Il n’y a pas que Montréal et Toronto qui sont aux prises avec les vols de véhicules. Beaucoup de villes américaines vivent le même fléau, mais certaines ont décidé de réagir et de poursuivre elles-mêmes deux constructeurs, Hyundai et Kia, en raison des coûts policiers et sociaux que les milliers de disparitions de leurs modèles entraînent.
Ce n’est pas la seule réaction qu’a suscitée l’explosion de crimes de cette nature aux États-Unis. Des assureurs américains ont aussi décidé de ne plus assurer certaines marques en raison de la facilité avec laquelle on pouvait les dérober.
Des villes poursuivent des constructeurs
Selon le National Insurance Crime Bureau (NICB), 1 million de véhicules ont été volés aux États-Unis en 2022.
Ce type de larcin a été alimenté par la diffusion sur le réseau social TikTok de véritables leçons d’un mécanicien qui montrait à quel point c’était un jeu d’enfant de voler une Kia ou une Hyundai. Il était possible de démarrer certains modèles fabriqués entre 2011 et 2022 au moyen d’un simple tournevis et d’un cordon USB. Ces vidéos se sont répandus dans tout le pays.
En raison de la flambée de vols qui s’en est suivie, au moins 17 villes ont intenté des poursuites à l’endroit des deux constructeurs coréens. Parmi elles, New York, Chicago, Baltimore, Cleveland, Milwaukee, Seattle, Louisville, Saint-Louis, San Diego et Columbus.
Dans sa plainte, l’État de New York a accusé Hyundai et Kia de « nuisance publique » et d’avoir favorisé cette « épidémie en spirale » en raison de la facilité avec laquelle les voleurs pouvaient s’emparer de leurs véhicules.
Poids sur les ressources policières
Cette épidémie est largement traitée par des médias et sites américains, sources de nombreux chiffres sur le sujet.
À Los Angeles, les vols de Hyundai et Kia ont augmenté d’environ 85 % en 2022. À Chicago, depuis la diffusion des vidéos sur les réseaux sociaux enseignant la façon de dérober des Kia et des Hyundai, les vols de ces deux marques sont passés de 500 lors du premier semestre 2022 à plus de 8 350 le second semestre. En 2023, les vols de Kia et Hyundai représentaient plus de la moitié de tous les véhicules volés à Chicago.
À Baltimore, le maire a déclaré que le nombre de vols de véhicules dans sa ville a pesé lourd sur les ressources de son corps policier. Aux États-Unis, les voitures volées sont souvent utilisées pour commettre d’autres crimes.
« Hyundai et Kia ont rendu nos rues, nos trottoirs et nos quartiers moins sûrs », a affirmé de son côté le maire de Louisville, Craig Greenberg.
Dépenses engendrées par les vols
La plainte déposée par Chicago en août dernier allègue que Kia et Hyundai ont trompé les consommateurs en affirmant que leurs véhicules possédaient des caractéristiques de sécurité « avancées ».
« Chicago supporte le coût de la conduite illégale des défendeurs, en payant pour les dommages matériels, en détournant les ressources des forces de l’ordre et en s’efforçant d’assurer la sécurité du public contre les dommages qu’ils auraient pu éviter », a déclaré une conseillère juridique.
La ville souhaite récupérer les dépenses qu’elle a engagées pour faire face à la vague, dédommager les propriétaires des véhicules concernés et obliger les fabricants à corriger les failles de sécurité dans les véhicules concernés.
Des assureurs refusent d’assurer certains modèles
Cet ouragan de vols a eu des conséquences pour les constructeurs et certains assurés. Au début de 2023, State Farm Insurance a temporairement cessé d’accepter de nouvelles demandes de clients dans certains États pour certaines années de modèles Hyundai et Kia parce que les pertes dues au vol de ces véhicules avaient trop augmenté.
« Il s’agit d’un problème grave qui affecte nos clients et l’ensemble du secteur de l’assurance automobile. Nous prenons au sérieux notre responsabilité en matière de gestion des risques et l’impact des coûts excédentaires des sinistres sur tous nos clients. Dans le cas présent, il était nécessaire de prendre des mesures pour protéger nos assurés et nos activités », avait justifié l’assureur.
Demande de rejet des poursuites
Hyundai Motor et Kia Corp ont réagi aux actions entreprises par les villes en présentant une demande de rejet et en tentant de faire porter une partie de la responsabilité sur leur dos. Les deux constructeurs ont affirmé qu’ils ne devraient pas être tenus responsables des vols « résultant d’un phénomène criminel sans précédent sur les médias sociaux ».
Ils ont ajouté que les « politiques laxistes en matière de police et de poursuites » et les « décisions budgétaires qui ont détourné les ressources de la sécurité publique de la prévention et de la répression des vols de voitures » étaient plus pertinentes que le fait que Hyundai ou Kia n’aient pas équipé leurs véhicules d’un système antivol.
Les constructeurs déboutés
Dans une autre cause, un juge américain a écarté les demandes des deux constructeurs de rejeter les poursuites engagées par des assureurs. Ces derniers cherchent à récupérer plus d’un milliard de dollars qu’ils prétendent devoir aux conducteurs dont les véhicules ont été volés ou endommagés lors d’une vague de vols inspirée par les médias sociaux.
Dans une décision rendue le 15 novembre, un juge de la Californie a balayé leurs arguments selon lesquels il était injuste de laisser les assureurs recouvrer leur dû parce qu’ils avaient perçu les primes et assumé les risques de vol.
Le plan national attendu au Canada
Au Canada, le Bureau d’assurance du Canada espère des résultats concrets à la suite du sommet fédéral sur le vol de voitures tenu en février 2024. Un mois et demi plus tard, il souhaite que le plan national de lutte contre le vol automobile soit déposé le plus rapidement possible.
Selon le BAC, l’augmentation des ressources humaines et matérielles dédiées à la lutte contre les réseaux de vol et d’exportation de véhicules est essentielle et des normes nationales de sécurité des véhicules qui les rendent plus difficiles à voler doivent être mises de l’avant sans tarder.