Dans un communiqué interne publié le 6 décembre 2021, le site comparateur québécois Prix Assurance Vie (PAV) a révélé qu’il cessait ses activités de génération de leads (indications de client) destinés aux conseillers.
En entrevue avec le Portail de l’assurance, Robert Thiffault, président de Prix Assurance Vie, a donné plus de détails sur les facteurs qui poussent à la hausse le prix des leads acheminés aux conseillers. Les leads se transigent en mode enchère sur Internet, dit-il. M. Thiffault fait référence aux plateformes de recherche sur Internet, comme celles de Google et de Facebook.
Forte concurrence
Robert Thiffault fait valoir que la concurrence est féroce dans le segment des comparateurs, souvent appelés agrégateurs. Mettre les gaz pour générer de la clientèle par la publicité sur Internet implique de se battre contre des concurrents de taille, signale le PDG de Prix Assurance Vie. « Quand tu veux positionner ton annonce plus haut, tu dois te battre contre Desjardins, Banque Nationale, Manuvie… »
Sur Google, les positions de tête étiquetées comme annonces changent régulièrement. Une recherche avec la chaîne de mots clés « prix assurance vie » effectuée le 7 janvier 2022 a renvoyé une liste de quatre comparateurs en position payante (annonce). Dans l’ordre : Soumissionassurancevie.ca, CAA Québec, Desjardins et InfoPrimes. Prix Assurance Vie arrivait alors cinquième, en position non payante, appelée aussi référencement naturel ou organique. Selon une recherche effectuée avec la même chaîne le 11 janvier 2022, CAA-Québec se classait désormais première annonce, suivi de Comparerassurancevie.ca, Desjardins et InfoPrimes. Prix Assurance Vie arrivait encore en première position organique.
Des recherches effectuées à partir de chaînes de mots telles que « comparer assurance vie » et « assurance vie » font ressortir d’autres concurrents. Parmi eux, ClicAssure, Comparez Prix Assurance-Vie (assurance-vie-parcourriel.com), Viaction Assurance, anciennement Sherbrooke Vie, dont l'actionnaire majoritaire est Filaction et le deuxième actionnaire Fondaction, un fonds créé à l'initiative de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), et Karmaassurance.ca. Karma Assurance a été acquis en 2019 par le cabinet d’assurance de dommages Lussier Dale Parizeau.
Prix prohibitif
En cherchant à accroître son volume d’activités sur Internet, Prix Assurance vie s’est fait détecter par l’algorithme du moteur de recherche des plateformes Web, croit Robert Thiffault. « Nous avions une force de vente de 40 représentants et nous voulions doubler notre chiffre d’affaires. Mais sur Internet, plus tu génères du volume, plus ton prix monte en flèche. » La plateforme Internet vendra de plus en plus cher une même visibilité, ajoute-t-il. Encore plus pour positionner l’agrégateur plus haut, faisant en sorte qu’il soit vu par plus d’internautes.
Les frais ainsi perçus par Google augmentent de façon exponentielle plutôt que proportionnelle, selon M. Thiffault. « Par exemple, payer 2 $ me donnait deux expositions. Mais pour avoir quatre expositions, je devrai payer à Google 5 $ plutôt que 4 $. »
Cette tarification de la pub sur le Web gruge la rentabilité de la génération de leads, estime le PDG de Prix Assurance Vie. Dans son plan d’affaires, il prévoyait faire croître sa force de vente de 40 à 80 conseillers.
Robert Thiffault croit désormais qu’accroître son volume sur le Web ne serait pas rentable en raison des frais exigés par les moteurs de recherche, qu’il qualifie de prohibitifs. M. Thiffault dit prendre un moment de réflexion. « Je suspends les opérations, le temps d’évaluer certaines avenues. Est-ce que ce sera de conclure un partenariat, vendre, trouver du financement ? C’est à l’étude. »
Pas de marque dominante
Les agrégateurs devront développer leur marque pour s’imposer dans le marché québécois, croit également le président de Prix Assurance Vie. Ils se butent selon lui à un plafond de verre. Il dit que les Québécois sont prêts à consommer de l’assurance en ligne. Il observe aussi que les conseillers sont plus enclins à partager leur commission avec un comparateur, alors que les outils de ventes numériques se multiplient. M. Thiffault souligne toutefois qu’aucun agrégateur n’a encore réussi à véritablement imposer sa marque au Québec.
Pour signaler l’importance de bénéficier déjà d’une image de marque bien établie avant de vendre en ligne, l’entrepreneur donne l’exemple d’Apple. Sur le Web, l’internaute recherchera spontanément « Apple ». « Tu n’achètes pas un téléphone cellulaire; tu achètes Apple. Pour réussir sur le Web, il faut développer sa marque », dit-il.
L’agrégateur est limité par le Web, poursuit le PDG de Prix Assurance Vie. « La prochaine étape est de se distancier de ces fournisseurs Web. Les gens qui vont sur Internet doivent rechercher ta marque, et non rechercher les mots “assurance vie”. »
Pour que les internautes québécois recherchent spontanément « Prix Assurance Vie », il aurait fallu que Prix Assurance Vie investisse massivement dans la marque, estime Robert Thiffault. « Une marque comme Prix Assurance vie, il faut la positionner sur Internet pour que les gens la voient. » Dans une plateforme comme Google, investir dans la marque peut devenir un gouffre financier, croit M. Thiffault.
Prix de consolation
Disponible entre autres sur le site de Hardbacon, l’application Picki Assurance de Prix Assurance Vie poursuit pour sa part ses activités. « Les leads entrent parce que les gens nous cherchent. Nous n’avons pas payé pour annoncer », lance Robert Thiffault.
Il rappelle la distinction entre le mode de référencement naturel Search Engine Optimization (SEO), et le mode Search Engine Marketing (SEM) qui débouche sur des liens commerciaux. Par exemple, une recherche organique entrée dans la fenêtre de Google au mot clé « Picki » génère l’adresse Web du site de l’application, sans la mention « annonce ».