Une ex-représentante contractuelle qui avait poursuivi iA après la rupture de son contrat vient de voir plusieurs de ses réclamations rejetées par la Cour supérieure du Québec, mais elle a obtenu gain de cause sur un volet : le tribunal lui a consenti un peu plus de 103 000 dollars ($) alors qu’elle en réclamait 4,4 millions de dollars (M$).
Katia Mussel était l’unique actionnaire et la dirigeante de Cabinet Planificateur financier Katia Mussel Assurances et Services Financiers inc. À l’époque où elle entretenait des liens d’affaires avec iA, elle opérait à l’intérieur du réseau carrière de l’assureur et était rattachée à l’agence Saint-Martin de l’assureur, située à Laval.
De 2002 à 2015, elle et son cabinet ont maintenu une relation contractuelle avec iA. Elle était ainsi autorisée à solliciter et obtenir des contrats pour les différents services financiers offerts par iA. En retour, elle s’engageait à lui transmettre toute proposition d’assurance, de rentes ou autre service financier.
Ses rapports avec l’agence Saint-Martin et iA ont toutefois été difficiles par moments, ce qui devait mener à la résiliation de son contrat.
Appartenance au réseau carrière d’iA
Grâce à son appartenance au réseau carrière d’iA, Katia Mussel avait été en mesure d’acquérir les droits de représentation d’un nombre élevé de clients de divers représentants du réseau.
Mais comme les clients appartiennent à iA, si un représentant désire quitter le réseau, il doit vendre son droit de représentation de sa clientèle. Il était aussi interdit aux membres de ce réseau d’avoir un contrat le rattachant à une autre entité d’iA pour une durée de trois ans, une clause de non-concurrence qui a été désavouée par le tribunal.
À compter de 2010, Katia Mussel se fait de plus en plus insistante afin d’obtenir la permission d’évoluer simultanément au sein du réseau carrière d’iA et pour un groupe extérieur afin de desservir certains clients, ce qui lui est refusé.
Elle demandera aussi à plusieurs reprises d’être autorisée à faire affaire directement avec le siège social d’iA pour les questions de conformité, sans passer par l’agence Saint-Martin, et que son cabinet devienne une agence d’iA. Elle menacera plusieurs fois de quitter cette enseigne si ses demandes ne sont pas acceptées. Malgré ses menaces, l’assureur lui refuse ces privilèges.
Fin de contrat après 13 ans
En novembre 2015, 13 ans après le début de leur lien, iA décide, sans préciser de motif, de mettre fin au contrat qui le lie à Katia Mussel et à son cabinet. Conformément aux termes de ce contrat, l’entreprise lui transmet un préavis de fin de contrat de sept jours.
« Considérant les demandes et plaintes répétées de Katia Mussel et en raison de son insistance à être autorisée à évoluer à l’extérieur du réseau carrière, iA a tout simplement perdu confiance en elle », explique le juge Patrick Ouellet, de la Cour supérieure.
Poursuite déposée contre iA
En juillet 2017, le cabinet et sa fondatrice intentent des procédures judiciaires contre iA. Ils prétendent que les clauses contractuelles permettant de mettre fin au contrat sans motif, avec un préavis de sept jours, et prévoyant le rachat du droit de représentation de la clientèle, doivent être annulées.
Ses avocats plaident également que les clauses de non-concurrence qui limitaient leur cliente dans son travail sont invalides et abusives.
Au total, ils réclament à iA une somme de 4 402 49,63 $ en dommages et intérêts, dont 3 M$ pour compenser leur perte de revenus futurs, 492 000 $ pour l’ajustement de la juste valeur marchande du droit de représentation de la clientèle du cabinet rachetée par iA et 301 727,40 $ à titre de préavis raisonnable de résiliation de contrat.
L’assureur a nié le caractère abusif de ses clauses contractuelles et avoir commis des abus. En contrepartie, il avait offert, sans admission, de lui payer la somme de 55 615 $ et avait même consigné cette somme en fiducie.
La Cour supérieure a rendu son jugement le 28 novembre dernier.
Pas de motif de résiliation à donner, selon iA
iA a soulevé en Cour qu’il n’avait donné aucun motif de résiliation, car le contrat lui permettait d’y mettre fin sans avoir à invoquer de cause. Le magistrat lui a donné raison.
« Dans le cas d’un contrat de service, écrit-il, le client peut procéder à sa résiliation sans avoir à motiver sa décision et sa responsabilité se limite à payer le montant de l’indemnité. »
« Ainsi, ajoute le juge Ouellet, même en l’absence d’une clause contractuelle autorisant la résiliation du contrat sans motif, la loi reconnaît le droit strict du client de procéder à sa résiliation sans avoir à motiver sa décision. »
Il estime par ailleurs que la clause de résiliation sans motif avec un préavis de 7 jours n’était pas abusive. En conséquence, la représentante et son cabinet n’ont pas droit au paiement de dommages et intérêts sur ces deux aspects.
À propos de la valeur du rachat du droit de représentation, le Tribunal dit qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi de la part d’iA et rejette donc la réclamation portant sur cet enjeu.
Le juge souligne que la réclamation de 3 030 694 $ à propos du rachat de ce droit est « grandement exagérée et le Tribunal n’aurait pas octroyé un tel montant s’il avait conclu en faveur des demanderesses (NDLR: Katia Mussel et son entreprises). »
Clauses de non-concurrence annulées
Les avocats de Katia Mussel ont plaidé que les clauses de non-concurrence contenues aux contrats de service et de cession étaient invalides puisqu’elles restreignaient indûment son droit d’exercer sa profession et de gagner sa vie.
Sur ce point, le juge lui donne raison. Le seul fait qu’elles ne contiennent aucune limitation géographique est suffisant pour conclure à leur invalidité, indique-t-il. Il annule donc cette clause et oblige iA à verser à son ancienne représentante contractuelle des sommes dues au cabinet Cabinet Planificateur financier Katia Mussel Assurances et Services Financiers inc., sommes qu’il avait retenues pour violation de son contrat lors du rachat du droit de représentation.
Le montant que l’assureur devra lui remettre s’élève à 103 023 $ en plus des intérêts et des indemnités prévues au Code civil. C’est la somme totale que Katia Mussel recevra à la suite de ce procès : elle ne recevra donc pas les 4,4 M$ qu’elle demandait.
Le juge a rejeté plusieurs autres réclamations, notamment le paiement de dommages moraux, de commissions de ventes, bonis et renouvellements non versés et de sommes pour des propos diffamatoires qu’auraient tenus des représentants d’iA à son endroit.
Contactée par Le Portail de l’assurance, Katia Mussel, qui opère maintenant sous le nom de Katia Mussel Groupe financier, n’a pas voulu commenter le jugement. Elle s’est limitée à dire par courriel qu’elle « était grandement déçue ».