Un an après sa tenue, le Sommet national contre le vol de véhicules tenu à Ottawa le 8 février 2024 a eu des effets concrets sur le terrain : au Québec, le nombre de vols a diminué et celui des saisies a augmenté. Mais un acteur majeur du problème ne fait pas suffisamment sa part : des constructeurs se font toujours tirer l’oreille pour rendre leurs modèles plus sécuritaires. 

C’est le constat que fait 12 mois plus tard Jacques Lamontagne, directeur des enquêtes d’Équité Association pour le Québec et les Maritimes. 

Après des années d’actions désordonnées, ce Sommet auquel avaient pris part 700 représentants provenant des milieux politiques, policiers, des douanes, de l’assurance et du secteur automobile, a abouti à un Plan d’action. Composé de plusieurs volets mettant en commun les ressources de toutes les instances, ce Plan vise à réduire cette criminalité qui a coûté plus d’un milliard de dollars à l’industrie de l’assurance au pays en 2023.

L’état d’avancement de ces mesures est détaillé sur le site de Sécurité publique Canada à l’onglet Plan d’action national pour lutter contre le vol de véhicules. 

Au premier semestre de 2024, un peu de plus de 17 000 véhicules ont été rapportés volés au Canada. La proportion de vols est sensiblement la même au Québec et en Ontario. Per capita, c’est toutefois en Alberta que l’on retrouvait le plus haut niveau de vols de véhicules au pays.

Des opérations et des actions dans tout le Canada 

Aux yeux de Jacques Lamontagne, l’un des gestes les plus significatifs mis en œuvre après le Sommet a été la fluidité de l’échange d’informations entre les parties.

Les résultats se sont fait rapidement sentir. On a observé une diminution des vols de 20 % au Canada et de 30 % au Québec. Les chiffres sont demeurés sensiblement les mêmes dans les Maritimes. Les plus récentes données canadiennes seront publiées par Équité Association d’ici la fin février. 

Si les gains sont meilleurs au Québec, a -t-il expliqué au Portail de l’assurance, c’est à cause du port de Montréal qui en raison de sa situation géographique, forme le lieu privilégié pour l’exportation des véhicules volés au pays. En 2024, 1 768 véhicules y ont été saisis, soit environ 250 de plus qu’en 2023.

Il se dit satisfait de ces derniers chiffres : « J’aurais été content d’atteindre les 2 000, mais avec 1 768 ce fut une année record au port de Montréal. Il n’y avait jamais eu autant de véhicules volés retrouvés à cet endroit ». 

« À date, on est gagnant sur les deux tableaux, la diminution des vols et une hausse du nombre de véhicules récupérés », commente cet ancien policier. 

L’impact d’Interpol 

Une autre mesure très efficace grâce au Sommet a été l’inscription sur la base de données d’Interpol en février 2024 de la liste des véhicules volés au pays

« Plusieurs fois par jour, résume-t-il, on a des contacts avec Interpol Canada ou Interpol international à propos de véhicules canadiens retrouvés à l’étranger. Ces véhicules peuvent être interceptés de trois façons : soit directement au port où ils aboutissent ; soit lorsqu’ils sont enregistrés dans un autre pays ; soit interpellés sur la route lorsqu’ils franchissent des frontières terrestres. »

Entre février et décembre dernier, Interpol a transmis plus de 3000 alertes de véhicules canadiens volés qui se trouvaient sur un autre continent. 

Le rôle des manufacturiers 

La véritable solution au vol de véhicules ne viendra toutefois pas des saisies dans des entrepôts, dans les ports canadiens ou dans un autre pays quand le véhicule a déjà été volé. Les campagnes de prévention faites par les assureurs et les corps policiers demeurent essentielles. 

« Si l’on évite le vol au départ, on n’a pas à courir après le véhicule, à l’intercepter à la gare intermodale, sur l’autoroute, à le saisir dans un entrepôt, au port ou à l’étranger », explique Jacques Lamontagne.

« Les constructeurs doivent contribuer à cet effort de guerre. Certains fabricants ont commencé à s’y mettre et viennent voir comment leurs modèles ont été volés. Malheureusement, ce ne sont pas tous les fabricants qui le font. En dépit des chiffres alarmants et des poursuites à leur endroit, plusieurs se font toujours tirer l’oreille », ajoute-t-il.

Il espérait une annonce en 2025 de mesures par le ministère fédéral des Transports qui obligeraient les constructeurs à introduire de nouveaux dispositifs antivols. Mais avec la situation du gouvernement Trudeau et les remous provoqués par nos voisins du Sud, il n’est pas convaincu que ce soit la priorité numéro un à l’agenda du gouvernement et des fabricants.

« Ce n’est pas vendeur » 

Il souligne toutefois que les acheteurs ont une part de responsabilité dans le peu d’empressement des manufacturiers à agir : plutôt que de réclamer des véhicules munis de bons systèmes antivols, ils aiment mieux les gadgets électroniques.

« Un système de sécurité, ce n’est pas vendeur », regrette-t-il. 

Pourtant, les systèmes antivols ne manquent pas. Brevets Canada compte plus de 200 brevets en système de protection des véhicules déjà existants, qui partent du verrouillage de véhicules à double ou triple identification pour le démarrage ou une clef VPN qui change le code d’accès toutes les 32 secondes. La gamme est très large.

Plutôt que de dénoncer publiquement le nom des constructeurs qui se traînent les pieds, Équité Association préfère la discussion et la sensibilisation par des inspections de véhicules volés dans l’espoir de les faire bouger.

Renforcement des peines pénales 

Est-ce que les modifications au Code criminel qui ont été apportées depuis le Sommet auront un effet dissuasif sur les voleurs ?

« Oui, cela peut avoir une influence sur les jeunes payés pour commettre les vols », croit M. Lamontagne. Cependant, il ne pense pas qu’elles auront un impact sur les criminels d’habitude situés en haut de la pyramide. « Pour eux, entretenir un réseau de vols et exporter des véhicules, c’est du crime organisé au même titre que du trafic de stupéfiants. C’est un business. Que la peine soit alourdie ne change pas grand-chose », explique-t-il. 

Ces résultats vont-ils se répéter dans le futur ? 

Jacques Lamontagne ne peut promettre que les gains obtenus après le Sommet de février 2024 vont se répéter en 2025 et dans les années à venir, mais il estime que nous sommes dans la bonne voie.

« On a fait beaucoup. Ça ne veut pas dire relâcher la pression policière et les incitatifs des assureurs pour installer des systèmes de repérage. Tout cela doit continuer et aller en augmentant. Le chaînon manquant à présent, c’est que tous les manufacturiers se donnent la main dans l’intégration de systèmes antivols plus efficaces. Le Sommet a donné quelque chose. Le vol de véhicules n’est plus actuellement la saveur du mois », dit M. Lamontagne.