L’industrie de l’assurance estime que toute réforme du système d’assurance médicaments au Canada doit reposer sur trois grands objectifs :

1) Protéger et améliorer les régimes d’assurance collective privés en place, car ils offrent aux Canadiens plus de choix et une protection plus étendue que les régimes publics

En plus des médicaments d’ordonnance, ces régimes collectifs assurent à leurs bénéficiaires diverses autres couvertures comme les soins de la vue, les soins dentaires, les ressources en santé mentale et de nombreux autres services.

2) Instaurer l’assurance médicaments pour tous

Tous les Canadiens doivent être couverts et avoir accès aux médicaments qui leur sont prescrits, convient l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). Les gouvernements devraient dresser la liste des médicaments qui devraient être couverts pour tous, soit par l’intermédiaire du régime d’assurance de l’employeur pour ceux qui en ont un, soit par l’État, pour ceux qui n’en ont pas. Cette liste fondée sur des observations scientifiques comprendrait les médicaments couteux et les médicaments pour les maladies rares.

3) Garantir des prix abordables pour les consommateurs et les contribuables

Deux visions différentes d’un régime national d’assurance médicaments s’affrontent. Dans la première, les gouvernements « nationalisent » l’assurance médicaments et paient directement tous les médicaments au premier dollar. La seconde, véhiculée par l’industrie de l’assurance, consiste à entreprendre une réforme structurelle du système hybride actuel. Selon les assureurs, la réforme du modèle d’assurance médicaments public-privé actuel réduirait au minimum l’impact financier global sur les gouvernements et aurait le potentiel de régler les problèmes auxquels font face les régimes actuels.

Hausse et intérêt envers des régimes privés

Certains ont l’impression que l’accès un régime d’assurances privées est en baisse au Canada. Les faits contredisent cette perception, dit l’ACCAP. Le nombre de Canadiens couverts par un régime d’assurance au travail a augmenté au cours des 10 dernières années, passant de 71 % à 79 %.

Non seulement le nombre d’assurés serait en hausse, mais l’attachement envers leur régime est extrêmement élevé. Selon un sondage mené auprès de 3 000 Canadiens par Abacus Data en 2018, 87 % des gens sondés ont affirmé qu’ils accordent beaucoup ou énormément d’importance à leur régime d’assurance collective. En outre, toujours selon ce sondage, 66 % des employés ont indiqué qu’ils quitteraient probablement ou assurément leur employeur s’il mettait fin aux garanties d’assurance maladie complémentaire.

Outil de vente pour les employeurs et les syndicats

Les régimes d’assurance collectifs représentent également un outil d’attraction et de vente importante pour les entreprises quand elles recherchent des employés. Attirer et fidéliser les employés, puisque les assurances collectives sont un élément important de la rémunération totale. Des employeurs s’en servent pour donner aux employés accès à des médicaments qui ne figurent pas sur les listes publiques et du soutien pour les problèmes de santé mentale, qui forme la plus importante cause d’invalidité au Canada.

Ils s’en servent également pour maintenir les employés en bonne santé, réduire les absences et les blessures, améliorer la productivité, accroitre le taux de satisfaction du personnel et comme atout majeur dans la négociation des conventions collectives. Même dans le milieu syndical québécois, on admet que les couvertures offertes par les régimes d’assurance collectifs servent de cartes de vente en période de maraudage pour attirer des syndiqués appartenant à une unité syndicale vers un autre syndicat.

Ce qui se passe en Ontario

Un sondage mené en Ontario en 2018 a révélé les deux tiers des employeurs estime que les gouvernements devraient soutenir les régimes d’assurance collective au travail. Toutefois, à la grande inquiétude des assureurs, 30 % des employeurs sondés ont indiqué qu’ils remettraient en question le régime d’assurance collective si l’État offrait l’assurance médicaments, ce qui fait dire à l’industrie de l’assurance que l’instauration d’un modèle d’assurance médicaments à payeur unique géré par l’État pourrait mettre en péril l’accès des particuliers aux autres ressources en santé.

D’après les recherches réalisées par le Canadian Health Policy Institute, des 479 nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada entre 2008 et 2017, 87 % étaient couverts par au moins un régime privé contre 45 % couvert par au moins un régime public. En outre, les régimes privés prennent moins de temps à offrir les nouveaux médicaments. La même étude a révélé qu’en moyenne les régimes privés offrent les nouveaux médicaments dans un délai de 142 jours, contre 449 jours pour les régimes d’assurance médicaments publics.

Plus de 7,7 millions de Canadiens prennent des médicaments qui ne sont pas couverts par le régime d’assurance médicaments de leur province, souligne l’ACCAP. Si l’on « nationalise » l’assurance médicaments, ces personnes pourraient perdre l’accès aux médicaments dont elles ont besoin, anticipe l’Association. Une affirmation qu’elle fait même si elle ne peut pas savoir à l’avance quels médicaments seraient couverts ou pas par un régime national public et universel ou par les provinces. Mais dans l’immédiat au Québec, selon ses chiffres, 19,6 % des gens prennent un médicament qui ne se trouve pas sur la liste du régime public.

D’après l’Association, les personnes qui seraient les plus lourdement touchées par la transformation du régime actuel au profit d’un régime unique public et universel sont celles qui souffrent de dépression, de cancer, de diabète et de problèmes de douleur. Au total, dit-elle, le fait de forcer tous les citoyens à adhérer au régime public pourrait entrainer le retrait de plus de 1 milliard de dollars en médicaments qui sont actuellement remboursés par le système.

Protéger et améliorer les régimes en place

En définitive, l’ACCAP estime que toute réforme de l’assurance médicaments doit protéger et améliorer les régimes d’assurance en place et garantir une couverture d’assurance médicaments pour tous et le faire sans imposer de couts supplémentaires aux contribuables ni aux employeurs. L’association se dit prête à collaborer avec le gouvernement du Québec pour réduire les couts des médicaments. De quelle manière ? En changeant la façon dont sont négociés les prix des médicaments sur ordonnance et en faisant des alliances stratégiques lors des négociations, dit Lyne Duhaime, présidente d’ACCAP-Québec.

« Les régimes publics et privés doivent collaborer pour négocier un prix unique, souhaite la présidente de l’ACCAP-Québec. Peu importe l’approche choisie, il est important que le gouvernement ou les syndicats travaillent de concert avec les assureurs du secteur privé pour faire en sorte que tous les Québécois aient accès aux médicaments dont ils ont besoin et pour régler la question des couts relativement élevés auxquels ils font face. »


Le cout des médicaments : un fardeau constant  
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Le cout des médicaments