Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a imposé une réprimande à Éric Douville (certificat no 148 790) pour ne pas avoir répondu rapidement aux demandes du bureau du syndic. 

Le jugement a été rendu le 6 février dernier. La plainte comportait un seul chef, soit de n’avoir pas répondu aux demandes de l’enquêtrice du syndic de la Chambre en janvier 2024. L’intimé, qui se représente sans l’aide d’un procureur, est aussi condamné au paiement des déboursés. 

Lors de l’audition tenue le 30 octobre dernier, l’intimé a déposé un plaidoyer de non-culpabilité à la plainte disciplinaire, déposée en juin 2024. Par la suite, l’intimé a informé le comité qu’il reconnaissait avoir commis l’infraction, en disant qu’il ne pouvait nier avoir manqué les délais pour remettre le dossier demandé par l’enquêtrice. 

L’infraction retenue est proscrite par l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Cette disposition impose au représentant de répondre à toute correspondance provenant du syndic ou d’un membre de son personnel, et ce, dans les plus brefs délais et de façon complète et courtoise.

La plainte comprenait un seul chef, mais trois infractions distinctes étaient reprochées à l’intimé. La plaignante a accepté d’amender à nouveau sa plainte et de retirer les deux autres dispositions alléguées au soutien de la plainte. La première est inscrite à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, qui proscrit l’entrave au travail d’un enquêteur. L’autre est indiquée à l’article 44 du Code de déontologie et interdit de nuire au travail des autorités réglementaires ou disciplinaires. 

La plainte avait déjà été amendée une première fois pour être limitée dans le temps à la suite de la remise du dossier à l’enquêtrice.

Le contexte 

La demande initiale de l’enquêtrice de la Chambre faite en juillet 2023 concernait la transmission d’un dossier complet d’un consommateur. L’intimé était alors en arrêt de travail pour une période indéterminée en raison de la maladie, le dossier est suspendu en septembre 2023.

Quelques mois plus tard, n’ayant pas réussi à le joindre, l’enquêtrice contacte la directrice de l’agence où travaille l’intimé. Ce dernier a repris le travail le 12 janvier 2024 et c’est à cette date que, selon la plaignante, commence le retard à répondre à la demande de l’enquête. 

L’intimé découvre le 21 février 2024 qu’il constate que l’enquêtrice tente de le joindre. Il lui répond qu’il la contactera sous peu, ce qu’il omet de faire en raison de ses problèmes de mémoire. Les deux autres courriels subséquents envoyés par l’enquêtrice sont restés sans réponse.

Le 13 mai 2024, après l’intervention du bureau de la conformité du cabinet de services financiers qui l’emploie, l’intimé communique sans délai avec l’enquêtrice. Celle-ci lui accorde un nouveau délai de 15 jours afin que l’intimé lui transmette le dossier demandé.

Elle le reçoit le 25 juin, soit 28 jours après le délai convenu. La plainte a alors été déposée 13 jours plus tôt. 

Dans son témoignage, l’intimé ajoute qu’il est quelqu’un de responsable et il tient à expliquer les circonstances de son retard d’exécution. Le 21 juillet 2023, joint à son courriel personnel, il informe l’enquêtrice qu’il est en arrêt de travail. Il transmet son billet médical le 19 septembre 2023. L’enquête est suspendue. L’intimé ignore alors toujours la nature des faits qu’on lui reproche.

Il explique avoir une idée des récriminations du client dont le dossier est réclamé et qui a été transféré à un autre conseiller. Le consommateur n’est pas satisfait des polices d’assurance vie avec participation. Comme l’intimé n’a pas reçu de préavis de remplacement, il dit croire que l’enquête pour ce dossier ne mènera pas au dépôt d’une plainte disciplinaire. 

La sanction 

La plaignante recommande au comité d’imposer à l’intimé une amende de 3 500 $, compte tenu de la gravité objective de l’infraction et des longs délais. L’intimé demande que la sanction se limite à une réprimande, puisque le délai de l’infraction n’est que de 28 jours. 

Il souligne que ses problèmes de santé et la perte de son nouvel emploi à la suite de la plainte font en sorte qu’il a chèrement payé son manquement. 

L’intimé a 28 ans d’expérience en assurance de personnes et n’a pas d’antécédent disciplinaire. Il a été en arrêt pour invalidité de février 2021 à décembre 2022. Il a par la suite effectué un retour progressif, mais en juin 2023, il s’est à nouveau absenté pour invalidité totale de juin à décembre 2023. Il était alors rattaché au cabinet de services financiers d’un assureur. L’intimé a perdu son emploi en août 2024. 

Il occupe désormais une nouvelle fonction dans un autre cabinet, mais comme courtier en assurance de dommages, constate le Portail de l’assurance en consultant le registre des inscriptions à l’Autorité des marchés financiers.

L’intimé explique que compte tenu de sa condition médicale, on lui recommande de couper l’utilisation des appareils électroniques. Il consulte peu son courriel personnel et après son retour au travail, l’enquêtrice continue à l’utiliser au lieu de lui écrire à son courriel professionnel. 

À la mi-avril 2024, l’enquêtrice laisse un message sur la boîte vocale au travail et à la maison. L’intimé allègue ne pas avoir pris connaissance des messages. Une correspondance écrite à son domicile est reçue par sa conjointe, mais ne produit pas plus de résultats. 

Le 2 mai 2024, l’enquêtrice réussit à parler à la directrice de l’agence où travaille l’intimé. L’employeur ne peut être informé de la nature de l’enquête, mais sa représentante informe son nouvel employé et veut connaître la nature de l’enquête. L’intimé lui explique sa compréhension de la situation et affirme ne pas être inquiet. 

Le contact 

Le 13 mai 2024, M. Douville parle enfin à l’enquêtrice. Comme il ne travaille plus chez le même assureur, il doit récupérer le dossier qui date de plusieurs années. Il affirme avoir numérisé le dossier et l’avoir transmis par courriel sécurisé le 30 mai 2024, mais la plainte est finalement déposée quelques jours plus tard.

L’intimé comprend alors que le transfert n’a pas fonctionné en raison du dossier trop volumineux pour un courriel. Il en fait une photocopie et il se rend le déposer à l’enquêtrice le 25 juin 2024. 

M. Douville dit n’avoir jamais refusé de répondre à l’enquêtrice. Son retour au travail était public et ses coordonnées professionnelles étaient inscrites à son dossier à l’Autorité. Il n’a pas pris connaissance des courriels de l’enquêtrice. Après le 15 avril 2024, l’enquêtrice savait qu’il était retourné au travail.

Le comité estime que le manquement commence le 29 mai 2024, et non pas le 12 janvier 2024. Lors de la reprise de l’audience le 19 novembre 2024, l’intimé n’a toujours pas été avisé de l’objet de la plainte et on ne lui a toujours pas demandé sa version des faits. 

« Le comité est conscient des obligations de confidentialité du syndic et respecte son travail. Cela étant dit, à moins que la demande d’enquête ne soit manifestement non fondée et que le syndic ne ferme son dossier, éventuellement, l’enquêtrice n’aura d’autres choix que de révéler au représentant la nature et la teneur des faits reprochés afin d’avoir sa version des faits pour compléter son enquête », précise le comité. 

L’intimé avait demandé à l’enquêtrice ce qu’il pouvait fournir comme information à son nouvel employeur et celle-ci s’était engagée à lui revenir après avoir vérifié auprès de la syndique adjointe, ce qu’elle n’a pas fait. 

M. Douville se demande pourquoi l’enquêtrice a contacté son nouvel employeur à deux reprises, alors que le dossier réclamé concerne le client d’un autre assureur. Quand il a pris connaissance de la plainte disciplinaire, le nouvel employeur met fin à l’emploi. 

L’intimé a déjà perdu un emploi bien rémunéré et les risques de récidive sont nuls. On ne sait rien de la gravité de l’infraction à l’origine de l’enquête et aucune plainte n’a été déposée à ce jour.

Compte tenu des circonstances de l’affaire, l’imposition d’une amende n’est pas adéquate et une réprimande est suffisante, estime le comité.