Un dégât d’eau provoqué par le bris du robinet de la baignoire a entraîné des dommages. Subrogé aux droits des assurés, l’assureur réclame la somme au fabricant du robinet et au distributeur. Le tribunal donne raison à La Personnelle assurances générales et condamne solidairement les défenderesses à rembourser la somme de 41 313,52 $.
L’affaire opposant l’assureur à la société Deschênes & Fils ltée, faisant affaire sous le nom de Plomberium Proulx et Fils, et à la société Distribution Ad Waters (CAN) Inc., faisant affaire sous le nom d’Aquabrass, a été entendue le 30 septembre 2024 par le tribunal.
La juge Chantale Beaudin, du district de Terrebonne de la Cour du Québec, a rendu son jugement le 31 mars dernier. Elle précise que le recours de l’assureur est basé sur la responsabilité du vendeur professionnel, du fabricant et du distributeur. Quand un mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément, la loi prévoit une présomption de l’existence d’un vice au moment de la vente.
Plomberium nie l’existence d’un vice et que s’il existe, il relève du fabricant. Elle allègue également la faute d’un tiers, mais l’entrepreneur ayant installé le robinet quatre ans et huit mois plus tôt n’est plus une partie à l’instance. Aquabrass se limite à nier toute responsabilité.
Le contexte
L’assuré de La Personnelle est un enseignant au secondaire qui achète sa résidence en 2002 et qu’il rénove au fil des ans. En janvier 2015, c’est au tour de la salle de bain. Il achète notamment une baignoire autoportante et un ensemble de robinets de bain chez Plomberium.
Le propriétaire relate qu’entre l’installation et le jour du sinistre, le 25 août 2019, les robinets sont utilisés normalement par les membres de la famille et lui-même. C’est au retour de vacances, après quatre jours à l’extérieur du domicile, qu’il constate la présence d’eau sur le plancher du vestibule.
Le plancher de la salle de bain est recouvert en grande partie par un demi-centimètre d’eau. Un filet d’eau s’écoule du robinet de la baignoire. Il ferme l’entrée d’eau, éponge les dégâts et communique avec son assureur. L’experte en sinistre mandatée par l’assureur communique avec une firme de restauration, qui se rend sur les lieux au lendemain du sinistre.
L’experte en sinistre se rend sur les lieux le 28 août 2019 et prend des photos du chantier, après avoir constaté l’origine du dégât. Dès le 4 octobre 2019, l’assureur transmet un avis de dénonciation aux défenderesses. Il leur accorde 10 jours afin de convenir de l’examen du bien. Les défenderesses ne se rendent pas sur les lieux et ne mandatent pas d’expert pour tester le matériel ou évaluer le quantum des dommages. Le coût des travaux payés par l’assureur n’est pas contesté par les défenderesses.
Le propriétaire apporte l’ensemble des robinets démonté et se rend chez Aquabrass à Montréal, avant de repartir avec un nouvel équipement. La défenderesse fait des tests qu’elle filme pour soutenir sa preuve. Le tribunal accorde peu de force probante à ces tests.
La juge rappelle que l’eau était fermée au moment du sinistre, alors que les tests sont conduits alors que l’eau est en marche. De plus, l’assuré a identifié l’endroit où l’eau fuyait, alors que la séquence vidéo montre autre chose.
L’analyse
La Personnelle soutient avoir fait la preuve d’un déficit d’usage sérieux et de l’ignorance par ses assurés de la condition du bien au moment de la vente. De son côté, le procureur d’Aquabrass soutient que la preuve de l’assureur ne suffit pas à invoquer les présomptions prévues par les lois.
La juge Beaudoin rappelle les règles édictées par la Cour d’appel en matière de défaut caché qui prend l’aspect d’un déficit d’usage. « La garantie d’usage de l’article 37 de la Loi de protection des consommateurs implique que dès que le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, on présume que le défaut est antérieur à la vente, ce qui laisse également présumer de la connaissance du vendeur de son existence. »
La Cour d’appel a rappelé l’importance de la présomption de la cause occulte qui élargit la conception traditionnelle du vice caché, souvent limité au fonctionnement du bien.
Aquabrass tente aussi de minimiser l’importance du témoignage du propriétaire sinistré. Selon le tribunal, la preuve soumise par la demanderesse corrobore le témoignage et confirme que le dégât d’eau a eu lieu dans la salle de bains à l’étage, soit l’endroit où l’assuré a constaté la fuite.
« Un consommateur québécois moyen est en droit de s’attendre à ce qu’un ensemble de robinets acheté neuf ne coule pas après quelques années d’utilisation », écrit le tribunal. La durée de vie utile d’un robinet résidentiel varie de 15 à 20 ans, indique la jurisprudence citée par la demanderesse.
Aquabrass maintient que la demanderesse n’a fait entendre aucun témoin expert sur la durée de vie du robinet. « Or, les attentes légitimes d’un acheteur moyen quant au bien qu’il se procure s’apprécient de façon abstraite par rapport au consommateur moyen. Une preuve d’expert n’est pas nécessaire », tranche la juge Beaudoin.
Une personne raisonnable n’aurait pas acquis cet ensemble de robinets en sachant que 56 mois plus tard, il laisserait de l’eau s’écouler au niveau de la poignée entre le levier et le corps de celui-ci.
La preuve soumise par l’assureur permet d’appliquer les présomptions légales. Les défenderesses n’ont pas réussi à repousser les présomptions qui pèsent sur elle. Au lieu de faire des tests sans valeur probante, les défenderesses auraient pu se rendre sur les lieux pour examiner le robinet et ses branchements et faire une expertise sur place.
En plus des coûts de l’indemnité, les défenderesses sont condamnées au paiement des intérêts au taux légal et de l’indemnité additionnelle depuis le 22 mars 2022, en plus des frais de justice. Selon le calculateur du Barreau du Québec consulté par le Portail de l’assurance, les sommes dues totalisent 52 306,30 $.