Des centaines de milliers de participants à des régimes de retraite au Canada sont considérés comme « disparus » par leurs régimes de retraite et leurs administrateurs. En Ontario seulement, 200 000 participants sont considérés comme disparus, laissant derrière eux 3,6 milliards de dollars en prestations non réclamées. 

« Environ la moitié de tous les régimes de retraite canadiens sont enregistrés en Ontario. Au total, les régimes enregistrés en Ontario comptent plus de 4,6 millions de participants. La question des participants disparus aux régimes de retraite est devenue une préoccupation importante pour le régulateur », déclarent les auteurs d’un nouveau rapport intitulé Missing Pension Plan Members in Canada, en faisant référence à l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF).

« Elle a commencé à collecter des données sur les participants disparus dans le cadre du processus de déclaration annuelle des informations, avec une déclaration obligatoire par tous les administrateurs de régimes à partir de 2021. » 

Protéger la confidentialité des données 

Le nouveau rapport détaillé de l’Institut national sur le vieillissement (NIA) explore trois solutions politiques au problème des participants disparus, en évaluant chaque option selon la probabilité qu’elle permette de réunir les membres disparus ou leurs successions avec les actifs non réclamés, tout en protégeant la confidentialité des données, en minimisant la charge administrative pour les administrateurs de régimes et en limitant l’impact sur le gouvernement.

Les participants disparus sont ceux qui ne peuvent être contactés par leurs administrateurs de régimes en raison de coordonnées périmées ou du décès du participant.

« Tous les pays disposant de systèmes de retraite privés sont confrontés à des défis liés aux participants disparus. Le rapport s’inspire des systèmes de retraite internationaux pour offrir une perspective plus large sur la résolution de ce problème. Cependant, l’accent est mis sur le Canada, où l’approche multijuridictionnelle en matière de réglementation des régimes de retraite présente des défis uniques », ajoute le NIA dans une déclaration concernant la publication du rapport.

Reproduire la solution d’un autre pays pourrait contrevenir aux réglementations sur la confidentialité et au partage des compétences du Canada en matière de réglementation, précise-t-on dans le rapport. 

Décrivant le problème, le rapport résume également les discussions que les chercheurs ont eues avec les régulateurs, les promoteurs de régimes, les institutions financières et les tiers administrateurs. 

Dossiers inadéquats 

« Du point de vue des administrateurs, il y a très peu d’intérêt à continuer à rechercher les membres disparus une fois que les efforts initiaux ont échoué. Les dossiers non résolus s’accumulent jusqu’à la liquidation du régime de retraite. À ce moment-là, les montants dus aux anciens participants doivent être réglés, quelle que soit leur importance. Certaines solutions réglementaires actuelles au Canada abordent la situation des liquidations de régimes, mais n’offrent aucun soutien ni incitation pour les régimes en cours », peut-on lire dans le rapport.

Dans le même temps, il a été signalé que des participants se sont vu refuser leurs prestations en raison de dossiers inadéquats. 

Au Canada également, chaque gouvernement dispose de ses propres réglementations régissant les régimes de retraite. Il n’existe pas de politique nationale unifiée, indique le rapport. « Plusieurs provinces ont créé des protocoles et des bases de données pour suivre les prestations non réclamées. Cependant, l’absence d’une approche pancanadienne standardisée pose des défis pour les individus et les administrateurs de régimes multijuridictionnels. » 

Trois options politiques 

Les trois options politiques distinctes proposées par le document incluent l’utilisation du programme de dépôts non réclamés du pays, la création d’un regroupement sectoriel ou la mise en place d’un tableau de bord géré par l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour les participants à des régimes de retraite. 

La solution du programme de dépôts non réclamés consisterait à élargir le programme actuel pour les dépôts bancaires non réclamés au Canada. « L’administrateur de régime déclarerait un membre comme disparu et fournirait le solde du compte ou la valeur de règlement ainsi que les conditions de prestation à la Banque du Canada », indiquent-ils.

« Les membres seraient réputés avoir reçu leurs prestations et deviendraient responsables des impôts sur celles-ci dès que le transfert a lieu. » Ils notent que cette option impose une charge administrative à la fois à l’ARC et à la Banque du Canada. 

Le plan de regroupement sectoriel implique la création d’une nouvelle entité parrainée par l’industrie pour détenir les fonds et administrer les prestations pour les membres disparus. « L’agence chercherait également activement les membres disparus et répondrait aux demandes de renseignements », écrivent-ils. 

Enfin, « le tableau de bord » est basé sur des exemples européens et australiens, dans lesquels l’ARC fournirait aux individus un accès à leur historique personnel d’accumulation de prestations de retraite. « Une autre agence, telle que Service Canada, pourrait être responsable de relier ces données aux administrateurs de régimes actuels », suggèrent-ils. 

Le rapport poursuit en examinant chaque proposition politique, en discutant des résultats pour les participants aux régimes, les administrateurs de régimes et les gouvernements. 

« L’aspect le plus important et problématique de toute option politique est le flux de données », indiquent-ils. « Les trois options reposent sur l’hypothèse que connecter les membres disparus à leurs pensions non réclamées est un exercice de correspondance de données », ajoutent-ils. « Cependant, les données personnelles sont sensibles, et leur partage ou leur intégration dans une base de données soulève des préoccupations en matière de confidentialité et de cybersécurité. » 

Défis actuels et approches existantes 

Au Canada, l’approche concernant les membres disparus est également caractérisée par des cadres distincts élaborés par les gouvernements fédéral et provinciaux. Cinq provinces ont créé des approches uniques. Les provinces diffèrent également dans leur définition du moment où les prestations de retraite sont considérées comme non réclamées. 

Les auteurs indiquent que l’absence d’une approche normalisée entre les provinces constitue un problème permanent. Ils ajoutent que les personnes employées par des entreprises nationales ont souvent du mal à déterminer quel régulateur est responsable de les aider. 

Notamment, ils mentionnent qu’en vertu de la législation fiscale fédérale canadienne, les régimes de retraite doivent être administrés « comme enregistrés ». 

« Les termes du régime doivent prévoir le début des pensions différées au plus tard l’année où une personne atteint l’âge de 71 ans. L’ARC a suggéré que les administrateurs peuvent se conformer à cette exigence pour les membres disparus en versant les prestations sur un compte en fiducie pour le membre ou en effectuant un paiement à la cour provinciale », écrivent-ils. « Il semble que l’ARC s’attend à ce que les administrateurs de régimes de retraite versent les prestations et retiennent et remettent les impôts lorsqu’ils sont dus, même si le membre est disparu. » 

Les auteurs affirment qu’il est évident que le problème n’a pas de solution parfaite. « Le rapport n’approuve aucune solution particulière, mais fournit un cadre pour la prise de décision », déclarent-ils.

« Différents experts et participants de l’industrie mettront sans doute l’accent sur une priorité différente et arriveront à des conclusions variées quant à l’approche qui répond le mieux à leurs objectifs. Espérons qu’ils comprendront que le défi pour l’ensemble de l’industrie est plus grand que leur principale source d’irritation et qu’ils coopéreront à des solutions qui servent tout le monde — en particulier les Canadiens qui passent à côté des pensions qui leur avaient été promises. »