En 2021, le Canada présentait la plus forte proportion de couples vivant en union libre (union de fait) parmi les pays du G7, soit 23 % selon la publication Le Quotidien du 13 juillet 2022, de Statistique Canada. C’est principalement en raison de la popularité de ce type d’union au Québec, rapporte la publication. Elle précise que 43 % des couples canadiens en union libre vivent au Québec.
Qu’ont en commun l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et la Gaspésie ? Le nombre de couples en union de fait y est parmi les plus élevés au Québec. Parmi les couples avec enfants résidant dans ces régions, jusqu’à 68 % vivent en union de fait, selon une recherche de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Ph. D., sociologue et professeure au Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, Hélène Belleau a soulevé cette statistique lors du lancement officiel de la Chaire argent, inégalités et société le 21 novembre 2023 à Montréal, en compagnie de Marie Elaine Farley, présidente et cheffe de la direction de la Chambre de la sécurité financière. Le Portail de l’assurance y était.
Mme Belleau a été nommée titulaire de cette chaire de recherche et de formation. Les travaux de la Chaire portent sur les aspects sociaux de la gestion des finances. Elle se donne la mission de cerner les inégalités et d’identifier des solutions pour contribuer à les réduire.
Pas de cadre juridique
Pendant son discours de lancement, Marie Elaine Farley a dit qu’il apparaissait essentiel à Mme Belleau et à elle-même « d’apporter un éclairage nouveau lorsqu’on parle d’iniquités (union libre en cas de séparation) ou d’inégalités financières (écarts de revenus encore trop marqués) ».
Mme Farley a rappelé que contrairement aux autres provinces canadiennes, il n’y a pas de cadre juridique spécifique qui protège les conjoints de fait en cas de leur séparation ou du décès de l’un d’eux.
Écart hommes-femmes
« Statistiquement, on voit très clairement qu’avec l’arrivée des enfants dans le couple, les écarts se creusent entre les hommes et les femmes. Quand il y a des enfants, les hommes travaillent davantage et les femmes réduisent leur temps de travail », a expliqué Hélène Belleau au Portail de l’assurance, en marge de l’événement. Marie Elaine Farley a aussi participé à l’entrevue.
« C’est lorsque les gens ne sont pas mariés que le bât blesse. En l’absence de testament, si le décès de l’un des conjoints survient, qu’ils aient des enfants ou non, le conjoint de fait n’hérite pas de la part du conjoint décédé », explique la titulaire de la Chaire argent, inégalités et société.
Les choses se compliqueront dans une telle situation. Par exemple, la part de la valeur de la maison du conjoint décédé pourrait échoir au tuteur d’enfants mineurs. Un conseil de tutelle doit être formé pour entre autres désigner un tuteur, selon le site du Curateur public. En l’absence de personnes intéressées à tenir ce rôle, le conseil pourra désigner le Curateur public.
Le radar des conseillers
Sur son site Famille et soutien aux personnes, le gouvernement du Québec mentionne qu’en cas de décès d’un conjoint en union de fait, la loi ne reconnaîtra pas l’autre conjoint comme son héritier légal. Il suggère de prendre des mesures pour protéger le conjoint, comme un testament ou une assurance vie. Québec ajoute que les conjoints peuvent aussi conclure un contrat de vie commune.
Selon Hélène Belleau, les cas de séparation font courir un risque encore plus grand aux conjoints de fait avec enfants. « Environ un mariage sur deux se termine en divorce. C’est pire chez les conjoints de fait. Cela n’est peut-être pas sur le radar de beaucoup de professionnels, malheureusement. C’est d’abord à cela qu’il faut s’atteler pour essayer de prévenir les inégalités », soutient-elle.
Un million de dollars pour des UFC
« Pour réduire les inégalités financières, il faut savoir qu’elles existent. Pour en comprendre les causes, il faut faire de la recherche », insiste Marie Elaine Farley. « Les inégalités que nous relevons sont issues de la recherche de Hélène Belleau. Nous les avons prises pour outiller nos membres et conscientiser le public dans la gestion de leurs finances personnelles », ajoute la présidente et cheffe de la direction de la Chambre.
La Chambre de la sécurité financière déboursera un million de dollars sur cinq ans pour financer les recherches de la Chaire. « Chacun des projets de la Chaire argent, inégalités et société mènera à des formations, des outils ou des guides pratiques destinés aux conseillers ou encore pour sensibiliser le public », a précisé Mme Farley lors du lancement. « Nous voulions amener l’enjeu des inégalités financières que nous avions soulevé à ProLab en juin 2022, pour qu’ils puissent l’aborder dans leur pratique et transmettre l’information au public », ajoute-t-elle.
Par exemple, la Chambre a développé, en collaboration avec Hélène Belleau, une formation d’une heure valide pour une unité de formation continue (UFC), intitulée Amour et argent, ça peut faire bon ménage ? La formation traite des enjeux qui entourent la gestion des finances personnelles entre les conjoints et des obligations déontologiques propres à ces enjeux.
Trois pistes
La Chaire était dans les cartons de l’INRS et de la Chambre depuis l’événement ProLab de juin 2022 organisé par la Chambre, et auquel Hélène Belleau a été conférencière. Dans sa conférence, Mme Belleau a sensibilisé l’auditoire aux inégalités financières au sein des couples. Elle a dit avoir observé que le conjoint gagnant le salaire le plus élevé est généralement celui qui a la légitimité et le pouvoir de décider ou de dépenser dans le couple. L’autre conjoint tendra à s’autoréguler et à moins dépenser.
La Chaire a pour le moment identifié trois pistes de recherche :
- Enjeux et défis financiers particuliers aux Québécois confrontés à des situations familiales complexes ;
- Dynamiques économiques des personnes immigrantes : l’équité, la diversité et l’inclusion dans la gestion des finances personnelles ;
- Perceptions et pratiques financières selon la région du Québec et le genre.