Le 3 juin dernier, après avoir reconnu sa culpabilité aux huit chefs de la plainte amendée, le courtier Alain Jasmin (certificat no 116 991) a été condamné à six mois de radiation temporaire et à une amende de 2 000 $ par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages.

L’intimé, qui se représentait seul, est inactif et sans mode d’exercice. La radiation deviendra exécutoire à la remise en vigueur de son certificat, laquelle entrainera la publication de l’avis de radiation. L’intimé est condamné au paiement des déboursés et on lui accorde cinq mois pour payer les sommes dues par versements mensuels égaux et consécutifs.

Pour le boni

Le dossier de l’intimé comptait 11 chefs d’accusation et la plaignante en a retiré trois au début de l’audience.

L’intimé était l’un des actionnaires du cabinet de courtage en assurance de dommages Renaud & Fils. En décembre 2018, il constate qu’à défaut de faire émettre un certain nombre de contrats d’assurance auprès d’Intact Compagnie d’assurance avant la fin de l’année civile, le cabinet ne recevra pas le boni de performance annuel. Ce boni était estimé à 21 000 $.

Du 10 au 21 décembre 2019, M. Jasmin a fait émettre huit contrats d’assurance habitation ou automobile auprès de l’assureur. Les 8 contrats ont par la suite été résiliés du 14 au 21 janvier 2019.

Les huit chefs retenus sont en contravention avec l’article 27 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Le comité prononce l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées au soutien de la plainte.

La sanction a été l’objet d’une recommandation commune. La première infraction est punie par une amende de 2 000 $, et les sept suivantes sont sanctionnées par la même peine de radiation temporaire de six mois. Les peines seront purgées de façon concurrente. La publication de l’avis disciplinaire ne sera faite que si l’intimé demande la remise en vigueur de son certificat.

Enquête de l’assureur

Le 5 juin 2019, après avoir remarqué un nombre anormalement élevé de contrats émis en décembre 2018 et résiliés en janvier 2019, des représentants de l’assureur ont rencontré François Bellefeuille, l’associé de M. Jasmin, pour dénoncer la situation. Cinq semaines plus tard, l’assureur exige la rupture des liens d’affaires entre MM. Bellefeuille et Jasmin. C’est M. Bellefeuille qui a dénoncé les infractions à l’Autorité des marchés financiers.

L’intimé n’a pas renouvelé son certificat et n’a pas l’intention de revenir à la pratique. La plaignante souligne que chacun des chefs méritait une amende de 2 000 $, mais en application du principe de la globalité des sanctions, les parties ont soumis cette recommandation commune.

Concernant ce principe, le comité rappelle un jugement récent de la Cour du Québec dans la cause Gingras c. Pluviose. Le juge Choquette suggère, au moment de pondérer les amendes en raison du principe de la globalité, de débuter par l’imposition d’une amende sur le premier chef, suivi d’une réprimande sur les autres chefs.

Changement d’attitude

Le comité a tenu compte du changement positif d’attitude de l’intimé, celui-ci étant passé d’un comportement de contestation à un comportement de collaboration avec le système disciplinaire. Le comité a eu à produire une décision, le 4 janvier 2021, concernant le déroulement de l’instruction de la plainte disciplinaire.

Alors que la représentante du syndic, Me Marie-Josée Belhumeur, estimait que l’audition devrait prendre trois jours, l’intimé considérait étirer les débats sur 12 jours en faisant venir un nombre élevé de témoins. De plus, malgré le contexte des mesures sanitaires imposé par la pandémie de la COVID-19, l’intimé exigeait la tenue de l’audition en personne, et non en visioconférence. Selon lui, la suggestion de scinder l’audition en séances de deux à trois jours brimait son droit à une défense pleine et entière. L’intimé était d’ailleurs accompagné par deux avocats lors de cette première audience.

Le président du comité, Patrick de Niverville, siégeait seul lors de l’audience tenue le 22 décembre 2020, par conférence téléphonique. Dans la décision du 4 janvier, le comité rappelle que l’audition de la plainte doit commencer dans un délai de 120 jours de la signification de la plainte, à moins de circonstances particulières. La crise sanitaire oblige les parties à faire des concessions et des ajustements. En l’absence du consentement explicite de l’intimé à tenir les auditions à partir d’une plateforme électronique, le président a décidé de l’imposer, comme le lui permet le décret gouvernemental adopté le 10 juin 2020 et qui a été renouvelé le 16 décembre 2020.

« Le droit disciplinaire est un droit sui generis qui est original et qui tire ses règles de l’ensemble du droit. Il n’est ni du droit civil, ni du droit criminel, mais plutôt une branche du droit administratif qui puise, sous certains rapports, au premier, et pour d’autres, au second », écrit le président du comité. Les règles de procédure s’apparentent à celles du droit civil et le comité, à titre de tribunal administratif, est maitre de sa procédure.

Le président du comité cite ensuite une longue jurisprudence traitant de la règle de la proportionnalité. En considérant les ressources limitées du comité, dont les membres siègent à titre bénévole et à temps partiel, l’instruction de la plainte se tiendra de façon discontinue par blocs de deux ou trois jours d’audition.

Il a tranché en retenant 13 journées d’instruction de la plainte du 27 avril au 7 juillet 2021, par tranche de 2 à 3 jours. Finalement, au début de l’instruction, le 27 avril dernier, l’intimé s’est présenté en reconnaissant sa culpabilité et en suggérant la recommandation commune sur la sanction.