, à 9,1 %. 

La différence entre les deux a réduit de 94 M$ le résultat net des activités d’assurance. Le terme « résultat d’assurance » est la nouvelle appellation découlant de la norme IFRS 17 qui était autrefois présentée par le produit de souscription.

Pour expliquer cette légère baisse de 1,6 % des résultats d’assurance, Grant Kelly met l’accent sur les problèmes de sinistralité en assurance des biens des particuliers. Le ratio net des activités d’assurance s’est établi à 111,6 % pour les neuf premiers mois de 2023, ce qui pèse sur le capital de base des assureurs, selon la SIMA. 

Les sinistres catastrophiques ont largement dépassé la barre des 3 G$ en 2023, selon les données de l’indice CatIQ rapporté par le Bureau d’assurance du Canada

M. Kelly rappelle que le nouveau ratio net des activités d’assurance est semblable au ratio sinistres-primes prévu par la norme IFRS 4, mais il est associé généralement à des chiffres plus élevés. Ce nouveau ratio comprend les frais d’acquisition, incluant les commissions et la réassurance ainsi que l’impact des contrats déficitaires. 

Heureusement, la situation générale des assureurs a été compensée par de meilleurs résultats pour le ratio net des activités d’assurance en assurance automobile (92,6 %), en assurance des biens des entreprises (86,6 %) et en assurance responsabilité civile des entreprises (80,2 %). 

Les rendements 

La dernière tendance rapportée par l’économiste concerne le rendement des capitaux propres (RCP), qui s’est établi à 11,5 % sur une base annualisée après les neuf premiers mois de 2023. « Ce chiffre cadre avec le RCP moyen à long terme antérieur à la mise en application de l’IFRS 17. Entre 1975 et 2022, l’industrie des assurances IARD du Canada a affiché un RCP moyen de 10,5 % », indique Grant Kelly. 

En conséquence, comme le RCP des deux années précédentes avait été anormalement élevé, on peut qualifier l’exercice 2023 comme une année « moyenne » pour l’industrie, conclut-il. 

L’effondrement systémique 

Comme cela était le cas dans son bulletin de l’automne 2023, la SIMA continue de se préoccuper de l’effondrement systémique de l’industrie en cas de catastrophe majeure découlant d’un tremblement de terre important au Canada. La couverture de ce risque n’est toujours pas obligatoire au pays. 

Même pour les personnes assurées contre les séismes, les dommages découlant des risques secondaires comme les tsunamis et les avalanches ne sont généralement pas couverts. 

Grant Kelly signe un autre texte dans le bulletin sur le concept de « résolution ». Dans le contexte de l’assurance, la résolution se définit comme une action menée par les autorités réglementaires à l’égard d’un assureur qui n’est plus viable et n’a aucune perspective raisonnable de retour à la viabilité. 

Les mesures de résolution comprennent le transfert de portefeuille, la liquidation des sinistres, la restructuration et la liquidation. Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) demande à la SIMA de prouver qu’elle est prête pour une résolution.

Pour ce faire, l’organisme doit disposer des sommes nécessaires pour rembourser rapidement les primes non acquises et de régler les réclamations admissibles des titulaires dans le cas où un assureur perdrait la confiance des autorités réglementaires. 

La SIMA a le pouvoir de percevoir une cotisation générale annuelle qui peut représenter jusqu’à 1,5 % des primes directes souscrites de chaque assureur membre. Cette cotisation peut être perçue aussi longtemps qu’il le faut advenant l’insolvabilité d’un assureur. La somme que la SIMA peut exiger de ses membres est limitée par un plafond, lequel sera de 1,2 G$ en 2024. 

En cas de faillite d’un assureur, il s’écoule un certain temps entre la perception de la cotisation par la SIMA et l’annonce de l’insolvabilité. Pendant cette période, la protection des titulaires de police est maintenue.

L’organisme dispose de deux sources de liquidités. Premièrement, son Fonds d’indemnisation totalisait 59,6 M$ en décembre 2023. Les actifs doivent être accessibles en 48 heures. M. Kelly rappelle que la SIMA n’a jamais eu recours à ce Fonds depuis qu’il a été constitué. 

En 2021, un rapport de la société Eckler indiquait que le Fonds était suffisant en cas de faillite pour les 100 plus petits assureurs membres de la SIMA, mais qu’il serait insuffisant advenant la faillite de l’un ou l’autre des 70 plus grands assureurs membres. En conséquence, la SIMA a négocié une capacité de crédit de 250 M$ par l’entremise d’un consortium constitué de six grandes banques canadiennes. 

Avec plus de 300 M$ en liquidités accessibles par le Fonds, la SIMA a la capacité financière de rembourser les primes non acquises et de régler jusqu’à six mois de sinistres attendus pour 135 des 169 assureurs membres.

En se limitant au seul remboursement des primes non acquises, la SIMA a la capacité couvrant 152 des 169 assureurs membres. Si l’insolvabilité survient chez l’un des 17 plus grands assureurs membres, ces réserves sont insuffisantes. 

En fonction de ce constat, Grant Kelly indique que la SIMA continue de discuter avec le BSIF pour chercher des solutions de rechange à la liquidation, notamment un protocole de résolution.

Advenant la faillite d’un assureur important, des outils différents seront requis, comme le transfert de portefeuille, la réassurance ou le recours à un assureur-relais, conclut l’économiste. 

Concernant l’assureur-relais, ailleurs dans son dernier bulletin trimestriel, la SIMA indique qu’il s’agit là d’un dossier prioritaire. Elle vise à faire approuver ce processus par le BSIF d’ici la fin de 2024.