L’enjeu de la rareté de la main-d’œuvre arrive au sommet de la liste des préoccupations des courtiers membres du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), selon Éric Manseau, directeur général du Regroupement. Quelque 44 % d’entre eux ciblent ce problème en premier lieu, tandis que 30 % le qualifient de préoccupation majeure.
La technologie permettra de résoudre certains problèmes de productivité liés aux difficultés de recrutement de personnel qualifié, selon Jean-François Béliveau, premier vice-président Québec de Northbridge Assurance. « Quand j’ai commencé en souscription, j’avais comme outil de travail un crayon HB. Aujourd’hui, j’ai un écran HD », dit-il.
L’assureur améliore la connectivité de ses plateformes et poursuit ses efforts en formation du personnel. En matière de rétention, l’industrie a des avantages, dit-il en citant le président de la Coalition pour une relève en assurance de dommages, Robert LaGarde, venu faire une présentation aux courtiers en préambule du panel des assureurs.
« On tombe dans l’industrie par accident, et comme disait M. LaGarde, on y reste par amour. C’est ce qui m’est arrivé », ajoute M. Béliveau.
À l’abri des cycles
De son côté, Yves Gagnon, chef de l’exploitation de L’Unique et d’Unica, souligne que la forte croissance des affaires oblige l’assureur à recruter de nouveaux employés. Le taux de rétention est très bon, mais « je ne peux en demander plus à mes équipes. Il faut recruter », dit-il. Et en souscription, particulièrement en assurance des entreprises, il y a de nombreux postes à pourvoir.
« Ça affecte la qualité du service et ça met une pression supplémentaire sur nos ressources à l’interne. Ça diminue leur qualité de vie, et il faut être très attentif à ça », explique M. Gagnon. Il recommande de surveiller l’anxiété et la détresse chez les employés, particulièrement ceux qui vivent difficilement la transition vers le télétravail.
Tous les intervenants de l’industrie ont leur rôle à jouer pour projeter une image attrayante des métiers et des carrières en assurance de dommages. « Nous avons de bons emplois bien rémunérés. L’assurance est à l’abri des cycles économiques, ça n’est pas banal », insiste-t-il.
M. Gagnon cite en exemple des secteurs comme l’industrie pétrolière, l’automobile ou l’aéronautique, où les gens qui croyaient avoir des emplois garantis à vie ont vu leur confiance être sérieusement ébranlée ces dernières années.
Il faut encourager les gens à se former afin de progresser dans leur carrière au sein même de l’entreprise, suggère Yves Gagnon. « Il faut les mobiliser de manière constante, c’est comme ça qu’on parvient à obtenir la croissance que nous affichons », dit-il.
Si l’industrie ne devient pas plus attrayante, elle prendra du retard sur les secteurs d’activité où les conditions sont meilleures. « On a tout ce qu’il faut. Il faut vendre notre industrie, la mousser. Il faut faire attention à tous les détails si on veut faire mieux en matière de rétention et de recrutement des talents. Si on ne le fait pas, on est dans le trouble », ajoute M. Gagnon.
Changement de paradigme
Les assureurs doivent soigner leur image de marque, selon Guy Lecours, vice-président principal de Promutuel Assurance, mais ça ne suffit pas toujours. La rareté de la main-d’œuvre force même les entreprises à revoir leur plan stratégique, en raison de ce changement de paradigme.
« Tu fais un plan stratégique, avec des objectifs et des moyens, tu demandes un budget, et tu dis à ton monde de trouver les ressources pour faire le boulot. Si on ne les trouve pas, on appelle un consultant. Ça marchait, mais plus maintenant. Si tu as le budget sans avoir les ressources, et même en faisant toutes les petites choses dont Yves vient de parler, ça se peut que tu ne les trouves pas », explique M. Lecours.
Il faut désormais planifier avec les capacités qu’on a, et non pas celles qu’on voudrait avoir. « On ne peut plus se permettre de gaspiller des ressources en les faisant travailler à mauvais escient », ajoute-t-il. Les projets doivent être payants et tous les employés doivent travailler sur des choses qui apportent de la valeur.
Même en travaillant sur la marque, le recrutement dans tous les métiers est difficile, que ce soit dans l’actuariat, les finances, le marketing ou les technologies de l’information. L’ensemble de l’industrie doit relever ce défi. « Si on n’a pas la main-d’œuvre, ça finit par affecter le service et débouler sur vous », lance M. Lecours aux courtiers.
Avantage sur les directs
Jean-François Desautels, premier vice-président, Québec et distribution numérique chez Intact Assurance, souligne les efforts de l’équipe de Robert LaGarde qui accomplit beaucoup de choses « malgré le budget qu’ils ont », dit-il en rappelant qu’il siège au conseil d’administration de la Coalition.
Il est aussi coprésident de la Fondation du cégep du Vieux Montréal où de nombreux étudiants en assurance suivent leur formation. Les assureurs à courtage ont un avantage à cet égard sur les assureurs directs, selon M. Desautels.
« On m’a rapporté que les diplômés du collégial qui travaillent au centre d’appels d’un assureur direct sont déçus. Ils pensaient qu’ils allaient aider les gens, visiter les clients, etc., et ils déchantent assez vite », raconte-t-il.
Jean-François Desautels a saisi l’occasion de se rendre au cégep pour expliquer le travail du courtier en assurance de dommages, le travail dans une communauté et la proximité avec les entrepreneurs. L’assurance est un milieu très stimulant, mais le télétravail pose de nombreux défis, selon M. Desautels.
« On a des milliers de personnes qui n’ont jamais mis les pieds au bureau. On commence à voir des enjeux de productivité. La courbe d’apprentissage est trop longue lorsque les gens ne sont pas accompagnés », dit-il.
En améliorant la connectivité grâce à la transition numérique, cela permet d’éviter aux gens de ne pas avoir à répéter les mêmes questions, d’être plus productifs et « ça devient cool de travailler dans le courtage d’assurance », conclut M. Desautels.