Après avoir flirté avec les 60 ans dans les années 90, l’âge moyen du départ à la retraite au Canada est presque revenu à son niveau de 1976, révèlent les données de Statistique Canada qui accompagnent ce complément au magazine. Les données complètes sont accessibles par l’entremise de votre abonnement au Niveau Exécutif du Portail de l’assurance.
Selon ces données, l’âge moyen du départ à la retraite des Canadiens a été de 64,6 ans en 2022, soit les données les plus récentes présentées par Statistique Canada (Décaisser l’épargne d’une vie : jamais sans mon conseiller, Journal de l’assurance d’octobre 2023, pp. 30-35). En 1976, l’âge moyen du départ à la retraite des Canadiens était de 64,9 ans.
Les femmes sont en moyenne parties à la retraite à 63,6 ans, comparativement à 63,9 ans en 1976. La situation des hommes se distingue. Ils partent maintenant plus tard à la retraite, soit à 65,5 ans en 2022, comparativement à 65,3 ans en 1976.
Les travailleurs du secteur public sont pour leur part partis à la retraite à 62,7 ans en moyenne, comparativement à 63,5 ans en 1976. Quant aux travailleurs du secteur privé, ils sont partis en moyenne à 64,7 ans, comparativement à 65 ans en 1976. Enfin, les travailleurs autonomes partent aussi plus tard que jamais. Ils ont pris en moyenne leur retraite à 68,4 ans 2022, comparativement à 66,4 ans en 1976.
Un creux en 1998
À partir de 1976, la première année pour laquelle Statistique Canada présente des données, l’âge moyen du départ à la retraite a diminué constamment, jusqu’à atteindre un creux de 60,9 ans en 1998 chez les Canadiens. En moyenne, les femmes partaient alors le plus tôt, soit à 59,8 ans. Les hommes partaient en moyenne à 61,6 ans.
Dans ce creux de 1998, ce sont les employés du secteur public qui partaient en moyenne le plus tôt à la retraite, soit à 57,8 ans. Ceux du secteur privé partaient à 61,6 ans et les travailleurs autonomes à 65,4 ans.
À partir de ce creux, l’âge moyen à la retraite s’est mis à remonter constamment.
Nostalgie
À l’époque des années 70, la baisse de l’âge moyen du départ à la retraite était un phénomène nouveau, et rien ne laissait présager un retour en arrière. Dans un texte de Statistique Canada paru dans le bulletin Perspective de l’été 1997, le graphique d’une courbe descendant sans interruption de 1976 à 1995 porte le titre Les retraités sont plus jeunes que jamais.
Entre 1986 et 1993, l’âge médian de la retraite a baissé plus ou moins régulièrement, peut-on lire dans le texte intitulé L’âge de la retraite et l’estimation statistique. Statistique Canada attribue la brusque chute de l’âge moyen en 1987 au fait que, cette année-là, l’âge minimal pour retirer les prestations du Régime de pensions du Canada est passé de 65 à 60 ans.
Après 1988, la tendance à prendre une retraite anticipée a repris de plus belle, dit Statistique Canada. « Dans les années 90, l’âge de la retraite a fluctué, probablement à cause de facteurs tels que les compressions budgétaires de l’État et la réduction des effectifs des entreprises. La popularité des programmes d’encouragement à la retraite anticipée comme outil de réaménagement des effectifs peut également avoir exercé une influence sur la tendance récente en matière de retraite », selon le texte.
Des explications à la hausse ?
Retarder le départ à la retraite est dans l’air du temps. Dans les dernières années, plusieurs voix se sont élevées pour appeler les futurs retraités à ne pas sous-estimer le risque de survivre à leurs économies. Les actuaires spécialisés en régimes de retraite appellent ce danger le risque de longévité.
Or, les gens sous-estiment globalement la durée de leur vie de 4,7 ans, révèle l’Enquête sur la perception de la longévité, du mode de vie et de la retraite de Club Vita. Les femmes sous-estiment la durée de leur vie de 6,1 ans, et les hommes de 2,5 ans. Publiée en 2022, l’enquête a été réalisée auprès de 3 000 personnes âgées de 40 à 60 ans, dont 1 000 au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Communauté internationale de l’industrie des régimes de retraite, Club Vita regroupe 400 régimes de retraite, 7 firmes de services-conseils en matière de régime de retraite et 25 assureurs et réassureurs.
Actuaires mobilisés
Au Canada, les actuaires ont pris une position motivée en grande partie par le risque de longévité. Dans un énoncé public d’avril 2019, l’Institut canadien des actuaires (ICA) a conseillé aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de faire passer l’âge à la retraite de 65 à 67 ans dans les régimes publics, dont le Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Régime de rentes du Québec (RRQ).
Dans ce document intitulé Une retraite reportée pour des prestations plus élevées : adapter les programmes de retraite d’aujourd’hui aux réalités de demain, les actuaires souhaitaient également voir repousser l’âge limite du début des versements d’un régime enregistré d'épargne-retraite (REER) ou d’un régime de l’employeur de 71 ans à 75 ans. Il demandait aussi de faire passer l’âge minimal de l’admissibilité à la retraite de 60 à 62 ans sur une période de sept ans.
Le 8 février 2023, l’ICA a réitéré ses recommandations à l’occasion de la Consultation publique sur le Régime de rentes du Québec. Dans son commentaire, Hélène Pouliot, présidente de l’Institut canadien des actuaires, a justifié la position de l’ICA par la hausse de la participation au travail des plus âgés, l’augmentation de l’espérance de vie et un besoin grandissant de main-d’œuvre.
Encore l’inflation
Ancien président de l’ICA qui a dirigé le groupe d’experts de l’Institut ayant fait une présentation à l’audience publique sur le RRQ, Michel St-Germain a quant à lui déclaré que le RRQ doit s’adapter aux changements dans le travail des personnes plus âgées. « La prochaine génération d’aînés et d’aînées cessera de travailler beaucoup plus progressivement et au-delà de 65 ans. Il faut encourager les gens à toucher une rente plus élevée à un âge plus avancé pour être mieux protégés contre les risques d’investissement, d’inflation et de longévité », a ajouté M. St-Germain.
En 2020, l’ICA a publié un sondage sur les risques liés à la retraite selon lequel la COVID-19 avait eu une incidence sur la date de départ à la retraite de 23 % des Canadiens non retraités. Parmi ces Canadiens, 69 % s’attendaient qu’eux-mêmes ou leur conjoint travaillent plus longtemps que prévu parce qu’ils ont besoin d’argent.
Actuellement, la crainte d’une récession économique et l’inflation élevée pourraient contrecarrer les plans de retraite de plusieurs. Selon les plus récentes statistiques de la Banque du Canada, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation global s’est établie à 3,8 %. Ce taux est toutefois en baisse par rapport à l’inflation de 4,0 % mesurée en août.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'octobre 2023 du Journal de l'assurance.