La santé financière des régimes de retraite à prestation déterminée demeure à la hausse au deuxième trimestre de 2021 au Canada, révèlent les analyses de deux grandes firmes d’actuaires-conseils. Plusieurs risques pourraient toutefois venir assombrir ce tableau, estime l’une d’elles.
L’outil de suivi des risques liés aux régimes de retraite de Aon révèle une hausse de la capitalisation des régimes des plus grandes entreprises canadiennes. Son ratio de capitalisation global des régimes de retraite canadiens associés à l’indice composé S&P/TSX est passé de 94,8 % au premier trimestre de 2021 à 95,6 % au deuxième trimestre de 2021. L’outil d’Aon calcule l’état global de capitalisation sur une base comptable pour les sociétés de l’indice composé S&P/TSX qui offrent des régimes à prestations déterminées. Il montre cours des trois derniers mois,
Au terme de cette période de comparaison, les actifs des régimes de retraite suivis par l’outil d’Aon se sont améliorés de 4 % au deuxième trimestre 2021, en raison des rendements positifs des actifs à revenu fixe et des marchés boursiers.
De bons rendements
« Les marchés boursiers ont continué d’afficher de bons résultats au deuxième trimestre, et cette situation, combinée à des taux d’intérêt relativement stables, a permis d’enregistrer une nouvelle amélioration des ratios de capitalisation des régimes de retraite canadiens », a déclaré Erwan Pirou, directeur des solutions de placements déléguées, solutions pour la retraite, pour Aon au Canada.
M. Pirou ajoute que ses clients ont bénéficié de bons rendements dans les placements alternatifs. « Notre voisin du Sud, les États-Unis, met de l’avant un ambitieux programme d’infrastructures, et un grand nombre de nos clients investissent dans cette catégorie d’actifs depuis longtemps, profitant de rendements élevés et d’une diversification du marché boursier. »
En santé financière à 100 %
Au 30 juin 2021, l’indice Mercer de la santé financière des régimes de retraite (MPHI) s’est établi à 125 %. À la même date, le ratio de solvabilité médian des régimes de retraite des clients de Mercer était de 100 %.
L’indice MPHI représente le ratio de solvabilité d’un régime de retraite à prestations déterminées (PD) hypothétique. Il indique le ratio de l’actif par rapport au passif (les engagements envers les retraités) d’un régime de retraite modèle. Le ratio a été établi de façon arbitraire à 100 % au début de la période. L’indice de Mercer demeure à son plus haut niveau depuis sa création en 1999. La firme d’actuaires-conseils estime qu’environ la moitié des régimes de retraite de ses clients présentent un excédent d’actif et qu’un peu moins de 6 % d’entre eux obtiennent un ratio de solvabilité inférieur à 80 %.
« Compte tenu de l’augmentation soutenue du nombre de personnes vaccinées, de la fin du confinement, de la relance de l’économie mondiale et de la hausse prévue des dépenses de consommation, on s’attend à ce que les marchés continuent de progresser », commente Mercer dans son rapport de l’indice. Et ce, à l’instar des régimes à prestations déterminées, ajoute la firme.
Selon elle, un portefeuille équilibré type d’un régime de retraite aurait produit un rendement de 5,3 % au deuxième trimestre de 2021.
Pour combien de temps ?
Mercer signale que les niveaux de capitalisation élevés des régimes se sont maintenus au cours du deuxième trimestre de 2021, mais se demande pendant encore combien de temps. Conseiller principal du domaine avoirs de Mercer, F. Hubert Tremblay a observé que 2021 continue d’être favorable aux régimes de retraite à prestation déterminée. « La reprise par rapport aux planchers de mars 2020 s’est avérée remarquable. Par contre, seul le temps nous dira si ces améliorations dureront. »
Il estime que d’importants risques se profilent encore à l’horizon. Parmi eux, M. Tremblay évoque l’émergence de variants qui résistent aux vaccins de la COVID-19, et la possibilité que les taux de vaccination n’atteignent pas le niveau d’immunité collective. Cela empêcherait la relance complète de certaines économies, ajoute la firme.
Tensions et protectionnisme
Les risques de tensions géopolitiques, le protectionnisme accru et les appels à un ralentissement du rythme de la mondialisation et de la chaîne d’approvisionnement mondiale préoccupent également Mercer. Pour la firme, chacune de ces tendances présente son lot de menaces pour les marchés et, par conséquent, pour les niveaux de capitalisation des régimes.
« Nous sommes toujours d’avis que les promoteurs de régimes ne devraient pas se contenter de constater l’amélioration des niveaux de capitalisation de leurs régimes de retraite. Ils doivent en profiter pour revoir leur tolérance au risque, faire concorder leur exposition aux risques en fonction d’un niveau de risque qui leur est acceptable et cristalliser ces niveaux de capitalisation améliorés, dans des cas où il est logique de le faire, pour écarter les risques », a déclaré M. Tremblay.
Attention à l’inflation
Sur les marchés financiers, Mercer s’inquiète aussi des valorisations élevées sur les marchés des actions par rapport aux dernières années, ainsi que de l’inflation et du niveau futur des taux d’intérêt. Selon la firme, la hausse des taux d’intérêt comme bouclier contre des taux d’inflation élevés pourrait avoir un effet négatif sur le rendement des marchés, les bénéfices des sociétés et la capacité des gouvernements, des sociétés et des gens à rembourser leurs dettes.
« Même si la relance est en plein essor, les pressions inflationnistes continuent de s’accentuer, alors que le scénario d’après lequel l’inflation dépassera les cibles officielles au cours des dix prochaines années est beaucoup plus envisageable qu’avant la pandémie », indique Jean-Pierre Talon, membre du partenariat du domaine avoirs de Mercer.
Il lance une mise en garde : « Les investisseurs doivent garder l’œil ouvert pour éviter d’être pris par surprise par l’inflation, contre laquelle bon nombre de portefeuilles ne sont probablement pas toujours bien protégés. Une option raisonnable serait de passer en revue la composante d’un portefeuille la plus sensible à l’inflation pour veiller à ce que tous les placements se comportent adéquatement en cas de hausse modérée de l’inflation d’ici les trois à cinq prochaines années », ajoute M. Talon.