La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) sonne à nouveau l’alarme concernant l’inquiétude grandissante des propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) à l’égard du coût des assurances. Dans son rapport Assurance des PME - Analyse du marché canadien des assurances pour les PME, rendu public le 11 décembre, la FCEI souligne que trois assureurs couvrent plus de 6 entrepreneurs sur 10.
Le coût des assurances est devenu l’une des principales pressions sur leurs coûts d’exploitation. Quelque 62 % des répondants de l’enquête ont signalé les assurances comme étant l’un des coûts qui leur nuisent le plus. La mention arrive au deuxième rang des préoccupations, derrière les taxes sur la masse salariale.
« Parmi les coûts d’intrants suivants, lesquels posent actuellement des problèmes à votre entreprise ? » Quelque 68 % des dirigeants de PME ayant participé à l’enquête ont souligné les coûts d’assurance. Les données historiques du Baromètre des affaires de la FCEI établissent une mention moyenne de 49 % à cette même question.
La FCEI avait rapporté l’inquiétude des entrepreneurs en novembre 2020, alors que des hausses plus importantes fragilisaient les entreprises frappées par la pandémie de COVID-19. Des constats relativement similaires ont été faits en septembre 2021 ou encore en août 2022.
Hausses dans les deux chiffres
Plus de la moitié des répondants indiquent que leurs primes ont augmenté de 10 % ou plus au cours des deux dernières années. Pour une PME typique qui a souscrit les trois principales couvertures d’assurance aux entreprises — habitation, automobile et assurance responsabilité civile générale — une hausse de 10 % des primes représente une facture moyenne de 1 500 $.
Quelque 58 % des répondants avaient souscrit les trois produits au moment de l’enquête. La facture médiane de ces trois produits totalise 15 850 $, soit 6 000 $ pour l’habitation, 5 000 $ pour l’automobile et 4 850 $ pour la responsabilité civile.
Pour certains secteurs d’activité, cette prime médiane est beaucoup plus élevée. La police en responsabilité civile est nettement plus chère pour les petites et moyennes entreprises (PME) de la construction, de la fabrication et des transports.
« Les assurances commerciales sont un filet de sécurité pour les PME. Mais il devient de plus en plus difficile et coûteux pour elles d’obtenir une couverture, alors qu’elles font déjà face à beaucoup d’autres augmentations de coûts. Sans compter que dans certaines provinces, les entreprises doivent aussi payer une taxe de vente au détail sur tous les produits d’assurance en plus d’un impôt sur les primes d’assurance. Cela contribue à alourdir le fardeau financier des PME », indique Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la FCEI.
Parmi les facteurs qui expliquent cette inquiétude croissante des entrepreneurs, le rapport de la FCEI suggère quelques explications probables qui influencent l’évaluation des risques et l’établissement des prix : la dynamique du marché des assurances, les catastrophes naturelles plus fréquentes, le cadre réglementaire et le contexte économique.
Insatisfaction
Près de la moitié des propriétaires d’entreprise se disent plutôt insatisfaits ou très insatisfaits des options d’assurance disponibles au Canada. Le niveau d’insatisfaction varie assez peu, par rapport à la moyenne nationale, selon les différentes tailles des entreprises.
Cette insatisfaction est particulièrement marquée dans les secteurs de l’hébergement et restauration (68 %), arts, loisirs et information (67 %) et les transports (66 %).
On rapporte que beaucoup de propriétaires se disent frustrés par l’offre limitée, même s’ils affirment être généralement satisfaits du service à la clientèle. Quelque 69 % des chefs d’entreprise se disent globalement satisfaits du service à la clientèle. Par ailleurs, 32 % se disent insatisfaits à l’égard de la facilité du processus de demande pour obtenir ou renouveler leur assurance commerciale.
Quelque 56 % des répondants ont renouvelé leurs polices auprès du même assureur sans magasiner ailleurs. Dans le groupe des 36 % d’entrepreneurs qui affirment avoir sondé le marché, trois entrepreneurs sur quatre ont conservé le même assureur. Seulement le tiers des PME qui ont sondé le marché avait obtenu au moins trois options de la part de leur courtier.
Les PME limitées à un seul choix étaient particulièrement nombreuses dans les secteurs de la fabrication (48 %), des transports (44 %) de même que l’hébergement et restauration (43 %).
Analyse du marché
Le rapport permet de constater que trois assureurs servent plus de 61 % des PME membres de la FCEI : Intact (33 %), Northbridge (17 %) et Aviva (11 %). Ces compagnies sont suivies par Co-operators (9 %) et Economical/Definity (5 %). On voit donc que trois entrepreneurs sur quatre font affaire avec cinq assureurs.
La FCEI rappelle que cette répartition des parts de marché n’est pas la même que celle de l’ensemble du marché de l’assurance aux entreprises, qui comprend de grandes sociétés et des organismes sans but lucratif.
Le rapport comprend aussi la répartition des parts de marché entre les assureurs selon les secteurs d’activité des PME sondées et par province. Dans toutes les provinces, plus de 50 % du marché de l’assurance des PME est l’affaire de trois assureurs.
Intact est numéro un dans toutes les provinces, sauf la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick, où la première place revient respectivement à SGI et à Northbridge.
Huit propriétaires de PME sur dix font affaire avec un courtier d’assurance. La FCEI offre d’ailleurs à ses membres un programme d’économies en partenariat avec Northbridge par l’entremise des courtiers indépendants.
C’est à Terre-Neuve-et-Labrador, avec 84 %, où le taux d’insatisfaction par rapport au coût des assurances est le plus élevé. L’impôt et la taxe de vente sur les primes y sont parmi les plus élevés au pays, indiquent les auteurs du rapport.
La vaste majorité (83 %) des répondants à l’enquête n’ont soumis aucune réclamation au cours des 12 derniers mois. « D’autres facteurs contribueraient donc à l’augmentation des primes », souligne-t-on dans le rapport.
En conséquence, l’augmentation des primes et des autres coûts force les entrepreneurs à faire des choix difficiles, selon la FCEI. Près du quart d'entre eux ont même réduit leur couverture globale d’assurance. Cette tendance est particulièrement notable dans les secteurs suivants : agriculture, ressources naturelles et restauration.
Recommandations
La Fédération soumet des recommandations à l’endroit des gouvernements, des assureurs et aux propriétaires de PME. Elle réclame notamment que les provinces et territoires éliminent entièrement l’impôt sur les primes d’assurance et la taxe de vente au détail sur tous les produits d’assurance pour les PME. La FCEI suggère aussi d’encourager les options d’assurance alternatives telles que les sociétés d’assurance captives et les coopératives.
Des recommandations visent aussi les assureurs. On propose d’actualiser le Code des droits et responsabilités des consommateurs pour y inclure des politiques propres aux PME. On réclame aussi plus de transparence de la part des assureurs sur les facteurs qui expliquent la hausse de la prime au renouvellement.
La FCEI recommande aux entrepreneurs de demander l’aide des professionnels de l’assurance, de magasiner et de s’informer sur les rabais offerts aux groupes, de mieux comprendre leur couverture, d’investir dans des outils de gestion du risque pour limiter les réclamations et de former leur personnel.
Méthodologie
Le rapport de recherche a été préparé par les analystes Alchad Alegbeh et Michelle Auger. Entre les mois de mars et de mai 2024, la FCEI a mené un sondage spécial auprès des propriétaires de PME pour en savoir plus sur leur expérience en matière d’assurances commerciales, mais aussi d’assurances personnelles. L’assurance vie et l’assurance pour soins de santé étaient exclues de l’enquête.
Le sondage omnibus mené par la FCEI en août 2024 interrogeait les propriétaires d’entreprise sur divers enjeux, notamment les assurances. Quelque 3 676 répondants ont participé au sondage sur les assurances et 2 340 dirigeants de PME ont répondu au sondage omnibus.