Malgré une abondante jurisprudence, une décision de la Cour d’appel du Québec en matière de vices de construction à un immeuble en copropriété ajoutera une difficulté d’interprétation supplémentaire lors de litiges avec un assureur, estiment des avocats de Lavery Avocats.

Ainsi, le 5 septembre, la Cour d’appel du Québec a ordonné à Intact Assurance d’assumer une partie des frais juridiques de Développement Les terrasses de l’Îles Inc et Darcon Inc dans une poursuite qui les concerne.

« Dans ce cas particulier, la Cour ordonne le partage des frais de défense, car elle conclut que la portion des dommages qui pourrait être couverte par la police d’assurance est divisible et identifiable », affirme Dominic Boisvert, avocat chez Lavery Avocats, dans une publication sur le site Web du cabinet.

Plus de 1 M$ réclamé

Le Syndicat des copropriétaires Prince of Wales a poursuivi les assurés, qui incluaient le Groupe Dargis Inc. en première instance, pour « une série de malfaçons affectant l’immeuble », peut-on lire dans le jugement.

En plus des problèmes de la structure du bâtiment situé dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, des problèmes d’infiltration d’eau et de moisissure ont été ajoutés en 2015 dans la demande introductive d’instance. Le montant réclamé par le syndicat : 1 019 811,08 $.

Jugement de première instance

Le jugement de la Cour supérieure du Québec de 2018, qui a été infirmé par la Cour d’appel, avait déclaré qu’Intact n’avait pas à défendre les demandeurs, car les dommages n’étaient pas causés par un « sinistre » tel qu’indiqué sur le contrat d’assurance.

D’après le jugement, les dommages « résultent d’erreurs commises par les appelantes ou par leurs sous-traitants architectes ou ingénieurs lors de la conception et la construction de l’immeuble ».

De plus, le juge Brian Riordan soulignait que la majorité des dommages font partie des exclusions à la garantie. Celles-ci sont : « dommage matériel à toute partie d’un bien immeuble sur laquelle vous ou un entrepreneur ou un sous-traitant […] effectuez des travaux », « vos travaux » et « dommage matériel occasionné par la prestation de services professionnels ».

Victoire partielle

Pour prendre une décision, les juges Jacques Dufresne, Geneviève Cotnam et Stephen W. Hamilton de la Cour d’appel ont fait référence à l’affaire Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard, qui s’est rendue jusqu’en Cour suprême en 2010.

Le plus haut tribunal au pays s’était alors demandé si la malfaçon pouvait représenter ou non un accident. « Le terme accident devrait avoir le sens ordinaire qui lui est donné dans les polices et devrait s’appliquer quand un évènement cause des dommages matériels qui ne sont ni prévus ni voulus par l’assuré. Selon cette définition, un accident n’est pas nécessairement un évènement soudain. Un accident peut découler d’une exposition continue ou répétée à certaines conditions », peut-on lire dans le jugement.

Ainsi, d’après la Cour d’appel, si les dommages matériels sont causés par les vices de construction et de conception, qui ne sont pas voulus ni prévus par les appelantes, la couverture d’assurance s’applique.

« L’intimée pourrait avoir l’obligation d’indemniser les appelantes sur une partie des dommages réclamés par le syndicat, soit les dommages autres que la réparation des malfaçons et les dommages reliés aux problèmes de toiture. Cette possibilité suffit pour déclencher l’obligation de l’intimée de défendre les appelantes. Par contre, comme la portion des dommages qui pourrait être couverte par la police d’assurance est divisible et identifiable, l’obligation de défendre est limitée à ces réclamations », concluent les juges de la Cour d’appel.

Remboursement des frais

Intact doit donc rembourser les frais juridiques de Darcon encourus après le 28 aout 2014, date lors de laquelle l’entreprise s’est fait poursuivre par le syndicat.

Pour Développement Les terrasses de l’Îles, ce sont les frais encourus après le 29 octobre 2015 qui seront remboursés par l’assureur, car c’est à ce moment que de nouveaux amendements ont été ajoutés à la demande introductive d’instance.

La demande du type Wellington a été émise le 23 mai 2017, soit plus de trois ans après le dépôt de l’action du syndicat. Ainsi, l’intimée est « seulement responsable des frais engagés en lien avec les amendements du 29 octobre 2015 ou les amendements subséquents », peut-on lire dans le jugement.

Difficile de déterminer les couts

« Cette conclusion risque de poser de sérieuses difficultés pratiques, sachant qu’il est normalement peu aisé de distinguer les moyens de défense, et incidemment les couts, strictement en lien avec les malfaçons de ceux en lien avec les dommages qui en résultent », dit Dominic Boisvert.

« Rappelons d’ailleurs que, dans l’affaire Cirvek Fund, la Cour d’appel avait statué que l’obligation de défendre de l’assureur ne devrait être limitée que dans les cas où l’assureur démontre que les tâches requises pour la défense des éléments couverts sont distinctes de celles se rapportant aux éléments non couverts », ajoute-t-il.