L’arrivée progressive des véhicules autonomes sur le marché forcera les assureurs à revoir toute la tarification du risque automobile. Selon une étude récente, il est dans l’intérêt de l’industrie en assurance de dommages de participer à l’harmonisation des règles qui encadreront leur utilisation sur les routes.

Travelers Canada vient de publier l’édition canadienne du rapport Insuring Autonomy: How auto insurance will lead through changing risks, produit par les chercheurs du Travelers Institute basé à Washington.

Les auteurs notent qu’il reste de nombreuses inconnues associées aux véhicules autonomes (VA), dont le temps qu’il faudra pour que l’ensemble du parc de véhicules soit équipé des technologies adéquates. La période de transition qui nous sépare de ce moment est pleine d’incertitudes en matière de gestion de risque, soulignent-ils.

Les chercheurs estiment que les structures actuelles en assurance automobile seront utiles pour dédommager rapidement et efficacement les victimes dans le futur et minimiser les écarts causés par la diversité des cadres réglementaires d’une juridiction à l’autre.

Besoins requis

Peu importe que le véhicule soit conduit par l’assuré ou non, il y aura toujours des risques à couvrir, notamment les dommages causés par les sinistres climatiques et le vol du véhicule. En conséquence, malgré la possible réduction du risque de collisions, les propriétaires de VA devront continuer de les assurer de manière adéquate. Durant la période de transition vers la flotte entièrement autonome, les assureurs devront continuer d’éduquer les consommateurs à l’égard de la conduite sécuritaire.

Les chercheurs ajoutent que ces véhicules peuvent même être associés à de nouvelles formes de risques, dont la cybersécurité n’est pas le moindre. Les régulateurs doivent faciliter l’échange de données entre les constructeurs et les assureurs tout en protégeant les renseignements personnels. Ce partage d’information facilitera l’analyse des causes de l’accident et le partage de la responsabilité.

Risques nouveaux

En 2020, la réduction de la congestion routière, causée à la fois par le confinement découlant de la pandémie de la COVID-19 et par l’implantation du télétravail, a eu un impact sur les sinistres et les réclamations. Seulement en Ontario, les collisions entre véhicules ont baissé de 26 % en 2020 comparativement à l’année précédente.

Par contre, le nombre d’accidents mortels a grimpé de 22 % durant la même période. Selon les autorités policières ontariennes, cette hausse découlait directement des comportements humains liés à la consommation d’alcool, les excès de vitesse, la distraction du conducteur et l’absence du port de la ceinture de sécurité par les victimes. Des tendances similaires ont été observées dans d’autres juridictions, selon ce que rapportent les chercheurs de Travelers.

Selon un sondage mené en 2020 par l’industrie du VA aux États-Unis, près de trois consommateurs sur quatre ne sont toujours pas prêts à adopter la technologie associée à la conduite autonome. Vingt pour cent des répondants pensent même qu’ils ne le seront jamais.

L’arrivée des VA n’en est qu’à ses balbutiements et deux décès, survenus en 2018 lors d’essais menés par Tesla et Uber, ont montré les limites technologiques. Le principal intérêt de l’utilisation de ces véhicules est d’améliorer la sécurité routière. Selon une étude américaine, quelque 94 % des collisions survenues entre 2007 et 2015 étaient attribuables au conducteur.

Les chercheurs notent qu’il est hautement probable que la tendance vers la plus grande utilisation des VA permettra de réduire les accidents. La distraction du conducteur demeure un problème qu’il faut combattre, selon Travelers.

Dans un sondage mené en mars dernier aux États-Unis, Travelers rapportait que les conducteurs sont de plus en plus nombreux à avouer qu’ils regardent leur cellulaire en étant au volant. Le CAA a confirmé le même phénomène au Canada.

Travelers poursuit d’ailleurs sa campagne « Every second matters » lancée en 2017, qui vise notamment l’amélioration de la sécurité routière et la création d’un mouvement social de réprobation à l’égard de la distraction au volant.

Partage du risque

Selon un rapport de RAND Corporation cité dans l’étude, il est impératif de concevoir des produits d’assurance qui compenseront rapidement les victimes d’accidents lorsqu’un VA est impliqué. En leur absence, les consommateurs et les victimes devront entreprendre de pénibles litiges devant les tribunaux. Les chercheurs insistent : il faut éviter de bâtir un système d’assurance et juridique basé sur la qualité du produit et la responsabilité de son fabricant.

Leur étude cite l’exemple des coussins gonflables du fabricant Takata, installés par la plupart des constructeurs, et pour lesquels les premiers problèmes de défectuosité ont été notés dès 2004. Certains constructeurs sont toujours empêtrés dans les poursuites et les dédommagements après les avoir mis dans leurs automobiles. Selon Travelers, l’assurance demeure le meilleur mécanisme de gestion du risque associé à l’utilisation des VA.

Le principe de subrogation qui est déjà implanté en assurance automobile devrait s’appliquer également aux sinistres de VA. L’assureur continuera de dédommager la victime et prendra ensuite les moyens requis pour se faire dédommager auprès du fabricant du VA si une défaillance lui est attribuable.

Selon Transports Canada, quelque 1 922 décès et plus de 150 000 blessés ont eu lieu sur les routes au pays en 2018.