Des normes au Code national du bâtiment seront révisées et de nouvelles seront créées pour mieux tenir compte des effets des changements climatiques. C’est l’une des mesures annoncées il y a quelques jours par le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbault, lors de la mise à jour de sa Stratégie d’adaptation aux changements climatiques

Cette Stratégie, qu’il faut distinguer de son Plan d’action sur l’adaptation, avait été publiée en novembre dernier. Cette mise à jour de juin 2023 a permis aux provinces et aux organisations autochtones d’y faire valoir leurs priorités face à la transformation du climat. Près de 120 experts, 16 000 citoyens ont pu s’exprimer et 800 mémoires ont été déposés en vue de cette nouvelle version. 

Selon Ottawa, le climat au pays est en train de changer de façon irréversible. Les effets ont déjà commencé à se faire sentir, comme on le voit avec les feux de forêt qui forcent l’évacuation de communautés entières et empoisonnent l’air de grandes villes à des centaines de kilomètres de distance. Les impacts des changements vont continuer à se faire sentir sur plusieurs fronts. 

En plus de causer des dommages aux habitations et aux infrastructures, provoquer des incendies monstres, des inondations, entraîner l’érosion des berges et une submersion côtière, affecter l’économie, l’agriculture et les pêcheries, les changements climatiques augmentent aussi la fréquence et la gravité des risques de santé. Ils aggravent les maladies mentales existantes et peuvent avoir des conséquences psychologiques négatives telles que l’anxiété, la dépression, le stress post-traumatique, notamment chez les jeunes.

Les épisodes de chaleur extrême sont également visés par la Stratégie comme le recommandait récemment le Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo. Ces chaleurs ont causé la mort d’au moins 619 personnes en Colombie-Britannique et dans d’autres régions de l’Ouest canadien en 2021. 

Alors que plusieurs provinces connaissent des feux de forêt sans précédent dans l’histoire du Canada, le plan prévoit 284 millions de dollars (M$) sur cinq ans pour le renforcement de la lutte aux incendies en milieu forestier, notamment par la création de coupe-feu plus larges entre les municipalités et les forêts. 

Code national du bâtiment 

D’ici à 2026, des considérations supplémentaires relatives à la résilience aux changements climatiques sont intégrées dans trois codes canadiens, le Code national du bâtiment, le Code canadien de l’électricité et le Code canadien sur le calcul des ponts routiers. 

Quelles sont ces « considérations supplémentaires » ? Sous quelles formes ? Quels aspects de la construction seront visés ? Le Conseil canadien des normes (CCN), par l’intermédiaire de son Programme de normes pour des infrastructures résilientes, et le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), dans le cadre de son « Initiative sur les immeubles résilients aux changements climatiques et les infrastructures publiques de base », se sont vus confier le mandat avec d’autres experts de revoir les normes actuelles. Ils ont à charge de les modifier et d’en proposer de nouvelles pour s’adapter aux changements.

Ottawa croit que de nouvelles lignes directrices et normes en matière d’inondations et d’incendies de forêt pour les nouvelles constructions pourraient faire économiser 4,7 milliards de dollars (G$) par année. 

Cartographie des zones inondables 

Lors de son annonce, le ministre Guilbault a dévoilé un investissement de 164,2 M$ durant les cinq prochaines années pour faire progresser les travaux du Programme d’identification et de cartographie des aléas d’inondation dans l’ensemble du pays et de permettre à tous les Canadiens d’avoir accès aux renseignements sur les risques d’inondations.

Cet argent sera distribué aux provinces afin qu’elles puissent bâtir leur propre cartographie avec un partage des coûts de 50/50. Le but est de parvenir à cibler les zones les plus à risques. La carte du Québec est en cours d’élaboration. Le projet INFO-Crue produit des cartes de zones inondables de 50 bassins versants vulnérables aux zones inondables. Par ailleurs, huit communautés métropolitaines, MRC et municipalités réalisent ces cartes pour leur territoire.

Six milliards en indemnités  

Les effets des changements climatiques sont loin d’être à leur apogée, mais les catastrophes qu’ils engendrent coûtent déjà une fortune au gouvernement central. Ces dix dernières années, Ottawa a versé à lui seul près de 6 G$ aux provinces et territoires en interventions, indemnités et aides aux sinistrés en vertu de son programme Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC), indique la Stratégie. 

Ce plan a été créé en 1970. Depuis sa mise sur pied, le fédéral y a injecté 7,9 G$, mais à peine 1,9 G$ avaient été nécessaires durant ses 43 premières années d’existence. Les dépenses ont commencé à s’accélérer en 2013 et depuis 10 ans, il a coûté 6 G$ au trésor fédéral. 

Ces montants en interventions et indemnités s’ajoutent aux 6,5 G$ qu’Ottawa a dépensés depuis 2015 dans des mesures d’adaptation. Sur ces 6,5 G$, pas moins de 2 milliards ont été engagés depuis l’automne 2022, il y a un an à peine. 

En mai 2023, le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes a par ailleurs investi 2,3 G$ dans 83 projets d’infrastructures bâties et naturelles à l’échelle du pays pour aider les communautés à se préparer et à mieux résister aux répercussions potentielles des sinistres naturels. 

Le gouvernement fédéral a aussi prévu allouer à la Sécurité publique 31 M$ pour améliorer l’assurance contre les catastrophes, 48 M$ pour moderniser l’aide en cas de catastrophe, 59 M$ pour la révision des codes et normes en matière de résilience climatique et 164 M$ pour le Programme d’identification et de cartographie des aléas d’inondation ainsi que 41 M$ à Ressources naturelles du Canada pour les communautés côtières touchées par l’érosion et la submersion.