Maryse Rivard, présidente du conseil d’administration du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), insiste sur l’importance de la notion d’indépendance du courtier.

Jean-Pierre Tardif

Le passage du flambeau ayant été effectué lors du congrès du RCCAQ à Québec en novembre dernier, Mme Rivard entend s’attaquer à un certain nombre de dossiers qui lui tiennent à cœur ou qui sont au centre des préoccupations des courtiers. Elle a accordé une entrevue exclusive au Portail de l’assurance, accompagnée par son prédécesseur, Jean-Pierre Tardif, et par le directeur général de l’organisme, Éric Manseau

« Je suis toujours aussi fier et je pense que nous sommes encore plus pertinents qu’on l’était », indique M. Tardif lorsqu’on lui demande de faire le bilan de son année à la présidence du conseil.

« On a réalisé des avancées importantes au RCCAQ, sur le plan de la technologie, du côté du membership », dit-il. 

Lors de son discours présenté le 4 novembre dernier, Maryse Rivard a insisté sur l’indépendance du courtier dans sa pratique quotidienne. « Le contact avec le client, ça passe par le courtier. C’est le courtier qui établit les besoins de l’assuré, et à partir de ça, ça lui revient de trouver le meilleur assureur pour répondre à ce besoin. Pour mener à bien ce processus, je ne dois avoir aucune entrave », insiste-t-elle. 

Le cumul des tâches 

Maryse Rivard est courtière au sein du cabinet Deslauriers & Associés depuis décembre 2003, qui fait partie de Synex Assurance. Depuis mai 2022, elle est aussi vice-présidente aux affaires publiques de Synex Performance d’affaires, entreprise qui a connu une expansion en 2022

Mme Rivard était déjà vice-présidente du RCCAQ depuis novembre 2021. Quand on l’a approchée à l’été 2021 pour devenir la première vice-présidente, « j’étais déjà au courant de ce qui s’en venait pour notre organisation. Avant d’accepter de me lancer, je me suis assurée d’avoir le support de la haute direction de Synex, de Yan Charbonneau et de Jean-Sébastien Larivière. Dès le jour 1, j’ai pu compter sur leur appui total », dit-elle. 

« Pour mes tâches au quotidien, tout a été mis en place dans la dernière année pour que je puisse bien accomplir mon mandat, donc j’ai de l’aide au bureau », poursuit Mme Rivard. 

« C’est plus dans le travail avec ma clientèle comme courtier que ça venait m’impacter et des mesures ont été prises à cet égard », dit-elle. 

Loi 96 

Parmi les dossiers qui ont tenu le conseil d’administration fort occupé en 2022, M. Tardif évoque l’adoption de la loi 96 sur la Charte de la langue française et la question de la langue de contrats

Eric Manseau

Éric Manseau insiste : « Les courtiers et le RCCAQ partagent les objectifs de la loi 96, c’est très clair. Dans son travail, le courtier doit tout faire en son pouvoir pour fournir des produits dont le contrat est rédigé en français. » 

La langue des contrats est un sujet qui préoccupe toute l’industrie des services financiers, pas seulement le milieu de l’assurance. « Il arrive parfois que la rareté ou le manque de produits fasse en sorte que les contrats soumis soient seulement en anglais », dit-il en citant l’exemple du transport par cargo.

« Ce sont des marchés internationaux et ça se passe en anglais pour les produits et les assureurs. Ce concept a été accepté, il arrive qu’on n’ait pas les produits équivalents à un prix juste et qui soient rédigés en français. On comprend qu’il y a des voies de passage, c’est notre interprétation », ajoute M. Manseau. 

Le Portail de l’assurance a assisté à une session de formation de l’Office québécois de la langue française (OQLF) le 18 octobre dernier. Durant la période de questions, le Portail de l’assurance a demandé : « Qui devra payer le coût de traduction du contrat d’assurance ? Le client, le courtier ou l’assureur ? » 

Selon la représentante de l’OQLF, le fait de ne pas offrir le document en français n’est pas conforme à la loi. Ce n’est certainement pas au client de payer pour sa traduction. L’assureur doit fournir une version française, sinon cette obligation relèvera du courtier, dit-elle.

L’OQLF ajoute qu’il pourrait y avoir des exceptions à cette règle, pour des couvertures très pointues offertes seulement par un assureur étranger, mais il faut le vérifier auprès du conseiller de l’Office avec qui le courtier fait affaire.

Parcours entrepreneurial 

L’accompagnement du courtier dans son parcours entrepreneurial fera partie des discussions qui seront tenues par les membres du conseil d’administration en 2023. Le RCCAQ tiendra une réunion du 7 au 9 février 2023 pour préparer la prochaine version de son plan stratégique, indique Éric Manseau. 

« L’avenir des cabinets de courtage dépend des entreprises de toutes les tailles, les petits, les gros et les moyens, mais surtout des petits », souligne Jean-Pierre Tardif.

« J’en ai parlé plusieurs fois durant ma présidence, les petits sont super importants. Si on n’arrive pas à en créer des petits, on va mettre fin à la poussée qu’on voit en ce moment », poursuit-il.

« Par contre, on ne se cache pas la tête dans le sable, l’environnement est un peu hostile, que ce soit au plan légal, en matière de conformité, au niveau technologique, il y a des enjeux », dit-il. 

« Il y a 30 ans, on avait 90 % des parts de marché en assurance des particuliers, et aujourd’hui, c’est 40 %. Oui, il y a de la place pour de nouveaux cabinets et que le réseau puisse reprendre ses parts de marché. Le RCCAQ représente tous les modèles d’affaires, mais ce qu’on veut offrir aux nouveaux courtiers et aux nouveaux entrepreneurs, ce sont des outils pour leur démarrage et leur croissance », indique Maryse Rivard. 

Transition numérique 

« C’est ce qu’on fait avec notre projet de transition numérique, avec la plateforme Demano, avec notre département des ressources humaines. On leur offre plein d’outils pour les aider à prendre leur envol. Le plus grand bénéficiaire de cela, en fin de compte, ça reste le consommateur », ajoute Mme Rivard. 

En février 2022, le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI) annonçait qu’il avait retenu la proposition du RCCAQ et les courtiers sont désormais accompagnés dans leur transition numérique. 

Parallèlement à cela, le RCCAQ a profité de son congrès pour lancer officiellement la plateforme Demano. « L’ambition était : par les courtiers, pour les courtiers », note Jean-Pierre Tardif. 

Le cabinet Assurancia Groupe Tardif, dont Jean-Pierre Tardif est le président, participe au projet pilote. « C’est un projet technologique. C’est sûr qu’il est enrobé de plusieurs autres facettes, mais c’est un projet en TI, et comme pour tout projet TI, il y a des ajustements à faire sur une multitude de petits détails, mais rien de majeur », dit-il. 

« C’est sûr qu’on aimerait que certaines fonctionnalités soient implantées plus rapidement, mais ça ne nous surprend pas et on est content de ce qui se passe avec Demano », ajoute-t-il.

« On développe une intelligence d’affaires en technologie, en TI, que nous allons évidemment partager avec tous nos membres », dit-il. 

Éric Manseau précise que la plateforme Demano a été lancée avec les ressources du RCCAQ et que le financement reçu du MEI pour l’accompagnement des cabinets dans leur transition numérique ne sert pas à son développement. 

« Comme Jean-Pierre Tardif le disait, c’est encore en phase pilote et l’objectif est de permettre au réseau de courtage de reprendre des parts de marché en assurance des particuliers. On se bat avec des assureurs directs qui ont des moyens considérables », indique M. Manseau. 

La gouvernance 

L’industrie de l’assurance de dommages est en pleine consolidation. La plus récente mise à jour du classement, publié par le Portail de l’assurance, des cabinets de courtage ayant un volume de primes en assurance de dommages supérieure à 20 millions de dollars (M$) comptait 48 cabinets

En vérifiant les données du Registre des entreprises, le Portail de l’assurance constate que plusieurs d’entre eux comptent un assureur comme actionnaire de l’entreprise. Parmi ceux-ci, l’assureur est représenté au sein du conseil d’administration de l’entreprise dans certains cas. 

Maryse Rivard rappelle que les règles à cet égard sont suivies. « Un assureur n’a pas le droit d’avoir plus de 50 % des actions participatives et 20 % des actions votantes. Pour chaque cabinet, le financement relève d’une décision d’affaires. Je vois très mal le RCCAQ s’ingérer dans les décisions d’affaires prises par chacun des cabinets », dit-elle. 

Jean-Pierre Tardif indique que les règles de gouvernance font en sorte que les dirigeants des assureurs qui siègent au conseil d’administration d’un cabinet de courtage ne sont pas là pour représenter l’assureur, mais y sont comme associé de l’entreprise. « Il faut savoir porter le bon chapeau », dit-il.

« C’est la même chose pour nous quand on vient siéger au conseil d’administration du Regroupement. Il ne faut pas prêcher seulement pour notre cabinet, mais pour l’industrie et le réseau de courtage », précise-t-il. 

Jean-Pierre Tardif reconnaît que l’accès au financement pour la relève dans le courtage est un enjeu important. « Absolument, il faut être créatif là-dedans. La façon de se faire financer par une banque ou un assureur, c’est une chose, mais il y en a d’autres, plus créatives, si l’on veut permettre à la relève de prendre sa place en 2023 », dit-il.

« Vous savez, quand Desjardins est arrivé comme assureur il y a 35 ans, on avait prédit la mort du réseau de courtage. Je trouve qu’aujourd’hui, le courtage est plus vivant que jamais », conclut Maryse Rivard.