L’assurance vie qui couvre le produit financier associé à un prêt automobile est un produit complexe. Quand il n’est pas vendu par un représentant certifié, des pépins surviennent, comme l’a constaté une dame de Mascouche à qui le tribunal vient de donner raison. 

Me Maurice Charbonneau, du cabinet d’avocats Trivium, a attiré l’attention du Portail de l’assurance sur ce jugement rendu par le juge Alexandre Henri, de la division des petites créances de la Cour du Québec. Dans cette décision datée du 19 avril dernier, le tribunal donne raison à la demanderesse dans son recours contre Industrielle Alliance, assurances et services financiers (IAASF). 

L’achat 

Avec son mari Jacques Crevier, Christiane Leroux achète une automobile neuve chez un concessionnaire Kia de Mascouche en février 2013. L’achat du véhicule est financé par l’entremise de Financement auto TD, en vertu d’un contrat de prêt amorti sur 84 mois (sept ans). 

Afin de garantir le solde du prêt auto en cas de décès, M. Crevier souscrit le même jour une couverture d’assurance vie temporaire auprès de l’assureur IAASF. 

En décembre 2018, l’assuré décède alors qu’il est âgé de 75 ans. Mme Leroux réclame à IAASF le paiement de l’indemnité pour le solde du prêt, soit 6 472,79 $. L’assureur refuse de payer, car la police prévoit que la couverture prend fin au 74e anniversaire de naissance de M. Crevier. 

En outre, l’assureur soutient que le certificat d’assurance a été modifié, un mois après sa signature, afin d’en réduire la durée à 55 mois, soit jusqu’au 74e anniversaire de naissance de M. Crevier. 

La demanderesse affirme que ni elle ni son défunt mari n’ont été prévenus de cette modification, la durée de la couverture d’assurance vie ayant été modifiée par l’assureur, et ce, sans leur accord. 

Les motifs du tribunal 

Le tribunal doit alors déterminer si la couverture d’assurance vie de M. Crevier était toujours en vigueur au moment de son décès. Si tel est le cas, est-ce que la veuve a droit à l’indemnité qu’elle réclame ?

Le tribunal estime que le certificat est valide pour la durée prévue initialement, soit 84 mois au lieu de 55 mois. Il est clairement stipulé sur la page frontispice du certificat que la durée de la garantie s’étend sur 84 mois.

À la page 5 du même certificat, une autre rubrique prévoit que l’assurance prend fin au 74e anniversaire de naissance de l’assuré. Comme M. Crevier est âgé de 69 ans au moment où il souscrit la couverture, « force est de constater que le certificat d’assurance contient une importante contradiction », indique le tribunal. 

La demanderesse est catégorique quant au fait que le représentant du concessionnaire ne leur a jamais fait part de cette restriction d’âge au moment de signer le certificat. L’assureur ne fournit aucune preuve du contraire. 

Le tribunal est d’avis que la limite d’âge prévue à la dernière page du certificat est une information importante et essentielle qui aurait dû être divulguée à M. Crevier et Mme Leroux avant la conclusion du contrat. 

Si tel avait été le cas, la demanderesse fait valoir à juste titre que le couple n’aurait jamais souscrit une assurance vie ayant une durée inférieure à celle du prêt auto, et encore moins, pour une prime aussi élevée. 

« De toute évidence, le représentant du concessionnaire n’a pas réalisé que M. Crevier atteindrait l’âge limite de 74 ans avant la fin de la durée du contrat », indique le tribunal. Pire encore, le représentant du concessionnaire n’est peut-être même pas au courant de cette restriction sur l’âge prévue au contrat.

En conséquence, l’erreur commise par le distributeur doit être supportée par l’assureur, ajoute le juge Henri. De plus, il est reconnu qu’un tel contrat d’assurance vie est un contrat d’adhésion dont les conditions essentielles ne sont pas négociables. Dans tous les cas, le contrat doit être interprété en faveur de l’adhérent ou du consommateur. 

Le système informatique de l’assureur dénote que l’assuré atteindra l’âge limite avant l’échéance du contrat. La prime est ajustée afin de tenir compte du nombre de mois restants.

L’assureur ne pouvait réduire la durée de l’assurance et la prime de manière unilatérale. Il n’est pas en mesure de prouver que l’assuré et la bénéficiaire ont consenti à ce changement. Le chèque émis à cette occasion par l’assureur, au moment de 105,92 $, a plutôt été encaissé par le concessionnaire, qui a crédité ce montant sur le solde du prêt auto. 

En sa qualité d’héritière, la demanderesse a droit de recevoir le plein montant de l’indemnité d’assurance vie. L’assureur est ainsi condamné à payer l’indemnité demandée.

À cette somme s’ajoutent les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 16 janvier 2019, plus la somme de 195 $ pour les frais de justice.