« Quand on se trouve devant une personne, un couple ou une famille qui a de l'argent, il faut se dire qu'ils ont travaillé fort pour le gagner. »

C'est ce qu'affirme David Salloum, planificateur financier agréé à la RBC Dominion valeurs mobilières d'Edmonton. Conscients du temps et des efforts nécessaires pour accumuler une certaine richesse, ses clients bien nantis ont tendance à agir de façon prudente en matière de placements, dit-il. C'est plus le "remboursement de capital" que le "rendement du capital" qui les intéresse. »

Lorsqu'il compose le portefeuille de tels clients, M. Salloum s'assure que celui-ci leur permet de dormir sur leurs deux oreilles et qu'ils sont à l'aise avec la brochette de produits qu'il leur a concoctée. Une personne qui investit exclusivement sur le marché boursier a peut-être un meilleur gain potentiel, mais elle s'expose aussi à de plus grands risques. D'un autre côté, celle qui se contente d'acheter des CPG est tributaire des taux d'intérêt et de l'inflation.

Il propose d'ailleurs une règle d'or toute simple à cet effet : il faut répartir les produits prudents et à revenu fixe (comme des obligations et des CPG) qui composent un portefeuille selon un pourcentage correspondant à l'âge de l'investisseur. Ainsi, le client de 60 ans ne devrait consacrer que 40 % aux actions : « L'idée, c'est de s'exposer de moins en moins aux fluctuations du marché au fur et à mesure que l'on approche de la retraite. »

On peut toutefois faire moins de place aux produits à revenu fixe si le client dispose d'autres sources de revenus de retraite garanti, comme une pension à prestations déterminées. Le montant en dollars de la réduction est alors calculé en fonction de la valeur actuelle des rentrées à venir.

Anthony Delabbio, planificateur financier agréé et conseiller financier principal aux Placements Manuvie à Sudbury, estime que les clients bien nantis doivent absolument disposer de produits gérés ou discrétionnaires. « Les clients bien nantis surveillent généralement les frais de près et exigent d'avoir accès à une plus grande diversité de produits, notamment du côté des actions et des obligations », dit-il.

Pour être concurrentiel sur ce marché, le conseiller qui ne serait habilité qu'à proposer des fonds d'investissement devrait voir s'il pourrait diminuer les frais en profitant des réductions consenties par certaines sociétés aux comptes d'envergure. « Les fonds d'investissement proposés au consommateur sont assortis de frais qui conviennent aux petits investisseurs. Les clients bien nantis achètent en grandes quantités et exigent ainsi un meilleur prix. »

Selon lui, les investisseurs fortunés aiment aussi qu'on leur donne des conseils honnêtes et directs. Il leur faut ainsi des conseillers assez solides pour tenir à leurs convictions. « On a tort de croire que le conseiller doit déjà avoir des clients bien nantis pour susciter leur intérêt. Ça marche plutôt dans l'autre sens, fait remarquer M. Delabbio. Bon nombre de riches investisseurs en ont marre qu'on fasse des détours. Ils veulent des faits. Si quelqu'un - que ce soit nous ou eux - a commis une erreur, ils tiennent à le savoir. Lorsqu'un placement va mal, ils veulent qu'on leur dise la vérité, sans fard. »

Minimisation des impôts

M. Salloum ajoute que la minimisation des impôts occupe aussi une place très importante parmi les priorités de l'investisseur bien nanti. Comme le revenu en intérêts est imposé au taux le plus élevé, il faut souvent organiser les portefeuilles des clients de manière à ce qu'un maximum de placements à revenu fixe soit à l'abri dans un REER. Le reste des actions est alors maintenu dans le compte non enregistré, puisque les gains en capital et les dividendes sont imposés à taux moindre. Le client intéressé à disposer d'entrées d'argent régulières et présentant une bonne efficience fiscale sera très intéressé par cette formule.

Pour les clients aisés qui auraient épuisé leurs contributions à des REER, l'assurance vie universelle figure parmi les façons de cumuler des actifs tout en différant l'impôt en période active et ensuite accéder à un revenu imposé à un taux moindre une fois à la retraite.

Parfois désignée en tant que « régime de retraite géré par un assureur », cette stratégie amène à payer les primes maximales d'une police de vie universelle non imposable. Toute somme non utilisée pour payer l'assurance est investie dans des fonds parallèles disponibles, et les gains s'accumulent à l'abri de l'impôt tant qu'ils sont maintenus dans la police.

À sa retraite, le titulaire utilise sa police d'assurance vie universelle en garantie d'un prêt bancaire. Comme une telle utilisation d'assurance vie ne constitue pas pour autant une disposition présumée de la police, les fonds transmis par la banque ne sont pas imposés. Au décès, l'indemnité versée par l'assurance permet de rembourser le prêt bancaire.

Glenn Stephens, avocat du Groupe financier PPI de Toronto et auteur de Estate Planning with Life Insurance, affirme que ce type de stratégie à effet de levier n'est plus aussi intéressant qu'avant. « Elle a eu un succès fou dans les années 1990, mais on s'y intéresse moins, de nos jours », dit-il.

Il signale que, à la suite de divers changements, les polices d'assurance sont devenues de moins bons outils de capitalisation. Les taux d'intérêt ont beaucoup baissé, comme les taux d'imposition personnels. Il ajoute que, il y a 15 ans, le taux d'imposition marginal pouvait être de plus de 50 %, et le taux d'inclusion des gains en capital pouvait monter jusqu'à 75 %. Or, étant donné que le taux d'imposition des particuliers a diminué, les abris fiscaux comme l'assurance vie universelle affichent un moins bon rendement relatif. « Pour ma part, je ne recommanderais pas de recourir à l'assurance vie universelle comme abri fiscal, à moins que le client ait justement besoin d'avoir plus d'assurances, dit M. Stephens. Dans ce cas, la capitalisation ainsi obtenue constitue un avantage additionnel. »