Une erreur s’est malencontreusement glissée dans le titre imprimé à la page 31 du Journal de l’assurance de février 2022 pour ce complément de magazine. Le titre qui aurait dû apparaître est 100 acheteurs pour un vendeur, et non l’inverse. Toutes nos excuses pour la confusion que cette erreur a pu causer.
La file des acheteurs d’un bloc d’affaires en assurance vie individuelle et en services financiers s’étire au loin. Mais vous pourriez être l’élu si vous faites partie de ce que Jerry Butler appelle les acheteurs qualifiés.
Évaluateur d’entreprises de conseils financiers, Queenston Consulting aide à la transition entre l’acheteur et le vendeur d’un cabinet lors d’une transaction en assurance vie individuelle et en services financiers. Sur son site qui répertorie les acheteurs et vendeurs potentiels, les offres d’acheter ou de fusionner abondent. Les offres de vendre se font significativement plus rares. La firme est particulièrement présente dans l’ouest canadien et en Ontario, mais moins dans l’est du Canada.
Président de Queenston Consulting, Jerry Butler a fondé son entreprise en 2012. Après 25 ans d’expérience dans l’industrie à titre de conseillers en placements et de planificateur financier, c’est en travaillant sur une première transaction qu’il a quitté la pratique de conseiller à temps plein pour se consacrer à plein à son entreprise de consultation, a-t-il confié en entrevue au Journal de l'assurance. Depuis, il a mené à terme près de 300 transactions, dont 25 en 2021.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
En entrevue avec le Journal de l’assurance, M. Butler a partagé des chiffres qui montrent l’ampleur du déséquilibre entre l’offre et la demande de blocs d’affaires en assurance et placements individuels. Lorsque Queenston Consulting publie les coordonnées d’une compagnie à vendre, elle peut recevoir plus de cent réponses, a-t-il révélé.
« Je dirais qu’en moyenne, il y a au moins 100 acheteurs pour chaque vendeur, ajoute-t-il. Mais sont-ils habilités à acheter ? En ont-ils les moyens ? Ont-ils le profil que recherche le vendeur ? » Une fois ces questions considérées, le nombre d’acheteurs chute à moins de 10, selon le président de Queenston Consulting qui considérera alors les deux ou trois meilleurs prospects.
En outre, plusieurs acheteurs le contactent spontanément, sans avoir vu de pancarte à vendre. Jerry Butler dit recevoir chaque jour presque une douzaine d’appels ou de courriels de personnes qui se disent intéressées à acheter une entreprise. « C’est un marché de vendeur. Le vendeur dit : voici mon entreprise, voulez-vous l’acheter ? »
M. Butler observe que certains achètent un bloc d’affaires pour croître. « Nous regardons plusieurs entreprises acheteuses et peu d’entre elles font leur propre marketing ou ont un programme de marketing efficace. Je dirais que huit conseillers sur 10 ne réalisent pas de croissance organique. C’est pourquoi ils songent à acquérir », dit-il.
Féroce, la concurrence crée une pression supplémentaire, selon lui. « Il est difficile pour un cabinet de croître aujourd’hui : la banque, la coopérative (credit union) ou votre concurrent se trouve à chaque coin de rue, rappelle M. Butler. Alors, l’acheteur paie simplement le multiple usuel. Or, il y a tellement de variables qualitatives dont il faut tenir compte. Simplement acquérir plus de clients fera grossir votre entreprise, mais ne la rendra pas nécessairement meilleure. »
Plus de vendeurs qu’on pense
Plusieurs de ceux qui se disent acheteur d’un bloc d’affaires n’en ont pas nécessairement les capacités, croit aussi Tony Bosch, vice-président exécutif, développement des courtiers de Financière Hub.
Durant l’entrevue, il a rappelé que le vendeur ne peut se permettre de choisir un acheteur uniquement parce qu’il fait la meilleure offre. « Plusieurs de ceux qui se déclarent acheteurs n’ont pas vraiment ce qu’il faut pour attirer un vendeur, croit M. Bosch. Ils n’ont pas l’infrastructure pour soutenir l’entreprise qu’ils veulent acquérir. Quiconque vend un bloc d’affaires veut s’assurer que l’acheteur en est capable et que cela soit à l’avantage de ses clients. Si le niveau de service de l’acheteur est inférieur au sien, le vendeur ne peut accepter son offre. »
L’acheteur doit selon lui avoir de bons systèmes en place, l’infrastructure et l’expérience requise. « Lorsque vous investiguez selon ces critères, le nombre d’acheteurs se rapproche davantage de celui des vendeurs », précise Tony Bosch.
Si le nombre d’acheteurs demeure tout de même le plus élevé, M. Bosch pense qu’il y a plus de vendeurs qu’il n’y paraît. « La personne qui envisage de vendre ne souhaite pas l’annoncer à la terre entière, parce que son compétiteur pourrait solliciter ses clients », rappelle-t-il.
Potentiel de commercialisation
Même dans un marché qui favorise les vendeurs, un conseiller pourrait ne pas trouver preneur pour son bloc d’affaires. Chez Queenston Consulting, Jerry Butler constate en effet que tous les conseillers n’ont pas nécessairement une entreprise facile à vendre. Parmi les éléments qu’il utilise pour évaluer la valeur d’un bloc d’affaires, M. Butler place le potentiel de commercialisation (marketability) parmi les plus importants. « L’entreprise est-elle vendable ? Il y a beaucoup de bonnes entreprises dans l’industrie, mais s’il n’y a pas d’acheteur leur valeur n’est pas si grande », dit-il.
Le consultant attache aussi une grande importance à la liste des clients, ce qu’il appelle le capital de relations.
M. Butler dit analyser séparément les volets quantitatifs (finances, etc.) et qualitatifs de l’entreprise à vendre. « Lors de l’analyse qualitative, nous considérons entre autres choses la direction de l’entreprise, la structure de ses affaires, sa planification stratégique et sa capacité à générer des revenus (cash flows) », explique-t-il.
Plusieurs facteurs qualitatifs joueront sur le potentiel de commercialisation d’un cabinet, dont son emplacement : « Il sera moindre à Whitehorse qu’à Toronto ou Montréal », lance Jerry Butler. Le président de Queenston ajoute que la taille de la population dans la région est très importante.
Le profil avant le multiple
Revenant sur le modèle d’affaire, M. Butler signale que le vendeur devrait rechercher un acheteur dont le modèle est similaire au sien. « Si vous vous spécialisez en assurance destinée aux propriétaires d’entreprise et que votre revenu annuel atteint 500 000 $, vous devrez trouver un vendeur capable de générer un tel revenu. »
Il y a beaucoup d’autres variables dont il faut tenir compte dans la valeur d’un bloc d’affaires, selon lui. « Les gens parlent de règles du pouce, d’un multiple de 2, 3 ou 4 fois le revenu, même 7 fois ! Mais 7 fois quoi ? Dans les banques, les conseillers en placements parlent d’un multiple de revenu brut. Les conseillers indépendants en assurance et en fonds communs parlent de revenu récurrent, de commission de suivi et de renouvellement. Tous parlent d’un multiple, mais dans un langage différent », déplore M. Butler.
Avant de se demander combien coûte un bloc d’affaires, les acheteurs devraient d’après lui s’enquérir de la nature de l’entreprise à vendre. Autre question que Jerry Butler estime importante : le financement est-il accessible à l’acquéreur potentiel ? Il observe que les conseillers peuvent difficilement en obtenir auprès des banques, en raison de la nature intangible de l’actif qu’ils convoitent. Ils ne pourront selon lui en obtenir que s’ils dénichent un spécialiste des entreprises dont la valeur repose sur la capacité de générer des revenus, conclut-il.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition de février 2022 du Journal de l'assurance.