L’assureur de dommages Intact Assurance a fait un pas important dans le domaine de la réparation de carrosserie automobile en faisant l’acquisition plus tôt en 2024 d’une partie du Groupe AutoSculpt, une entreprise de la région de Montréal qui compte quatre ateliers. 

Pour l’instant, son implication financière se limite à un seul site, mais son investissement soulève des questions auprès de cette industrie. Le dirigeant de la principale association de carrossiers au Québec a d’ailleurs demandé une rencontre avec un vice-président d’Intact afin de connaître ses intentions, a appris le Portail de l’assurance

Intact n’est pas le premier joueur du secteur de l’assurance automobile impliqué en tout ou en partie dans un atelier de carrosserie. TD Assurance dispose de deux centres auto au Québec qui offrent une gamme de services aux accidentés de la route. L’un de ses ateliers se trouve à Greenfield Park et l’autre à Pointe-Claire. L'assureur en possède une dizaine en Ontario. 

De son côté, Aviva a ouvert son premier centre de réparation automobile à Toronto en juin dernier, ce qui porte leur nombre à trois dans le Grand Toronto. L’assureur nous a indiqué par courriel qu’il mettait tout en œuvre pour ouvrir plus d’ateliers à l’échelle du pays.

Création du Groupe AutoSculpt 

Au Québec, Intact a décidé de pénétrer le marché de la réparation de carrosserie en achetant ces derniers mois une participation dans AutoSculpt, une entreprise qui compte quatre ateliers importants dans la métropole et sur la rive sud de Montréal : AutoScuplt Décarie, situé sur la rue Saint-Philippe, AutoSculpt Hochelaga, installé sur la rue Desautels, AutoSculpt Brossard, qui a pignon sur rue sur le boulevard Matte, et le AutoSculpt Marché Central (Centre service Intact Assurance), établi sur la rue Charles-De La Tour. 

Le groupe est toujours dirigé par l’un des fils de son fondateur, Maxime Waked, qui en demeure l’investisseur majoritaire et prend les décisions à propos de son développement. 

L’entreprise actuelle est issue d’un atelier de trois employés qui avait été fondé par son père. Après avoir travaillé dans l’entreprise familiale, le fils a pris la succession au décès de son père et se sentant la fibre d’un entrepreneur, il s’est lancé ces dernières années dans une série d’acquisitions ou d’ouvertures qui ont mené à l’entreprise sous son nom et sa taille actuelle.

Implication d’Intact dans le groupe 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, son fondateur n’a pas caché son désir de prendre de l’expansion. Une expansion qu’il pourrait consolider avec la participation financière d’un investisseur puissant, Intact, qui s’est joint au groupe au printemps 2024. 

L’assureur a refusé de nous confirmer son implication dans le Groupe AutoSculpt bien qu’elle soit confirmée dans le Registre des entreprises du Québec ainsi que par l’enseigne « Intact Centre de service » située sur la façade de l’atelier du Marché Central. 

« Intact a à cœur d’offrir aux clients une expérience d’indemnisation hors du commun et à les aider à repartir du bon pied. Nous investissons dans des entreprises tout au long de la chaîne d’approvisionnement afin d’offrir un service rapide, simple et de qualité à la hauteur de leurs attentes », a simplement indiqué sa porte-parole au Portail de l’assurance.

Le Registre des entreprises confirme qu’Intact Corporation financière détient de 25 à 50 % des parts de l’atelier de Charles-De La Tour depuis le 15 mai 2024 et que les frères Maxime et David Waked détiennent les autres.

En dépit de ces informations publiques, l’assureur a refusé de répondre à nos questions et de nous préciser ses ambitions en investissant dans un carrossier établi.

L’implication d’Intact dans le groupe AutoSculpt se limite donc pour l’instant au seul atelier du Marché Central. Celui-ci ne prend plus que des clients d’Intact et les assurés d’autres compagnies sont refusés. Les trois autres ateliers appartenant à AutoSculpt continuent à recevoir des clients d’autres assureurs.

Maxime Waked s’est aussi montré très avare de détails à propos de son partenaire et de sa participation dans son entreprise.

Des inquiétudes dans le milieu de la carrosserie 

L’implication financière d’Intact dans le Groupe AutoSculpt soulève des questions à l’intérieur du milieu de la réparation automobile. Une association qui représente les carrossiers est incapable de déterminer pour l’instant si elle représente une menace ou un plus pour cette industrie.

Jonathan Pilon, le nouveau président exécutif de la Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ), constate qu’en acquérant une partie du groupe AutoSculpt, Intact répète exactement ce qu’il a fait dans le domaine de l’habitation avec On Side Après-Sinistre, une entreprise qui, depuis 1979, restaure des résidences et des entreprises victimes de dommages. 

L’acquisition de parts de l’assureur dans ce carrossier préoccupe la CCPQ. « C’est quelque chose sur laquelle la Corporation veut se pencher, a confié M. Pilon en entrevue avec le Portail de l’assurance. J’ai demandé une rencontre avec Étienne Berlinguet, premier vice-président de l’indemnisation au Canada d’Intact. » Il était en attente d’une réponse au moment de notre entretien. 

« À ce moment-ci, c’est difficile de dire si c’est une menace ou une opportunité », dit M. Pilon. « Une chose est certaine, ça vient bousculer le modèle d’affaires que l’on connaissait depuis plusieurs années dans notre secteur. Intact n’est pas un petit assureur. À partir du moment où ton plus gros client au Québec devient participant dans un atelier, c’est sûr que ce n’est pas bon pour des ateliers dans certaines régions ou certains territoires, car tu risques de perdre un gros pourcentage de jobs. » 

Cette prise de participation d’Intact a dû provoquer localement un jeu de transferts d’assurés accidentés. Ceux qui ne sont pas assurés par Intact et qui seraient allés à l’atelier qui porte désormais son nom ne peuvent plus le faire et sont dirigés ailleurs, ce qui avantage d’autres garages, mais ces derniers risquent de perdre des clients montréalais d’Intact qui sont dirigés vers l’atelier AutoSculpt Marché Central. 

« Dans le contexte où les choses sont très tranquilles dans le domaine de la carrosserie, commente Jonathan Pilon, on n’a pas eu un gros hiver et un gros été en termes de sinistralité, c’est difficile de dire si c’est bon ou si ça ne l’est pas. Personnellement, pour avoir travaillé dans le domaine de l’assurance automobile et celui de la carrosserie, j’ai certains doutes, sans vouloir m’avancer. » 

« Au Québec, ajoute-t-il, 75 % de la business de la carrosserie automobile dans les ateliers proviennent de trois assureurs, Beneva, Desjardins et Intact. J’ai travaillé pour Desjardins et Beneva. Chez ce dernier, on n’était pas propriétaire, mais on s’associait avec des ateliers pour aller chercher de l’exclusivité pour qu’en tout temps, notre client ait un service cinq étoiles. C’est la raison pour laquelle on les avait baptisés nos “Ateliers 5 étoiles”. Nous en avions une dizaine à travers le Québec et j’avais des ententes commerciales avec plein d’autres ateliers, mais je n’étais pas propriétaire de l’entreprise. » 

« C’est sûr qu’aujourd’hui, le modèle d’Intact va faire réagir et que Desjardins et Beneva sont en train de regarder ce que l’assureur fait, dit-il. En région, je ne pense pas que ça va poser un risque pour des ateliers, car il n’y a pas assez de business pour qu’un assureur prenne une participation dans l’un d’entre eux, mais ça risque de jouer plus du coude dans les métropoles. »