Le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) ne le cache pas. Il ne partage pas nécessairement les vues des assureurs à courtage quant au déploiement du numérique en assurance et de la vente par Internet.

Le Journal de l’assurance a rencontré Patrick Bouchard, président du RCCAQ, pour discuter des défis qui attendaient le Regroupement au cours des prochaines années. La rencontre s’est faite dans le cadre du congrès annuel de l’organisme, qui s’est déroulé début novembre à Gatineau. M. Bouchard était accompagné du directeur général Guy Parent.

Guy ParentDans son mémoire déposé dans le cadre de la révision de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (loi 188), le RCCAQ donne l’exemple d’AXA en France, qui fait maintenant de cotations en ligne. « Au final, 70 % des gens prennent le téléphone pour conclure leur transaction. AXA pensait couper ses centres d’appels en adoptant la cotation en ligne. Ils ont plutôt dû embaucher des gens », relate M. Parent.

M. Bouchard parle de son expérience personnelle, notamment en assurance des entreprises. « Souvent, il faut trois ou quatre jours au client pour remplir le formulaire, que l’on reçoit après quelques suivis, et bien souvent mal rempli. Il ne veut pas s’occuper de cela », dit-il.

Il ajoute que dans le marché spécialisé des particuliers, la réalité est aussi tout autre. « Le client ne veut pas un prix, mais un oui. Ce n’est pas vrai que tous les jeunes de 25 ans veulent acheter par Internet. Ils ont aussi besoin de se faire rassurer par une voix humaine », dit M. Bouchard.

M. Parent ajoute que l’industrie se donne une image flatteuse du consommateur. « On le voit, très urbain, très universitaire et très éduqué. Ce n’est pas le cas. Un grand pan de la population n’est pas capable de comprendre une nouvelle simple dans un journal », dit-il.

Le directeur général du RCCAQ ajoute que pour les assureurs, la menace n’est pas interne, mais externe. « Personne n’aurait pensé un jour qu’Uber puisse devenir le plus grand assureur en automobile. Pour Intact, la menace, ce n’est pas RSA, c’est Google et Facebook », indique M. Parent.

Patrick BouchardLe RCCAQ croit toutefois important de rappeler qu’il y a encore des gens qui vivent sur le plancher des vaches. « Nous avons encore des gens qui nous appellent pour nous demander si nous avons bien reçu leur fax. Les assureurs vont vers le virage numérique. C’est bien, mais il ne faut pas oublier que les gens ont encore besoin de se faire rassurer », dit M. Bouchard.

Le président du RCCAQ aimerait d’ailleurs que chaque assureur vienne passer une journée dans son cabinet pour comprendre ce que font les courtiers. « La haute direction n’a pas de vues sur ce qui se passe sur le plancher. Ils réfléchissent en fonction des chiffres. Ils découvriraient que nous avons une excellente relation avec leurs clients. C’est un très beau projet de vouloir aller sur Internet, mais les gens ne sont pas encore rendus là. Le conseil a encore une valeur », assure M. Bouchard.

Il ajoute aussi que la formation en assurance de dommages n’est pas si évidente. « Il n’est pas rare de voir des étudiants en attestation d’études collégiales (AEC) obtenir une note de 70 % dans un examen portant sur l’assurance automobile. Et on croit que le consommateur pourrait acheter sa protection tout seul sur Internet! Il aura beau vouloir, mais il faudra le gérer », dit le président du RCCAQ.