Le projet de loi 141 sert les intérêts des institutions avant ceux des consommateurs, ont dénoncé trois personnalités du milieu des services financiers.
Les trois jours de consultations du projet de loi 141 n’ont pas permis à tout le monde de participer aux discussions. Ce fut le cas d’Alain Paquet, économiste et ancien ministre délégué aux Finances, de Bertrand Larocque, planificateur financier et administrateur de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (ACPSF), et Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services financiers, qui n’ont pas été invités aux consultations.
L’assouplissement de certaines règles, le manque d’encadrement et le pouvoir donné aux vendeurs plutôt qu’à des professionnels inquiètent les trois hommes. Ils ont choisi de s’unir pour se faire entendre.
Ils sont catégoriques. Le projet du ministre Carlos J. Leitão fait des consommateurs les grands perdants.
« Le gouvernement répond aux besoins des institutions financières et des assureurs avec le projet de loi 141, au détriment des conseillers certifiés, qui sont imputables face aux besoins réels des consommateurs », affirme Maxime Gauthier.
De la place et du temps pour débattre
Les trois hommes croient qu’il y a encore de la place et du temps pour débattre du projet de loi 141. « Ce qui est important, c’est l’intérêt du citoyen. Pas l’intérêt corporatif. Il y a des éléments du projet de loi qui ne sont pas mauvais. Le ministre a le droit de le scinder et de faire adopter les mesures où il y a consensus. Mais là où il y a des débats de fond qui ont à être débattus, c’est une autre paire de manches. On devrait avoir le droit d’en discuter », dit M. Gauthier.
Ce dernier relate avoir reçu les encouragements de personnes près du ministre pour créer une coalition de courtiers indépendants qui pourraient venir témoigner en Commission parlementaire. Il a contribué à regrouper divers agents généraux autour d’une coalition. Malgré cela, on lui a tout de même refusé l’accès aux consultations.
La présence réduite de discussions alimente le manque de transparence, selon les spécialistes. « Le rôle du ministre, c’est d’écouter et de voir ce qui est mieux pour la protection du public et le fonctionnement optimal du service. Il ne faut pas que les projets de loi nuisent à la confiance et à la sécurité du consommateur épargnant », indique Alain Paquet.
L’ancien ministre délégué aux Finances de 2011 à 2012 s’explique difficilement qu’un projet de loi contenant plus de 700 articles puisse être l’objet d’une consultation de trois jours uniquement. Au total, 29 groupes ont été entendus. C’est peu selon lui, considérant l’importance de la révision de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.
Écouter et consulter
« Il y a encore une possibilité pour le ministre de prendre un temps d’arrêt pour écouter les autres demandes et pour faire d’autres consultations. Voir même créer un comité indépendant pour réfléchir au fond », ajoute-t-il.
Maxime Gauthier ajoute que la question des finances personnelles est un sujet qui interpelle de plus en plus les Québécois. « Les politiciens sont les premiers à dire que les Québécois n’épargnent pas assez. On a un problème d’éducation financière. Commençons par avoir un débat sur l’encadrement du secteur financier ! », dit-il.
L’abolition des Chambres
Bertrand Larocque s’inquiète de l’abolition de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de dommages. Selon le projet de loi, les deux Chambres seraient intégrées à l’Autorité des marchés financiers qui serait ainsi responsable de la discipline, de la déontologie et de la formation des professionnels qui vendraient les services financiers. « Tout va se développer en catimini. Avec les Chambres, les condamnations sont publiques. Avec l’Autorité, on ne pourra pas utiliser l’information contenue dans le dossier de plainte pour faire une poursuite par la suite. Ça va rester à l’interne. C’est ce que le projet de loi indique », affirme M. Larocque.
Maxime Gauthier critique l’empressement du gouvernement de vouloir adopter le projet de loi le plus vite possible. Il précise que certaines étapes semblent avoir été omises.
« Si un tribunal devait statuer entre le statuquo et le projet de loi, je suis certain que le ministre ne rencontrerait pas son fardeau de la preuve. Il n’a pas présenté d’études. Ses consultations en amont étaient très parcellaires. Il a créé un omnibus qui modifie, abroge ou crée 62 lois. Ce n’est pas rien », indique-t-il.
La suite des choses
Les trois hommes n’ont pas prévu d’autres actions précises, mais sont tout de même ouverts à poursuivre leur bataille. « On va continuer le débat public si l’on nous pose des questions, c’est sûr. La première adoption du projet de loi n’a pas encore été faite, après tout. Le gouvernement doit faire un choix : est-ce qu’il veut protéger le public, oui ou non ? », indique M. Paquet.
« Je n’ai jamais entendu le ministre nous donner une argumentation articulée. On nous fait simplement croire qu’après le projet de loi tout va être mieux. Qu’est-ce qu’on y gagne ? », conclut l’ancien politicien.