S’il n’en tient qu’à trois doyens du courtage, l’Autorité des marchés financiers devrait faire marche arrière quant à sa proposition d’obliger les courtiers à dévoiler les proportions de leur volume de primes auprès des assureurs avec lesquels le cabinet fait affaire.

L’apport de John Morin dans le courtage est bien connu dans l’industrie. Au point tel que le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) a créé un prix en son nom pour souligner la contribution d’un courtier à la profession. Prix dont il est d’ailleurs l’unique récipiendaire à ce jour.

M. Morin a fait parvenir un court commentaire à l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de sa consultation sur l’encadrement du courtage, dont l’entrée en vigueur doit se faire le 13 décembre 2019. Il n’y aborde qu’un point. Il se dit contre la nouvelle obligation de divulgation proposée dans le projet de règlement.

« Divulguer le pourcentage de volume que j’ai placé chez mes assureurs donnera avant tout des renseignements d’affaires confidentiels à mes concurrents, bien au-delà de sécuriser la confiance du consommateur. Tenant compte de toutes les autres obligations de transparence du courtier, celle-ci serait de trop. Elle n’est vraiment pas nécessaire », commente-t-il.

Le cadre actuel fonctionne, dit Robert Dupont

Robert Dupont a fondé deux compagnies qui ont marqué le courtage au long de ses 60 années de carrière en assurance de dommages. Il a tout d’abord créé L’Unique, plus tard vendue à La Capitale. Il a ensuite fondé la bannière Intergroupe. Il agit aujourd’hui à titre de consultant.

Lui aussi se dit contre l’obligation de divulgation des volumes d’affaires. Il n’a pas pris part à la consultation de l’Autorité, mais il a toutefois publié un message sur ce sujet sur le réseau social LinkedIn.

« Au lieu d’exiger que les courtiers mentionnent leur pourcentage de volume avec chacun de leurs assureurs au client, [il faudrait] que l’Autorité exige tout simplement que le courtier détienne un minimum de trois assureurs dont il distribue ses produits. L’Autorité pourra se réserver le droit d’exiger une copie des trois contrats de distribution, sous peine de pénalités. Le fait de savoir le pourcentage du volume du courtier avec ses assureurs ne sera d’aucune utilité pour le client. Ça compliquera les opérations des courtiers », dit-il.

Du papier à lettres comme une carte de Noël ?

La bannière AssurExperts a aussi pris part à la consultation de l’Autorité. Son vice-président, Jacques Tardif, qui y œuvre depuis 25 ans, a pris position pour la bannière.

Il affirme que la divulgation de ses liens avec ses assureurs n’influencera en rien la décision d’achat du consommateur. « Ça ne fera qu’étirer le temps passé avec le client », a-t-il écrit.

M. Tardif déplore aussi que le courtage en assurance de dommages soit probablement le seul secteur à devoir indiquer à ses clients le pourcentage qu’il place auprès de ses fournisseurs. « Le client n’a pas d’intérêt à connaitre ces détails. Il ne s’en soucie guère. Par contre, nos concurrents, tels que les assureurs directs, s’en délecteront. Cet ajout de divulgation devait être éliminé », écrit-il.

Le vice-président d’AssurExperts se demande aussi si les courtiers devront ajouter dans toutes leurs communications les noms ou logos des assureurs avec qui ils ont des ententes. « Quel genre de papier à lettres utilisera-t-on ? Comme une carte de Noël ? Nous aurions à le réimprimer chaque fois qu’un assureur s’ajoute ou se retire ? Notre site Web serait le meilleur endroit pour en informer les consommateurs », dit-il.