Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de faillite chez les assureurs au Canada depuis 2004 qu’il n’y en aura plus jamais. Quand elle survient, l’insolvabilité frappe en moyenne au moins trois assureurs d’un même territoire sur quelques années. L’industrie doit donc rester vigilante et se préparer, particulièrement en raison des risques climatiques. 

La Société d’indemnisation en matière d’assurance (SIMA) vient de publier When, Where and How Often Insurers Fail: Introducing the Global Failed Insurer Catalogue, la plus récente édition de la série d’enquêtes sur le thème Why insurers fail. L’étude est signée par Grant Kelly et Zhe (Judy) Peng

La SIMA (PACICC pour son acronyme anglais) est l’organisme de compensation qui intervient en cas de faillite d’un assureur. En assurance de personnes, son équivalent est Assuris. L’organisme a publié la dernière édition de ses études sur les cas d’insolvabilité en assurance au début de l’été 2022. 

Depuis sa fondation en 1989, rappelle-t-elle dans son plus récent rapport annuel, il y a eu 13 faillites d’assureurs, mais aucune n’est survenue depuis 2004. 

Les auteurs rappellent que comme les faillites se font plus rares, il pourrait être tentant de conclure qu’un tel événement est chose du passé. Or, la compilation menée par la SIMA montre que 547 assureurs ont fait faillite dans le monde depuis 2000, tant en assurance de dommages qu’en assurance de personnes.

Ces faillites sont survenues dans 55 législations distinctes. Seulement aux États-Unis, on en dénombre 263 durant cette même période. 

À l’échelle internationale, quelque 24 compagnies d’assurance font faillite chaque année, soit 17 en dommages, 6 en assurance de personnes et une active dans les deux marchés. Depuis 2005, la moyenne a baissé pour atteindre 20 faillites par année, constate-t-on à la lecture du rapport. 

Sur la période de 2000 à 2002, la compilation de la SIMA rapporte 369 faillites chez les assureurs de dommages partout dans le monde, avec un sommet de 37 dossiers d’insolvabilité atteint en 2001. De 2003 à 2022, le nombre moyen de faillites chaque année dans ce même groupe a chuté à moins de 14, avec la moitié de ces événements ayant eu lieu aux États-Unis. 

Deux à trois ans 

L’étude montre que lorsqu’une première faillite survient dans une législation donnée, elle a un effet de contagion sur l’industrie. La compilation de la SIMA révèle qu’il y a souvent un petit groupe d’au moins trois assureurs qui deviennent insolvables sur une période de deux ou trois années. Par la suite, le marché se stabilise. C’est ce qu’il s’est passé au Canada avec les six faillites survenues entre 2000 et 2003. 

Il n’y a pas d’indicateurs spécifiques à un pays ou à une stratégie d’affaires qui permettent de prédire une faillite, ajoutent les auteurs. Cependant, les facteurs connus sont communs dans tous les cas : la mauvaise sélection de risque, la tarification insuffisante, les réserves inadéquates, la gouvernance de l’entreprise et les lacunes du cadre réglementaire. 

Un nouveau facteur s’ajoute de manière plus récente : l’impact des catastrophes naturelles. « Le risque climatique augmente la probabilité de l’insolvabilité », résument les auteurs dans le sommaire exécutif de l’étude.

Le rapport énumère des exemples où la faillite d’un assureur a découlé du risque primaire ou secondaire associé à une catastrophe naturelle majeure. Le risque catastrophique a été responsable d’environ 30 % des faillites des assureurs de dommages en 2021 et 2022 et cette tendance est à la hausse. 

La SIMA cite notamment huit exemples où des assureurs américains sont devenus insolvables en 2021 et 2022 en raison des ouragans Laura, Delta, Zeta et Ida, de même que la tempête de verglas ayant frappé le Texas. 

Le cadre réglementaire ne vise pas à empêcher tous les cas d’insolvabilité, mais pour minimiser les impacts en pareil cas. « Il n’y a pas de récompense dans le marché de l’assurance sans prise de risque », indique-t-on dans l’étude. La concurrence suscitée par l’arrivée de nouveaux joueurs et la sortie des assureurs moins rentables est au contraire un indice de la bonne santé d’une industrie. 

Dans une étude menée en 2017, la SIMA avait dénombré 161 assureurs de dommages qui avaient mis fin à leurs activités au Canada entre 1995 et 2015. Seulement six ont quitté le marché en raison de circonstances involontaires, incluant l’insolvabilité. 

Assureur-relais 

En 2021, la SIMA indiquait qu’il fallait renforcer le fonds d’indemnisation des assureurs, car le risque systémique découlant de la faillite d’un assureur majeur était associé à un chiffre : 35 milliards de dollars

Ce point de bascule serait facilement atteint en cas de séisme important dans une région densément peuplée. Dans la plus récente édition de son bulletin Parlons solvabilité, la SIMA note que la plupart, voire tous les pays développés qui sont exposés à un risque de séisme important ont mis en place une forme quelconque de filet de sécurité gouvernemental. « L’absence de ce type de protection est une lacune importante du cadre de politique publique du Canada », estime la SIMA. 

L’organisme constate que malgré les « dix longues années à défendre ce dossier », le gouvernement semble mettre tous ses efforts dans le dossier des inondations, « politiquement plus urgent », et qu’il est probable de trouver une solution à court terme sur le risque systémique associé à un séisme majeur. 

Le type de défaillance qui est le plus susceptible de requérir l’intervention de la SIMA est en train de changer. « Le rythme accéléré de la consolidation de l’industrie laisse penser que la prochaine faillite pourrait être celle d’un assureur de taille moyenne, ou même grande, découlant d’une catastrophe naturelle d’envergure considérable provoquée par les changements climatiques », indique l’organisme. 

Les pouvoirs de résolution de la SIMA comportent une lacune : l’absence d’un mécanisme d’assureur-relais. Un tel mécanisme existe pour le secteur bancaire et aussi chez Assuris, homologue de la SIMA en assurance de personnes. En conséquence, la SIMA collabore avec le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) à cet égard. Des rencontres mensuelles sont prévues durant tout l’automne pour établir un assureur-relais. 

L’inflation 

Par ailleurs, le processus d’évaluation des plafonds d’indemnisation de la SIMA est en cours. À l’automne 2022, la société Eckler a été mandatée pour recueillir et analyser quelque 750 000 dossiers d’indemnisation individuels.

En avril 2023, le conseil d’administration a noté que le rapport initial soumis par Eckler avait permis d’établir que l’inflation a entraîné une certaine érosion des plafonds d’indemnisation dans les trois années écoulées depuis la précédente évaluation. 

Les assureurs membres ont été sondés sur l’examen mené en 2023 concernant l’étendue de la couverture, les plafonds d’indemnisation par province et le processus d’appel relatif aux demandes d’indemnité pour difficultés exceptionnelles. Les commentaires recueillis permettront à la direction de la SIMA de préparer les solutions qui seront soumises au conseil d’administration à sa réunion du 16 novembre.

Avant d’être mise en vigueur, toute modification aux couvertures et aux plafonds d’indemnisation devra obtenir l’approbation des organismes de réglementation. Cet examen de 90 jours aura lieu de décembre 2023 à février 2024. Les membres de la SIMA devront aussi entériner le changement lors de leur assemblée générale annuelle d’avril 2024.