Arch Assurances Canada devra défendre un promoteur immobilier de Montréal dans une poursuite intentée par le syndicat de copropriétaires. Le sinistre ayant causé les dommages a eu lieu en août 2021 à la suite d’un bris de tuyauterie. Le promoteur a dû recourir à une requête de type Wellington pour forcer l’assureur à prendre sa défense.
L’avocat Pierre-Alexandre Fortin, du cabinet d’avocats Tremblay Bois, a attiré l’attention du Portail de l’assurance sur ce jugement*.
Le Syndicat de la copropriété 125 Chabanel Ouest et plusieurs assureurs poursuivent le promoteur immobilier, 125 Chabanel Holdings, et les sous-traitants qui ont participé à la conversion d’un immeuble industriel en immeuble résidentiel.
Le projet, lancé en décembre 2011, a été complété en 2013. L’immeuble compte désormais 192 unités résidentielles et 8 unités commerciales. Dans le cadre de l’action principale, les demandeurs principaux réclament 95 847,28 $.
Échelon est l’assureur principal responsable de la couverture du syndicat de copropriété. Plusieurs autres assureurs sont nommés comme parties demanderesses. Il s’agit des assureurs RSA Canada, Trisura, Westport, Zurich et des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres, représentés par l’avocat Marc Lipman.
Outre le promoteur, les défendeurs sont nombreux. Le bureau d’ingénieurs-conseils Dupras Ledoux a été mandaté par le promoteur pour gérer le chantier de conversion. Ils étaient accompagnés du bureau d’architectes Forme Gestion. L’entrepreneur général Construction Gerpro a réalisé les travaux, et ce dernier a embauché Plomberie Dominion pour les travaux d’installation de systèmes de chauffage et de plomberie.
Le dégât
Le 21 août 2021, le propriétaire de l’unité 404 découvre des infiltrations d’eau dans son appartement. Selon le rapport de l’expert des demandeurs principaux, la cause probable du sinistre est un blocage de la tuyauterie servant au drainage du condensat de l’unité intérieure du climatiseur de l’unité 703 ».
L’expert ajoute que la cause probable du blocage est « l’utilisation inappropriée d’une tuyauterie de type Pex pour une application de drainage, résultant vraisemblablement d’un choix fait par l’entrepreneur en plomberie » au moment de la conversion de l’immeuble. Dix autres unités de l’immeuble sont endommagées par l’eau.
Même si la réclamation des demandeurs principaux a été transmise par le promoteur à son assureur en temps opportun, Arch Assurances Canada refuse de prendre fait et cause dans une lettre transmise le 8 mars 2023.
Le promoteur appelle Arch en garantie et présente une demande de type Wellington pour que la compagnie d’assurance assume sa défense. L’assureur conteste la demande en indiquant que le litige sous-jacent n’est pas couvert par la garantie offerte en responsabilité civile générale émise par Arch au promoteur.
Exclusions
Selon Arch, la police exclut spécifiquement les dommages découlant de travaux complétés ayant été exécutés par ou pour le compte du promoteur. L’assureur allègue que les dommages réclamés sont précisément et uniquement ce type de dommages.
Arch ajoute que les dommages trouvent leur origine dans les travaux de conversion réalisés entre 2011 et 2013 alors qu’aucune police ne liait l’assureur au promoteur.
En sus, la police est limitée à la responsabilité du promoteur découlant de sa propriété, de son usage ou de son entretien des emplacements désignés dans la police. Le litige sous-jacent ne contient aucune allégation de la sorte, selon Arch.
Les parties admettent que le sinistre est survenu dans des unités de copropriété qui n’appartiennent pas au promoteur pendant la période de couverture de l’assurance.
Le jugement a été rendu par la juge Emmanuelle Saucier, de la chambre civile de la Cour du Québec et ne tranche que la requête de type Wellington. À ce stade, le tribunal ne tranche que le litige portant sur l’obligation de défendre inscrite à l’article 2503 du Code civil du Québec. L’obligation d’indemniser sera évaluée à la lumière d’une preuve complète au mérite sur les allégations.
Il appartient au promoteur d’établir une simple possibilité que les allégations de la demande principale, si elles étaient prouvées, déclenchent la couverture aux termes de sa police. Le débat concerne les exclusions invoquées par Arch, à qui il revient de démontrer que celles-ci s’appliquent. Si tel est le cas, l’assureur est dans son droit de ne pas assumer la défense du promoteur.
Produits après travaux
La police comprend un avenant portant sur l’exclusion des dommages matériels (« property damage ») compris dans la notion de risque produits après travaux (« products-completed operations hazard »). Les termes sont définis au contrat.
L’assureur cite un jugement rendu par la Cour d’appel du Québec en 2016 où le tribunal s’était penché sur une exclusion semblable, dans une affaire impliquant la responsabilité d’un fabricant de produits chimiques.
La Cour du Québec conclut plutôt que la nature du litige sous-jacent dans le présent dossier est différente en ce que la responsabilité du promoteur de l’immeuble n’est pas la même que celle d’un fabricant de produit.
Contrairement aux autres parties dont la responsabilité est recherchée pour des travaux mal effectués ou le mauvais choix de méthodes, les demandeurs principaux ratissent plus large en ce qui a trait à la responsabilité du promoteur.
Si la demande ne précise pas ce qui est visé comme source de responsabilité, « il est envisageable de penser qu’ils visent les vices cachés et possiblement des fausses représentations en tant que propriétaire ou promoteur », ce qui ne semble pas être ce qui est visé par l’exclusion de la police, écrit le tribunal.
L’assureur allègue que la responsabilité du promoteur est assimilable à celle d’un entrepreneur. Le tribunal ne partage pas la position avancée par Arch.
Selon l’avocat Fortin, la part de responsabilité du promoteur comme vendeur des unités sera discutée lors du procès. Cette preuve n’a pas à être faite dans le cadre d’une requête Wellington. Cette décision pourrait faire jurisprudence, estime-t-il. Selon les vérifications qu’il a faites, Arch n’a pas porté ce jugement en appel.
L’entretien et l’usage
Le tribunal analyse aussi les clauses de limitation de la couverture découlant de la propriété, de l’entretien et de l’usage des emplacements désignés aux conditions particulières de la police.
Pour Arch, la responsabilité du promoteur est recherchée en lien avec des travaux d’installation, de conception et de surveillance prétendument déficients dans le cadre du projet quant aux unités de climatisation de l’immeuble.
Le tribunal ne partage pas ce point de vue et rappelle que les exclusions doivent être interprétées de façon restrictive. Le contrat décrit que l’immeuble où le sinistre est survenu est couvert par la police.
Le promoteur a prouvé que les dommages allégués relèvent de la couverture et sont reliés à un sinistre. L’assureur n’a pas réussi à prouver que les exclusions invoquées trouvent application. L’obligation de défendre est déclenchée.
Le tribunal laisse le soin au juge saisi de l’affaire de déterminer quelle partie des frais de défense du promoteur l’assureur devra payer. Par contre, Arch conserve son droit de choisir les avocats et les experts dans la défense de sa cliente.
* Il s’agit d’un des litiges qui a suscité son intérêt dans le cadre d’une formation offerte par l’Institut d’assurances du Québec (IADQ), tenue en février. L’IADQ a permis à l’auteur de ces lignes d’y assister.