Selon l’actuaire Bonnie-Jeanne MacDonald, le manque d’urgence à assurer la viabilité à long terme des fonds de pension et le nombre toujours plus élevé de personnes âgées en soins de longue durée dirigent de nombreux Canadiens vers une pente dangereuse.

« Il faut nous attendre à nous retrouver devant une réalité complètement différente en matière de retraite », a-t-elle déclaré le 10 novembre, prenant la parole comme directrice de la recherche sur la sécurité financière de l’Institut national sur le vieillissement de Toronto, à l’occasion d’une conférence internationale d’orientation intitulée Pioneering Pensions. 

Mme MacDonald signale qu’il est vrai que les gens ont tendance à moins dépenser lorsque leur santé décline, mais elle fait remarquer qu’un tel constat n’est pas nécessairement révélateur pour les experts. On sait en effet que bon nombre d’adultes forment une main-d’œuvre gratuite en s’occupant leurs parents — du moins pour l’instant.

Les dépenses absorbées par les familles 

« Ce n’est pas qu’il n’y a pas de dépenses, affirme Bonnie-Jeanne MacDonald. C’est simplement que les soins qui devraient coûter quelque chose sont assumés par la famille. Or, les données nous démontrent que ces soins non rémunérés ne seront pas donnés éternellement. » 

Elle ajoute que, pour la première fois dans l’histoire, un important groupe démographique — les baby-boomers — va passer à la retraite. Du coup, elle fait aussi remarquer que cette génération a non seulement une espérance de vie plus longue que toutes celles qui l’ont précédée, mais qu’elle est aussi la première à avoir un nombre relativement peu élevé d’enfants. Par conséquent, ceux qui s’intéressent aux retraités doivent tenir compte du fait que ce sont en réalité les enfants adultes — et non l’argent placé ou le gouvernement — qui prennent jusqu’à présent soin des personnes âgées. 

De façon générale, les spécialistes étudient le passé pour prévoir l’avenir ; toutefois, selon madame MacDonald, la donne a changé. En fait, on ne peut plus vraiment compter sur le fait que les enfants adultes s’occupent des parents âgés. Elle précise qu’environ 50 000 personnes âgées attendent actuellement une place en maison de retraite.

« Si le Canada poursuit sur sa lancée, le coût des soins de longue durée financés par l’État fera plus que tripler au cours des 30 prochaines années, passant d’environ 22 milliards de dollars à 71 milliards de dollars en dollars actuels. » 

De hauts niveaux de stress physique et émotionnel 

Au pays, des milliers de personnes âgées ont besoin d’aide à domicile pour accomplir diverses tâches comme prendre un bain ou aller à un rendez-vous. Mais les familles affichent déjà un niveau élevé de stress physique et émotionnel, et bon nombre d’entre elles trouvent la situation insoutenable, ajoute la conférencière.

« Le message que je veux faire passer, c’est que la problématique est déjà très lourde, au Canada comme aux États-Unis. Et la pression va probablement s’accentuer considérablement », estime-t-elle, en faisant remarquer que la COVID-19 a été la principale responsable des décès dans les maisons de retraite au Canada. 

Selon elle, il est temps d’investir de l’argent dans l’avenir. 

Notre problématique est particulièrement liée au fait qu’environ 80 % de la population canadienne n’a pas de régime de retraite au travail. De plus, de nombreux Canadiens ont choisi de retirer leurs prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) et de la Sécurité de la vieillesse (SV) plus tôt que prévu, ce qui laisse beaucoup d’entre eux dans une situation financière précaire lorsqu’ils avancent en âge, explique Mme MacDonald. 

Attendre avant de prendre le RPC 

Selon elle, la meilleure solution consiste à encourager les personnes qui sont encore sur le marché du travail ou qui n’ont pas besoin de l’aide gouvernementale procurée par le RPC ou la SV à attendre d’avoir 70 ans. Ce faisant, elles recevront 8,4 % de plus par année de non-perception de la RPC, ce qui leur donnera une prestation pouvant être majorée jusqu’à 42 %. Après 70 ans, il n’y a aucun incitatif à retarder la perception des prestations du RPC.

La plupart de nos personnes âgées sont au courant de la situation, et pourtant le gouvernement ne semble pas pressé d’y remédier, s’étonne madame MacDonald.

Elle ajoute que les conseillers doivent mieux expliquer à leurs clients comment ces prestations peuvent leur profiter. À l’heure actuelle, au lieu de dire à leurs clients les mieux nantis d’attendre d’avoir 70 ans pour toucher leur pension du gouvernement, ils les encouragent bien souvent à la prendre plus tôt.

« On se retrouve finalement à amener les gens à faire un pari sur leur espérance de vie… et on les pousse ainsi à vouloir éviter de perdre des gains à court terme, au lieu de les aider à comprendre que cette décision a aussi des répercussions à long terme. »