Près de quatre courtiers sur cinq ont déjà déployé leur plateforme numérique ou prévoient de le faire sous peu, selon le sondage du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ). Les assureurs doivent continuer de les appuyer pour améliorer leur efficacité, indiquent les hauts dirigeants au panel du 25 novembre dernier.
Chez Promutuel Assurance, la transition est déjà bien entamée, selon Guy Lecours, vice-président principal. Les logiciels de Guidewire ont déjà été implantés il y a quelques années. Une fois installés, ces logiciels n’ont pas une très longue durée de vie, et il faut mettre à jour la version suivante. « C’est compliqué, alors parfois, on saute une version, tous les assureurs le font », dit-il.
Le fournisseur continue de développer des fonctionnalités avec d’autres assureurs et d’autres industries. En 2022 chez Promutuel, on adoptera la plateforme d’infonuagique de Guidewire, ce qui permettra des améliorations en continu. La plateforme de facturation sera aussi modernisée en 2022.
M. Lecours rappelle que Promutuel a aussi un volume comme assureur direct. Il promet que les fonctionnalités utilisées dans ce marché, notamment pour l’échange de documents, seront accessibles aux courtiers qui lui soumettent des propositions en assurance des particuliers. « Ça ne sera pas prêt demain matin, mais on a pris cet engagement pour le futur », dit-il.
Infonuagique
Chez Wawanesa Assurance, on vient aussi de migrer vers la plateforme d’infonuagique de Guidewire, indique Louise Rivet, directrice du développement des affaires. L’assureur veut être plus agile et rapide dans la réponse aux demandes des courtiers.
Wawanesa collabore depuis des années avec l’Association des courtiers d’assurance du Canada, aussi connue sous le vocable anglais IBAC, sur un projet de partage de données. Les interfaces de programmation d’application (API) pour les produits d’assurance des particuliers sont désormais disponibles pour les systèmes de gestion de courtage (BMS) des courtiers.
« Notre vision à long terme est d’abandonner les portails pour que les courtiers puissent transiger directement avec nous par leur BMS », dit-elle.
Mme Rivet dit espérer que les autres assureurs feront de même en utilisant des API qui peuvent être communes et utilisables par tous les courtiers. Pour l’assurance des entreprises, de nouvelles API seront bientôt lancées, encore une fois pour faciliter la connectivité avec les courtiers.
Wawanesa intégrera aussi les logiciels développés par Trufla, une assurtech qui fera bientôt son entrée au Québec, afin de faciliter les échanges avec les courtiers.
Parts de marché
Yves Gagnon, chef de l’exploitation de L’Unique et d’Unica, se réjouit de voir l’attrait de la transition numérique dans le courtage, car les clients qui utilisent ce mode de distribution ne doivent pas être moins bien servis que ceux qui achètent leur produit auprès d’un assureur direct. « Si le courtage ne fait pas ce virage, on perdra des parts de marché », dit-il.
La position de son entreprise reste la même : la transition numérique doit se faire par l’entremise de la plateforme du courtier, et non pas par l’espace client de l’assureur. Il faut éviter que le client qui a plusieurs biens à assurer chez des assureurs différents soit forcé de créer son profil d’utilisateur chez chacun d’eux. « Ce n’est pas ça, une belle expérience client », dit-il.
Comme le courtier aide souvent son client à changer d’assureur, il doit l’assister pour sa connexion sur la plateforme du nouvel assureur. Cela enlève la valeur ajoutée associée au courtage qui permet de concentrer ses besoins d’assurance au même endroit.
« Notre job, c’est de pousser tous les outils dont le courtier a besoin pour alimenter son espace client », insiste M. Gagnon. Des courtiers le font déjà et offrent une plateforme qui est d’excellente qualité.
Du chemin à parcourir
Chez Intact Assurance, on dépense 100 M$ par année depuis deux ans, et ça sera encore le cas en 2022, pour faciliter la transition numérique, souligne Jean-François Desautels, premier vice-président, Québec et distribution numérique.
Il dit comprendre les inquiétudes des courtiers qui voient les assurés utiliser l’espace client des assureurs. « On doit ajouter les outils de base pour faire cette connectivité avec les cabinets », reconnaît-il. L’assureur y travaille pour améliorer cette connectivité avec les courtiers.
L’assureur n’a pas le choix, car c’est dans ce créneau que les « perturbateurs » de l’assurance feront des gains en envahissant la distribution. « La capitalisation, la souscription, c’est compliqué. Mais la distribution en mode numérique, c’est là qu’ils vont frapper », ajoute M. Desautels.
La télématique en assurance automobile est déjà utilisée pour la moitié des clients d’Intact. « Les véhicules électriques, ce sont des machines à collecter des données », note-t-il.
Il ne faut pas laisser ce créneau aux constructeurs, car ils arriveront à offrir leur propre assurance et à intégrer la protection dans le coût de location du véhicule. « Volvo le fait déjà, c’est une menace concrète », dit-il.
Selon Jean-François Béliveau, premier vice-président Québec de Northbridge Assurance, toute l’industrie a pris conscience de la nécessité d’accélérer la transition numérique. « Le délestage des vieux systèmes est un enjeu pour tout le monde », dit-il.
La migration vers les nouvelles plateformes est en train de se concrétiser. M. Béliveau rappelle qu’en 2015, Northbridge a été le premier assureur à faire certifier sa police électronique selon les normes du CSIO. « Ça fait quand même 20 ans qu’on parle de la nécessité de la connectivité en assurance des entreprises. Là, je pense qu’on y arrive grâce à l’évolution des technologies », dit-il.
D’ici la fin de 2021, avec le système Policy Works d’Applied, le transfert des données pourra se faire à partir du BMS du courtier. Les tests ont été réalisés pour les deux premières étapes du processus, et la troisième étape est en cours de finalisation. Quand ça sera fait, on pourra parler de connectivité, indique M. Béliveau.