Faisant le constat de la menace grandissante des catastrophes naturelles qui pèse sur les Canadiens, le Bureau d’assurance du Canada (BAC) réitère auprès du gouvernement fédéral la nécessité de créer une agence nationale de gestion des situations d’urgence afin d’améliorer la préparation et les mesures de rétablissement.
La recommandation provient d’un plan de résilience proposé par le BAC dans un rapport sur le marché de l’assurance habitation au Canada qu’il vient de soumettre aux décideurs politiques. Intitulé Un marché solide, mais la pression s’accentue, le rapport cible trois priorités auxquelles les décideurs publics doivent s’attaquer afin de mieux protéger les communautés :
- Repenser les modes de construction et l’aménagement du territoire.
- Investir dans la résilience et la mitigation des risques.
- Corriger les lacunes du marché.
En commentant l’été dernier les dommages assurés associés à diverses catastrophes naturelles, le BAC avait souligné la nécessité de la création d’une telle agence nationale. Si l’assurance contre les inondations est une préoccupation de longue date dans l’industrie, l’impact des feux de forêt de 2023 et de 2025 dans plusieurs provinces confirme que des efforts importants doivent être menés par les communautés pour mitiger l’impact de ce type de sinistre.
Des tendances
Le rapport souligne certaines tendances qui ajoutent des pressions importantes sur le coût de l’assurance des biens des particuliers au Canada. Le premier constat est lié à l’intensification des catastrophes naturelles, dont la fréquence et la gravité augmentent.
Ces événements météorologiques extrêmes font exploser la facture des sinistres assurés. Par rapport à la décennie 2005-2014, la facture annuelle moyenne a presque triplé de 2015 à 2024, atteignant 3,5 milliards de dollars (G$). Pour établir cette moyenne, on prend en compte tous les événements où les pertes assurées dépassent la barre des 30 millions de dollars (M$).
De 2019 à 2024, toujours en assurance des biens des particuliers, on a enregistré une hausse de 119 % du nombre de réclamations en lien avec les catastrophes naturelles. Le BAC rapporte une « augmentation stupéfiante de 580 % des sinistres assurés liés à la réparation ou au remplacement des biens endommagés ».
Le coût des intrants qui augmente plus vite que l’inflation de même que la pénurie de main-d’œuvre dans les métiers clés contribuent également à la hausse importante des coûts d’indemnisation. Dans un rapport publié en mars 2024, l’industrie de la construction prévoyait le départ à la retraite de 25 000 à 28 000 travailleurs chaque année au Canada d’ici 2033.
La réassurance permet aux assureurs de se protéger contre les sinistres de grande ampleur. Les primes de réassurance ont grimpé de manière importante en 2023. Les réassureurs deviennent plus sélectifs dans la répartition des risques. « L’augmentation du coût de la réassurance crée un effet d’entraînement qui influe sur l’accessibilité financière et la disponibilité des garanties, en particulier dans les zones à haut risque de catastrophes naturelles », précisent les auteurs du rapport.
Dernière tendance inquiétante, selon le BAC : l’imposition de tarifs douaniers par l’administration américaine et la guerre commerciale qui s’ensuit provoque une perturbation importante de la chaîne d’approvisionnement des deux pays. Les secteurs de la construction et la fabrication d’équipements de transport sont deux secteurs touchés et pour lesquels la hausse des coûts aura un impact sur les dépenses en indemnisation.
Ces constats ont incité le BAC à proposer son Plan de résilience en trois points — faire du Canada un chef de file mondial en matière de résilience aux phénomènes météorologiques violents.
Construction et aménagement
La première recommandation du plan consiste à repenser les modes de construction et d’aménagement du territoire. À cet égard, le BAC propose trois moyens :
- Mettre en place un cadre réglementaire en matière de construction plus flexible, assorti de normes plus rigoureuses, tenant compte de l’augmentation des risques liés aux phénomènes météorologiques violents.
- Moderniser les règles d’aménagement du territoire afin que la vague attendue de nouveaux projets de logements n’aggrave pas le profil de risque du Canada.
- Repenser le parc immobilier actuel de manière à inciter les propriétaires à rénover leur demeure de sorte qu’elle résiste mieux aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Résilience et mitigation des risques
Le deuxième point du plan est l’investissement dans la résilience et l’aide aux communautés afin d’atténuer les risques auxquels elles sont exposées. Quatre axes d’intervention sont proposés pour atteindre cet objectif :
- Positionner le Canada comme chef de file mondial dans la cartographie des catastrophes naturelles et la détection anticipée. La prévention à l’égard des tempêtes violentes de type orage convectif majeur (severe convective storm, ou SCS) doit être privilégiée, selon le BAC.
- Veiller à ce que les infrastructures publiques du Canada favorisent la résilience et soient construites de manière résiliente. Le recours aux solutions fondées sur la nature (milieux humides, bassins de rétention, toits verts, surfaces perméables, etc.) doit être favorisé.
- Renforcer la capacité des municipalités à planifier la résilience, notamment pour les communautés exposées à un risque élevé aux feux de forêt.
- Augmenter les investissements dans la reprise après sinistre. « La lenteur des reconstructions à Jasper, en Alberta, et à Lytton, en Colombie-Britannique, met en évidence la nécessité d’un processus de reprise mieux coordonné et plus efficace », indique le BAC.
Lacunes du marché
Au Canada, l’écart se creuse entre la protection contre les catastrophes naturelles et la couverture d’assurance disponible. Le BAC réclame l’intervention ciblée des gouvernements pour corriger ces lacunes.
Plus de 1,5 million de ménages vivent dans des zones connues pour leur risque élevé d’inondation. Quelque 300 000 résidences représentent 50 % de l’ensemble des sinistres dus aux inondations.
« Le gouvernement fédéral devrait financer intégralement les activités de base de la filiale de réassurance de la Société canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL), nécessaires à la gouvernance et à la mise en œuvre d’un programme national d’assurance contre les inondations à faible coût et à risque élevé pour ceux qui sont les plus exposés aux inondations. Ce programme devrait être conçu de façon à s’inscrire en complément du marché ordinaire, et non en concurrence avec celui-ci », propose le BAC.
La protection contre les tremblements de terre est une autre lacune. L’exposition à ce péril est élevée en Colombie-Britannique et au Québec. Le gouvernement fédéral et ceux de ces provinces devraient collaborer avec les assureurs pour créer une solution de partenariat public-privé en cette matière.
Le BAC recommande de maintenir des cadres réglementaires qui favorisent la tarification fondée sur le risque. La crise de l’assurance en Californie est devenue évidente en janvier 2025 à la suite des feux catastrophiques dans la région de Los Angeles.
Le gouvernement de l’État a imposé des contraintes réglementaires qui ont empêché les assureurs de tarifier ce risque de manière adéquate. Durant plus d’une décennie, les assureurs ont encaissé des pertes financières et ont déserté le marché californien de l’assurance habitation.
Le BAC estime essentiel que les décideurs politiques canadiens évitent de mettre en œuvre des restrictions tarifaires qui interfèrent avec la tarification fondée sur le risque.