Les rapports des analystes de l'industrie prédisent souvent des jours difficiles aux petits joueurs en temps de crise. Le contraire est arrivé en 2008, alors que mutuelles modestes et autres joueurs de niches ont surmonté la crise grâce à leurs marchés spécialisés et des placements conservateurs.Plusieurs joueurs de petite et moyenne tailles ont terminé l'année 2008 avec un bénéfice net et une croissance de leurs revenus. À l'abri des impératifs de l'actionnariat et de la pression de livrer des résultats positifs à tous les trimestres, ces entreprises ont misé sur leur spécialisation pour déjouer les aléas du ralentissement économique.

Richard Gagnon se félicite d'avoir axé son plan de match sur la spécialisation et la technologie. Petite mutuelle dans une mer de grands joueurs, La Survivance a fait croître ses revenus bruts de 12,0% l'an passé par rapport à 2007.

À 2,519 millions (M)$ contre 1,660 M$, le bénéfice net de La Survivance a connu une hausse de près de 52 % entre 2008 et 2007. De plus, la mutuelle de Saint-Hyacinthe a affiché un solide rendement sur l'avoir des mutualistes en 2008, soit 13,2%. Par ailleurs, La Survivance a maintenu son ratio de liquidité à 195 % en 2008 (il s'agit du montant minimum permanent requis pour le capital et l'excédent ou MMPRCE, dont le niveau idéal a été fixé à 150 % par le Bureau du surintendant des institutions financières.

M. Gagnon a évité les effets du ralentissement économique en gardant le cap sur sa stratégie principale : élargir sa gamme de produits chaque année en tirant parti des « trous » qui existent dans le marché.

« La croissance de nos revenus bruts provient directement de notre niche en prestations du vivant », a révélé M. Gagnon. La Survivance a d'ailleurs acquis TourMed des mains d'ACA Assurance. Ce bloc d'assurance voyage a compté pour plus de la moitié de la croissance du volume des ventes qui a atteint 40 % en 2008 par rapport à 2007.

Dans cet intervalle, La Survivance a tiré 15 % de ses ventes d'assurance voyage de l'Ontario, une province clé dans le plan de développement de la mutuelle appelée LS Mutual hors-Québec.

Les produits d'assurance invalidité PAIRE et P.A.G.E ont aussi connu un succès marqué, indique le rapport annuel de La Survivance, et le produit vedette en maladies graves, Prodige, a aussi enregistré de bons résultats.

Par un contrôle rigoureux des frais d'exploitation et un élément non récurrent survenu en 2007, La Survivance dit être parvenue à réduire ses dépenses de 5 % en 2008. Pour accroître son efficacité, la mutuelle n'a d'ailleurs pas hésité à investir 4 M$ en technologie en 2008 et poursuivra ses investissements dans ce secteur dans les prochaines années, a confié M. Gagnon.

En outre, les revenus de placement de La Survivance n'ont chuté que de 2 % en 2008 par rapport à 2007. « Notre statut de mutuelle nous incite à la prudence, explique M. Gagnon. Nous n'avons pas la pression de produire des rendements aux actionnaires à chaque trimestre. Nous exerçons donc une gestion de placement moins précipitée avec un objectif de rendement raisonnable à long terme. Nous avons évité le papier commercial et ne détenons que 3,4 % de nos placements en actions. » La Survivance détient 96 % de ses placements dans des catégories dites « sans risque », dont 92,8 % en obligations.

Le premier trimestre 2009 se montre déjà prometteur, a révélé M. Gagnon. Les revenus de placements sont en baisse de 2 % mais les revenus de primes sont en hausse de 11,7 % et le volume de vente, en hausse de 20 % par rapport au même trimestre en 2008. Le bénéfice net est quant à lui en hausse de 20 % pour la même période de référence.

Unité-Vie du Canada n'est plus une mutuelle depuis l'an passé mais son statut de joueur de niche continue de bien le servir. Propriété de la société de secours mutuel américaine Foresters depuis 2008, l'assureur de Toronto bénéficie dorénavant de l'appui financier du siège-social pour réaliser des acquisitions qui rapportent.

En 2008, Unité-Vie a fait l'acquisition des affaires canadiennes de Washington National, de la section commerciale de GeniSys Management Solutions, des activités canadiennes d'assurance de Forethought Financial Group.

Unité-Vie a mis la main cette année sur MetVie Canada, une filiale du géant américain MetLife, et ses 100 000 polices d'assurance-vie et maladie, ainsi qu'un petit nombre de contrats de rentes collectives.

Dans les dernières années, Unité-Vie a acquis les polices individuelles d'assurance vie et décès accidentel de l'Association des professionnels de la vente. En 2006, Unité-Vie avait acquis les affaires restantes de La Prudentielle d'Amérique au Canada.

Créneaux

L'assureur ontarien continue aussi de se spécialiser dans des créneaux bien précis comme l'assurance des créanciers, l'assurance pour les dernières dépenses, la temporaire à taux privilégiés et les polices à émission simplifiée destinées au marché familial.

« En dépit des conditions économiques, 2008 a été une année fantastique qui s'inscrira comme la plus rentable, lance le président et chef de la direction d'Unité-Vie, Anthony Poole. Nous avons surpassé nos prévisions. »

Ses bons résultats de 2008, M. Poole les attribue en bonne part à l'acquisition de Forethought et de Washington National. Les revenus totaux d'Unité-Vie sont passés de 4,099 milliards de dollars (G$) en 2007 à 6,533 G$ en 2008, pour une croissance de 59,4 %. Unité-Vie a aussi connu une hausse de son bénéfice net de 60,0 %, lequel a atteint 6,764 M$ en 2008 comparativement à 4,227 M$ en 2007. Son rendement sur l'avoir des actionnaires s'est établi à 10,6 % en 2008.

« Nos deux acquisitions ont joué un rôle dans nos résultats, mais c'est aussi le fait d'une gestion prudente de notre portefeuille d'investissement. Cela nous a préservés des contrecoups des marchés boursiers.

De plus, nous ne faisons pas de fonds distincts. Nous n'avons donc pas eu à hausser nos réserves. Notre portefeuille d'obligations corporatives a quelque peu souffert des décotes, mais nous avons si bien fait dans nos activités d'assurance que cela a compensé la baisse de ce portefeuille. »

M. Poole se félicite par ailleurs de sa stratégie de niche implantée il y a huit ans. « Si vous êtes un jour petit ou moyen, vous avez besoin d'une stratégie unique qui ajoute de la valeur. La nôtre a entraîné un pourcentage de croissance dans les deux chiffres ces sept dernières années. Combien de compagnies ont réussi cela? »

M. Poole mise sur des produits à première vue communs mais exploités différemment, soit dans leur conception ou leur distribution. Par exemple, son produit temporaire est un des rares à utiliser un système de débit-crédit pour octroyer ses taux privilégiés. Si vous faites du cholestérol mais que vos antécédents familiaux sont excellents, par exemple, la mauvaise note est compensée. En vertu de ce système, 80 % des assurés non fumeurs parviennent à obtenir un taux supérieur à la catégorie standard.

Autre exemple, un produit de dernières dépenses développé en partenariat avec un de ses distributeurs, Canadian Protection Plan.

Autre valeur ajoutée, Unité-Vie offre les bénéfices habituellement réservés aux membres de la société de secours mutuelle Foresters. Parmi ces bénéfices gratuits figurent des prestations mensuelles pour enfant dans le cas du décès d'un parent, un programme de bourse d'orphelin, un bénéfice au membre en cas de maladies grave ou de maladie terminale, etc.

Bénéfice net en chute

D'autres mutuelles ont vécu une baisse de leur bénéfice mais estiment s'en être bien tiré par ailleurs. Le bénéfice net de La Capitale a plongé à 39,420 M$ en 2008 alors qu'il était de 65,805 M$ en 2007. Une chute de 40,1 %.

Or, le président et chef de l'exploitation de La Capitale groupe financier et du secteur Assurance de personnes, Robert St-Denis, tient à remettre les choses en perspective. « Nous avons connu une bonne croissance. Ce qui a fait mal, c'est une hausse des impôts de 50 % en 2008 en raison de changements aux lois fiscales fédérales qui sont survenues sur le tard. »

Les produits (revenus) n'ont pour leur part subi qu'un recul de 2,7 % pour passer de 1,090 milliards$ (G$) à 1,061 G$ durant cette période. La Capitale maintient par ailleurs un MMPRCE de 216 %.

De son coté, le secteur assurance de personnes a connu de solides résultats. En assurance individuelle, les ventes combinées de La Capitale assureur de l'administration publique, La Capitale assurances et gestion du patrimoine et Penncorp, ont atteint près de 14 M$, ce qui représente une hausse de 13,2 % en 2008 par rapport à 2007.

La croissance des ventes hors-Québec a été particulièrement forte, a révélé M. St-Denis. Penncorp a en effet vu son volume de ventes croître de 19,2 % en 2008 par rapport à l'année précédente. « Penncorp a embauché 20 nouveaux représentants et depuis 2008, tous les produits de La Capitale leur sont accessibles», a expliqué M. St-Denis.

« En assurance collective, nos ventes hors des secteurs public et parapublic ont augmenté de 27,4 % par rapport à 2007. J'avais des craintes en collectif en raison des difficultés du secteur manufacturier, mais ces difficultés ont été compensées par nos nouvelles ventes. »

Robert St-Denis se félicite aussi d'avoir connu sa meilleure campagne REÉR en 2008-2009. « Jusqu'à maintenant, les contrecoups des marchés ont été comblés et nous venons de connaître notre meilleure année en épargne collective. » Comme La Capitale est essentiellement présente dans les CPG boursiers, la partie garantie des fonds et les nouvelles ventes ont contrebalancé les effets de la chute des marchés.

Pour sa part, L'Union-Vie a vu son bénéfice net passer de 11,465 M$ en 2007 à 12,625 M$ en 2008, pour une croissance de 10,1 %. Les revenus sont toutefois en baisse en raison de la chute des revenus de placements, soit de 93,605 M$ en 2007 à 80,708 M$ en 2008, pour une baisse de 16,0 %. Le rendement sur l'avoir des mutualistes s'est pour sa part établi à 13,0 %. Le ratio de solvabilité de la mutuelle de Drummondville atteint de son côté 300 %.

« La crise des marchés boursiers a aussi apporté son lot d'occasions d'achat de placements en 2008, avec une fenêtre particulièrement favorable en octobre », a confié Jacques Desbiens, président directeur-général et président du conseil d'administration de L'Union-Vie.

Le développement des affaires a maintenu son élan en 2008 mais le début de l'année se montre plus difficile, même si M. Desbiens se dit en ligne avec ses objectifs. « Les gens diffèrent l'achat de leur assurance. Par contre, les ventes de produits de placement vont bon train. »

Jacques Desbiens a en outre rappelé que l'achat de blocs d'affaires a été la principale source de croissance depuis son arrivée à la barre de la mutuelle en 1993. « À mon arrivée, nous avions 13 M$ de surplus. Au courant de l'été, nous dépasserons la barre des 116 M$. Mais 2008 a été plus tranquille côté acquisition. Notre croissance est alors venue essentiellement de nos opérations. »

Mutuelle néo-brunswickoise de petite taille, Assomption Vie peut s'enorgueillir de bons résultats. Assomption Vie a enregistré en 2008 des revenus de 94,5 M$ et l'avoir des titulaires de police s'est soldé à 81,1 M$, une augmentation de près de 4,1 % par rapport à 2007.

La mutuelle a aussi affiché un bénéfice net de 4,3 M$ en 2008 pour une croissance de 7,4 % par rapport à 2007.

L'assureur a même affiché un nouveau record en assurance vie, avec des ventes qui s'élèvent à 4,4 M$ en 2008, une hausse de 10,7 % sur 2007. L'assureur a aussi connu de solides résultats.

Le président et chef de l'exploitation, Denis Losier, a attribué cette bonne santé financière à la présence pancanadienne d'Assomption Vie et à l'expansion continue de son réseau de distribution. « En effet, 50 % des ventes d'Assomption Vie sont maintenant réalisées à l'extérieur de l'Atlantique. Elle a vu son nombre de courtiers augmenter de 23 %. De plus, afin de solidifier son réseau de vente captif au Nouveau-Brunswick, elle a créé la nouvelle filiale de vente AVie, grâce à une alliance stratégique avec Acadie Vie », a-t-il fait savoir par voie de communiqué.