Le Québec impose le plus lourd fardeau de toutes les provinces canadiennes sur la masse salariale, et il est aussi le champion canadien en matière d’imposition aux PME. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), un autre élément qui rappelle aux entrepreneurs qu’ils vivent dans une société distincte est la particularité de la déduction pour la petite entreprise (DPE).

En cette Semaine de la paperasserie menée à l’échelle nationale par la FCEI, son vice-président au Québec, François Vincent, tient à rappeler que les chefs de PME sont confrontés à divers problèmes, dont l’inégalité fiscale entre les entreprises.

Le jeudi 16 janvier, l’équipe de la FCEI a rencontré le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, dans le cadre des consultations prébudgétaires menées par le gouvernement Legault. La FCEI a présenté trois chantiers prioritaires et proposé des solutions au ministre concernant la fiscalité, la pénurie de la main-d’œuvre et le fardeau administratif et règlementaire.

Budget 2018-2019

La déduction pour la petite entreprise permet de réduire le taux d’imposition de la première tranche de 500 000 $ de revenus annuels. Le taux général d’imposition est actuellement de 11,5 % au Québec.

Dans le budget couvrant l’année fiscale 2018-2019, déposé à la fin de l’hiver 2018 par celui qui était alors le ministre des Finances du gouvernement Couillard, Carlos Leitao, on avait annoncé une baisse du taux général d’imposition, qui est passé de 11,7 % à 11,6 % en 2019, puis à 11,5 % en 2020. M. Leitao avait également augmenté le taux de la DPE tout en réduisant le taux de la déduction additionnelle des PME des secteurs primaire et manufacturier.

L’objectif général est de ramener le taux d’imposition à 4,0 % à partir du 1er janvier 2021, toujours sur la première tranche de 500 000 $ de revenus annuels imposables d’une entreprise. Les entreprises du secteur primaire et manufacturier avaient accès à la DPE depuis 2015, et les PME des autres secteurs ont pu avoir à la déduction l’année suivante.

Par contre, pour que la société soit admissible à la DPE, le nombre d’heures rémunérées de ses employés doit totaliser au moins 5500 heures, soit l’équivalent d’environ trois employés. « Si elles n’y parviennent pas, les entreprises recevront la même facture que les multinationales », déplore la FCEI dans son communiqué du 16 janvier dernier.

Selon François Vincent, cette réforme de la fiscalité des entreprises avait été inspirée par le rapport de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise au printemps 2015. La commission était présidée par le professeur Luc Godbout, de l’Université de Sherbrooke. Ce rapport proposait de limiter l’accès à ce taux réduit aux sociétés ayant au moins cinq employés, ce qui allait favoriser la croissance des PME.

En imposant ce plancher de 5500 heures, le gouvernement précédent voulait inciter les petites entreprises à créer des emplois. « Mais le contexte a changé depuis 2015, et on est dans une situation de plein emploi, où les entreprises peinent à recruter du personnel », constate François Vincent.

« Quand on démarre une entreprise, il est rare que l’on ait cinq employés dès le départ. On considère donc que la DPE devrait être accessible pour toutes les entreprises en démarrage », dit-il.

« Pour les entreprises qui ont des activités saisonnières, et elles sont nombreuses dans les régions rurales, il n’est pas normal de se faire imposer au même taux que la multinationale. L’entrepreneur en construction qui connait une bonne année est admissible à la DPE une année, et l’année suivante, s’il connait une mauvaise année, il va payer plus d’impôt ? Si je perds un client, alors que c’est là où j’ai le plus besoin de mes revenus, mon impôt augmente », ajoute M. Vincent.

Cet écart entre le taux le plus bas, à 4 %, et le taux de base à 11,5 %, représente une hausse de 187,5 % du taux marginal d’imposition.

Inégalité fiscale

« Selon nous, si le gouvernement veut favoriser certains secteurs d’activité, il ne devrait pas le faire dans la fiscalité de base, mais par des actions qui viennent après », dit-il en donnant l’exemple des crédits d’impôt ciblés pour les familles. Peu importe la tâche occupée, le contribuable est imposé sur la base de ses revenus.

« L’accès à la DPE est un dossier complexe, que probablement plusieurs entrepreneurs ne connaissent pas, et ils s’en rendent compte au moment où ils reçoivent une facture d’impôt à la hausse », explique M. Vincent.

« Ce n’est pas le genre de politique fiscale qu’il faut mettre en place si l’on veut stimuler l’entrepreneuriat », poursuit-il.

La FCEI demande aussi que la contribution des PME au Fonds des services de santé (FSS) soit harmonisée au même niveau que celui accordé aux entreprises du secteur primaire et manufacturier. Elle réclame aussi que l’on accorde une exonération de cette contribution aux petites entreprises, comme c’est le cas dans toutes les provinces canadiennes.

Main-d’œuvre

La pénurie de main-d’œuvre est aussi au cœur des préoccupations exprimées par les chefs de PME. Dans son sondage le plus récent mené juste avant sa rencontre avec le ministre Girard, la FCEI rapportait que pour 76 % de ses membres, le chef d’entreprise a dû travailler plus d’heures pour compenser les difficultés de recrutement. Dans 49 % des cas, les entrepreneurs disent avoir dû refuser des ventes ou des contrats.

Selon M. Vincent, plusieurs des propositions touchant ce problème sont reliées à la fiscalité. Il souligne que le crédit d’impôt pour la prolongation de la carrière fonctionne bien. La FCEI suggère aussi de défiscaliser les heures supplémentaires, afin de cesser de pénaliser les salariés qui acceptent d’en faire, et demande également de ne plus faire cotiser les travailleurs de 65 ans au Régime des rentes du Québec.

« Si on lui donne la marge de manœuvre, l’entrepreneur peut embaucher des employés », dit-il.

Une belle rencontre

M. Vincent a déjà accompagné ses collègues de la FCEI lors de rencontres précédentes avec le ministre québécois des Finances, et il a même rencontré le ministre Girard l’an dernier, alors qu’il travaillait pour l’APCHQ. Il était accompagné cette fois-ci par plusieurs membres de la Fédération.

 « On a senti une très belle écoute de la part du ministre. On n’a pas été pressé dans le temps, ça a duré plus d’une heure », indique-t-il. « Le ministre montre de l’empathie, mais il a des arbitrages à faire. On saura ce qu’il a décidé au moment de lire son budget », poursuit M. Vincent.

Le travail de la FCEI se poursuivra d’ici le prochain budget en sensibilisant les autres ministres du gouvernement Legault de même que les députés de l’Assemblée nationale « à l’égard de cette grande iniquité fiscale imposée aux PME comparativement à celle des grandes entreprises ».

François Vincent encourage tous les membres de la FCEI et tous les dirigeants membres d’un regroupement ou d’une association à faire pression auprès de leurs députés pour rétablir plus d’équité dans le fardeau fiscal imposé aux entrepreneurs.

Prix Poids lourd de la paperasserie : le dépanneur privé de bière à vendre

La Semaine nationale de la paperasserie est une initiative de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) qui se poursuit durant toute la semaine. Ce lundi 20 janvier, la FCEI a publié la liste des organismes publics qui font partie des finalistes de son prix, peu enviable, du Poids lourd de la paperasserie.

Parmi les pires cas de règlementation inutile, la FCEI souligne le manque de communication entre la Société des alcools du Québec (SAQ) et la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). Un dépanneur l’a appris à ses dépens.

Comme la propriétaire n’avait pas renouvelé son permis d’alcool dans les délais requis, la police locale a saisi ses 18 000 bouteilles de bière, d’une valeur de 30 000 $.

On lui a facturé 1 900 $ en lui promettant que la SAQ allait lui rendre ses stocks une fois le permis renouvelé, ce que la propriétaire s’est empressée de faire. Après plusieurs mois, elle a communiqué avec la FCEI, qui a découvert que la RACJ avait bien renouvelé son permis, mais avait oublié d’en aviser la SAQ.

Entretemps, les bouteilles ont pris la poussière dans un entrepôt de la SAQ durant huit mois. Les bouteilles lui ont finalement été rendues. Certaines étaient brisées, bon nombre d’entre elles avaient épuisé leur date d’expiration et quelques-unes étaient même remplies de vers. Certaines bouteilles ne lui appartenaient même pas.

La FCEI suggère donc à la RACJ d’instaurer un système de notification automatique pour aviser la SAQ lorsqu’un renouvèlement a été approuvé.

Les chefs de PME sont invités à voter pour le pire candidat en allant dans le site https://fcei.ca/poidslourd, et le lauréat sera connu ce vendredi 24 janvier.