Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'avril 2021 du Journal de l'assurance.

 

Robert Dumas ne cache pas sa satisfaction quant aux parts de marché de Sun Life au Québec (voir encadré). Cette croissance montre aussi que l’assureur s’est adapté aux demandes du marché québécois, qu’il qualifie d’extrêmement complexe.

« Notre PDG, Dean Connor, a dit que Sun Life ne peut pas être plus forte au Canada sans être plus forte au Québec. Le Québec a contribué de manière substantielle aux résultats canadiens, dans les dernières années. Pour nous, le marché québécois est important pour les résultats, et aussi pour les talents. Nous avons beaucoup de gens basés à Montréal qui ont des responsabilités nationales. Montréal deviendra un hub pour les talents », dit M. Dumas.

Au Québec, Sun Life a cru dans chacun de ses segments d’affaires, dit M. Dumas. L’assureur a élargi ses services numériques et son réseau de distribution indépendant. Il a aussi embauché plusieurs experts. « En 2010, nous comptions 1 500 personnes au Québec. Nous sommes maintenant 2 500 ! »

Des 17 membres du comité de direction canadien, 4 sont québécois. Un niveau de représentation québécoise inédit, insiste M. Dumas. Il siège à ce comité avec le président de Sun Life au Canada, Jacques Goulet. Les deux autres membres québécois de ce comité sont Véronique Dorval, vice-présidente principale du bureau de l’expérience client au Canada, et Alex Guertin, vice-président principal et premier directeur financier de Sun Life au Canada.

Nouvelle hausse en vue ?

M. Dumas s’attend à ce que les résultats financiers de 2020 révèlent une autre augmentation des parts de Sun Life au Québec. Il dit toutefois avoir observé moins d’activités de vente en assurance vie. « L’industrie a quelque peu reculé en assurance individuelle, alors que les activités de gestion de patrimoine devraient avoir connu une croissance. Nous aurons aussi une croissance dans les produits de retraite institutionnels », prévoit-il. Le rapport de LIMRA sur les ventes d’assurance vie individuelle au Canada le confirme : les ventes (en primes) ont reculé de 2 % en 2020, par rapport à 2019.

Le talent qu’il est allé chercher a entre autres permis à l’assureur de s’adapter au discours de ses clients institutionnels. « Le Québec est à peu près la seule province où on retrouve autant d’actuaires », dit Robert Dumas, lui-même actuaire.

M. Dumas a travaillé 28 ans à Mercer Canada à titre de responsable de la pratique de retraite pour le Canada et l’Amérique latine, avant de se joindre à Sun Life en 2012. Les représentants de clients institutionnels que rencontrent ses équipes du secteur collectif sont souvent des actuaires responsables des avantages sociaux et des régimes de retraite, observe-t-il.

Il ajoute que ce qui se fait au Québec inspire grandement l’organisation ailleurs au pays. Il donne en exemple le régime de couverture de médicaments et remet ouvertement en question le projet pancanadien du gouvernement fédéral. M. Dumas s’interroge : plutôt que de changer en profondeur le système actuel, pourquoi ne pas simplement améliorer le modèle québécois ? « On peut arriver au même résultat avec le modèle québécois amélioré. »

L’exemple des régimes de retraite collectifs

La part de marché acquise par Sun Life au Québec en régimes de retraite collectifs est, selon lui, le meilleur exemple de l’adaptation de l’assureur dans la Belle Province. « Sun Life Québec occupe désormais la première position dans le secteur des régimes collectifs de retraite au Québec, avec une part de marché de plus de 30,8 % au chapitre des actifs gérés », ajoute M. Dumas en citant le rapport 2019 de Groupe Fraser. L’assureur arrache des parts de marché importantes dans ce secteur grâce à ses solutions de gestion des risques des régimes collectifs de retraite à prestations déterminées.

Ses solutions sont complexes. À l’aide de rentes collectives, elles couvrent entre autres les risques liés à l’actif du régime, aux marchés financiers et à la longévité des retraités.

Ces transactions mettent en jeu des sommes importantes. « Dans ce créneau, une seule transaction peut changer les parts de marché », note Robert Dumas.

En 2020, Compagnie minière IOC (Iron Ore) a transféré à Sun Life 560 millions de dollars de risques liés à son régime de retraite, dans une transaction de rentes collectives qui a visé plus de 3 700 retraités et bénéficiaires. « En 2015, nous avons offert la première assurance longévité au Canada, avec Bell Canada et son équipe d’actuaires de Montréal. » Cette entente d’assurance longévité de 5 milliards de dollars vise à couvrir le risque du régime de retraite à prestations déterminées des employés de Bell.

Au Canada, le marché de la gestion des risques de régimes de retraite a presque doublé en trois ans, atteignant un volume de transactions de 5,2 milliards de dollars en 2019, selon le Pension Risk Report publié en mai 2020 par la société d’actuaires Eckler. En 2019, Sun Life détenait la plus grosse part de ce marché, soit 36 %. Ses plus proches rivaux étaient alors RBC Assurances (15 %) et Brookfield Annuity (13 %). Un an plus tôt, Brookfield ne détenait que 5 % de ce marché.

« On voit qu’il y a un appétit pour ce marché. Ce sont des ventes à gros volume, avec des primes de 100 à 150 millions de dollars, voire 200 millions. Une vente dans l’année peut changer la position dans le marché », dit M. Dumas.

Robert Dumas donne aussi en exemple le cas de l’Université McGill qui, selon lui, illustre de manière éloquente les progrès réalisés par Sun Life au Québec dans les dernières années. En vertu d’une transaction qui vise 10 000 retraités de l’institution d’enseignement et 1,7 milliard de dollars d’actifs, Sun Life offre des services administratifs dans un régime hybride d’un type particulier : une composante de régime à cotisation déterminée fonctionne en parallèle avec une autre à prestations déterminées. L’assureur offre les services administratifs de la partie à cotisation déterminée.

« C’était un client avec des besoins hors de l’ordinaire, et nous avons été capables d’y répondre. Nous avons souvent été taxés de manquer de flexibilité. Nous ne souhaitions pas offrir certains services, raconte M. Dumas. Cette fois, Sun Life s’est ouverte aux demandes de son client. » Elle a pu conclure la transaction pour les deux régimes grâce à un partenariat à Montréal avec la société d’actuaires-conseils Normandin Beaudry.

À l’avenir, les solutions de gestion des risques de régimes de retraite collectifs susciteront énormément d’intérêt, prévoit Robert Dumas. Il rappelle que les taux d’intérêt sont bas et que les responsables de régimes cherchent des manières de gérer ce risque.

« Des organisations ont énormément de retraités dans leurs régimes. L’achat de rentes collectives ou les investissements guidés par le passif peuvent être une solution pour eux. »

L’évolution des parts de marché de Sun Life au Québec

En portant sa part de marché à 15,6 % en 2019, Sun Life a ravi la deuxième place qu’occupait Desjardins Assurances depuis trois ans au Québec.

Sun Life Québec l’a fait en récoltant 2,9 milliards de dollars de primes, soit une croissance de 5,3 % en 2019 par rapport à 2018. Ces données, recueillies par le Journal de l’assurance, ont été révélées dans son édition d’octobre 2020 sur les parts de marché des assureurs de personnes.

Toujours selon l’édition d’octobre 2020 du Journal, la bouchée prise par Sun Life Québec en 2019 est arrivée sur les talons de celle de 2018, alors que l’assureur arrachait la troisième place à SSQ Assurance. Fusionnée en 2020 à La Capitale dans une entité maintenant appelée Beneva, la mutuelle de Québec a réussi à dépasser Desjardins, mais pas Sun Life. iA Groupe financier demeure bonne première du marché québécois.

Robert Dumas, président et chef de la direction de Sun Life Québec, a aussi fourni des données comparatives sur sa croissance par rapport à la moyenne de l’industrie. Il dit les avoir établies à partir du rapport annuel 2019 sur les institutions financières de l’Autorité des marchés financiers et d’autres rapports de l’industrie. Elles témoignent entre autres d’une croissance des primes de 5,3 % à Sun Life en 2019, soit plus de deux fois la moyenne québécoise.

Pour la période de cinq ans se terminant en 2019, les données de Sun Life Québec révèlent une croissance annualisée de 7 % en assurance individuelle, par rapport à 4 % dans l’ensemble du marché québécois. Les ventes d’assurance collective ont quant à elles augmenté annuellement de 8,3 % durant cette période, par rapport à 4,4 % dans l’ensemble du marché.

La croissance des affaires en régimes de retraite collectifs a été particulièrement forte pour Sun Life Québec dans les cinq dernières années se terminant en 2019, selon les données présentées. Selon l’actif sous gestion, elles ont crû annuellement de 10,6 % durant cette période, comparativement à 5 % dans l’ensemble du marché québécois.