Même s’il acquiert des cabinets de services financiers et des agents généraux via sa nouvelle bannière Aurrea Signature, l’assureur Humania assure que les entreprises acquises conserveront leur indépendance.

Richard Gagnon, PDG d’Humania, qui quittera ses fonctions à la fin de 2016, dit qu’il agit ainsi pour préserver l’indépendance du réseau de distribution par courtage. « Il est dans notre intérêt de le maintenir pour qu’il soit en santé, vigoureux et dynamique, car il est notre principal canal de distribution », a-t-il lancé en entrevue au Journal de l’assurance.

Lancé le 2 novembre, Aurrea Signature regroupe Pro Vie assurances et ses filiales sous une même bannière de services, qui prend une participation dans leur actionnariat. L’idée est de permettre aux cabinets d’unir leurs forces, assurer leur pérennité et préparer leur relève, a insisté M. Gagnon.

Le réseau de courtage rencontre selon lui des défis colossaux : exigences de conformité, développements technologiques, attentes des clients en pleine mutation, que ce soit le désir d’une plus grande rapidité d’exécution, un accès Web ou transiger avec le moins de papiers possible. « Nous avons voulu leur donner un nouvel outil qui leur offre le maximum de capacité de services et répondre aux défis auxquels ils sont confrontés », signale-t-il.

Or, la plupart des modèles actuels font en sorte que celui qui a développé son cabinet depuis des années, et veut se regrouper, « est condamné à vendre à un plus gros distributeur, puis à disparaitre », déplore M. Gagnon.

Un cabinet peut s’associer à la bannière en cédant une partie ou la totalité du capital-actions, sans voir disparaitre leur entreprise comme cela est arrivé aux cabinets acquis par les consolidateurs dans les dernières années. « Nous voulons continuer de faire vivre ces cabinets et que l’entrepreneur demeure avec nous pour continuer de développer le cabinet », dit M. Gagnon. Aurrea concentrera ses activités au Québec, bien que certains de ses partenaires traitent avec des conseillers situés au Nouveau-Brunswick et en Ontario, dans la région d’Ottawa.

Répondre au manque de relève

Humania a aussi voulu répondre au manque de relève et à la complexité d’une succession au sein d’un cabinet. « Gérer un cabinet est un gros défi et peu sont préparés à le faire, observe M. Gagnon. Grâce à ses différentes organisations regroupées, la bannière offrira plusieurs possibilités à des jeunes de se faire la main à travers du mentorat et du coaching, pour que l’on développe progressivement une relève de management pour ces cabinets. »

Le PDG d’Humania a confié qu’Aurrea Signature résulte d’une évolution naturelle du développement effectué par l’assureur en partenariat avec Pro Vie depuis une quinzaine d’années. Avec le temps s’est greffé à l’agent général un cabinet de référencement Web, des capacités de télémarketing, et d’autres services. Ce qui a fait réaliser aux partenaires que Pro Vie s’en tire bien seul, mais gagne à travailler en partenariat avec plusieurs organisations. Elle tire ainsi parti de diverses expertises, explique M. Gagnon. Aurrea a donc germé d’un projet pilote amorcé par Pro Vie Assurances en janvier 2015, avec le soutien d’Humania Assurance.

Pro Vie assurances devient un de ces cabinets et Christian Laroche en quitte la présidence pour assumer celle d’Aurrea. Personne ne le remplace comme président de l’agent général pour le moment. Pro Vie est actuellement dirigé par deux directeurs. L’un prend en charge les activités de la région de Montréal et de l’ouest du Québec, et l’autre de la ville de Québec et de l’Est-du-Québec.

L’héritage de Pro Vie permet d’amener plusieurs autres partenaires sous la nouvelle bannière en un tournemain. Acquis par Pro Vie assurances en 2015, le Groupe Y. Pilon fait partie des cabinets qui se retrouvent sous la bannière d’Aurrea, ainsi que Les Services Financiers Surtech, Torrus Groupe Financier, Gestion FTM, Pro Spect assurances, et Pro Vie assurances collectives, renommé Aurrea Collectif.

Guichet unique, multidisciplinaire…

Aussi présent lors de l’entrevue, M. Laroche renchérit sur l’indépendance. « Le plus important dans la naissance de cette bannière est le fait qu’elle préserve l’autonomie des cabinets », dit-il.

Plus qu’une bannière, Aurrea est aussi un agent général avec 17 fournisseurs, insiste-t-il. Le regroupement passe par Investia Services financiers pour les fonds communs. Aurrea offrira des services pour les secteurs de l’assurance de personnes (incluant les produits de prestation du vivant), l’assurance collective et des services multidisciplinaires en assurance de dommages en collaboration avec Groupe Jetté, en assurance voyage et en référencement hypothécaire.

« C’est un guichet unique et multidisciplinaire, ce qui est très important pour faire face au marché d’aujourd’hui. Pro Vie s’est montré très fort en prospection, en développement des affaires, en soutien à la relève. Nous avons une expertise que nous avons su mettre à profit au cours des dernières années avec Pro Vie assurances. » Pourquoi changer ce modèle ? Pour qu’Aurrea devienne le propulseur commun à tous les partenaires, répond Christian Laroche.

Un cabinet peut se joindre à Aurrea en qualité d’agent général associé, sans céder aucune participation, dit M. Laroche. Il aura alors accès à certains services. Aurrea a actuellement une participation dans les six cabinets qu’il regroupe. Les cabinets partenaires lui cèdent une partie de leurs bonis pour financer l’offre de services.

Aurrea dit en outre aller plus loin que ce qui s’observe chez les bannières d’assurance de dommages, entre autres avec son offre de participation. Il ne s’agit pas seulement de regrouper des cabinets indépendants entre eux derrière une marque, souligne ainsi Richard Gagnon. Aurrea participera aussi au positionnement stratégique de chacun des membres de la bannière, ce qui est particulier à la bannière Aurrea, poursuit M. Gagnon.

… et multiservices

Plus que des agents généraux, elle regroupe aussi des services, tels ceux d’Aurrea services collectifs, de ProSpect et du centre d’appel Pro Vie en assurance corporative, énumère de son côté Christian Laroche. « Ce centre génère près de 5 000 rendez-vous corporatifs par année, ce qui aide beaucoup les conseillers à travailler dans cette clientèle », a-t-il révélé. Il évoque aussi ce qu’il appelle le nerf de la guerre : les services de conformité, qui permettent de dresser un plan de conformité au bénéfice du partenaire.

Aurrea offre de plus du financement au cabinet ou au conseiller qui désire acquérir un bloc d’affaires. « On nous a dit que nous étions le cabinet le plus sur la coche en matière d’évaluation de la juste valeur marchande d’un portefeuille ou d’un cabinet. Nous évaluons aussi si la transaction est souhaitable ou non », ajoute M. Laroche.

Aurrea s’attend à un bon accueil des assureurs

Comment réagiront les 16 autres fournisseurs de Pro Vie en traitant avec Aurrea Signature, dont Humania Assurance est l’actionnaire majoritaire ? Ils réaliseront qu’ils sont face à un excellent partenaire d’affaires indépendant qui offrira tous leurs produits, croit Richard Gagnon.

C’est une entreprise avec son propre conseil d’administration, sa propre équipe de gestion et sa propre stratégie de développement, ajoute le PDG d’Humania. Une personne d’Humania occupera un des cinq sièges du conseil. « Avec 17 assureurs en présence, nous ne craignons pas que les conseillers concentrent leurs affaires chez Humania », renchérit M. Gagnon.

Et tous apprécieront selon lui la mission de relève et de pérennité des cabinets, des enjeux cruciaux dans le réseau de distribution indépendant. « Je suis préoccupé plus qu’inquiet de la pérennité du réseau de distribution. Nous cherchions des façons de l’aider et c’est ce qui a guidé notre réflexion : offrir un outil de plus pour aider les cabinets à continuer d’exister et à se développer », dit M. Gagnon. Sans vouloir parler pour les autres assureurs, il a réitéré que cette pérennité est vraiment dans l’intérêt d’Humania Assurance.

Aurrea ciblera les cabinets sélects

Pour croitre, Aurrea Signature continuera de courtiser des cabinets comme Torrus Groupe financier et Gestion FTM, que Christian Laroche appelle cabinet sélect.

Il croit que les regroupements de conseillers performants qui veulent évoluer en termes de services sont la voie de l’avenir. Dans Torrus par exemple, les conseillers sont très encadrés et leur moyenne de production est plus élevée que la moyenne, affirme le PDG d’Aurrea.

« Le cabinet ne prend que des as et leur promet qu’ils passeront à un second niveau s’ils sont prêts à en payer le prix », dit-il. Les recrues de Torrus sont chaque jour au travail et suivent des pratiques rigoureuses qui s’apparentent à celle d’une agence de carrière.

« S’ils ne désirent pas suivre ce modèle, il n’y a aucun problème, dit M. Laroche. Ils peuvent œuvrer dans Aurrea en vertu du modèle traditionnel de conseiller indépendant. Un tel conseiller pourra agir comme producteur individuel au sein de la bannière, sous Pro Vie, Groupe Pilon ou un autre, selon le plan d’affaires qu’il privilégie.

Le cabinet sélect est aussi plus prometteur, car M. Laroche ne croit pas que de nouveaux agents généraux apparaitront, lorsque le rouleau compresseur de la consolidation aura terminé sa course.