Le 8 novembre dernier en Cour supérieureDesjardins Assurances générales a été condamné à verser 55 000 $ en dommages moraux à une famille ayant été victime d’un sinistre à Laval en 2005.

Le règlement du sinistre avait nécessité l’intervention d’un arbitre. Les sommes à verser comportent des intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis août 2017. Le tribunal accorde aussi des dommages d’environ 54 500 $ à la famille, somme qui correspond à l’écart entre les sommes déjà versées et la limite de la couverture de la police. 

La décision a été rendue par le juge Michel Déziel, du district de Montréal. Les demandeurs sont Valérie Trépanier et Vladut Stancu, et les parents sont les titulaires de l’autorité parentale de leurs trois enfants.

Les demandeurs désiraient une condamnation qui dépassait le plafond d’assurance de 321 000 $ de la police d’assurance en vigueur au moment du sinistre. Cette demande a été rejetée par le tribunal. 

Desjardins contestait et niait sa responsabilité et plaidait avoir géré le dossier des demandeurs de bonne foi et de manière objective.

L’avocat Jean-Philippe Caron, du cabinet Calex Legal, confirme que le jugement est final et qu’aucune des parties n’a fait appel de la décision du tribunal. Me Caron représentait les demandeurs avec Me Johanna Sarfati

Résidence habitable 

La maison familiale de Laval a subi un incendie le 13 août 2005, alors qu’elle est en vacances à l’autre bout de la province. L’aînée des enfants était alors âgée de six ans et ses deux frères avaient respectivement quatre et deux ans. 

Dès le 7 décembre 2005, l’assureur déclare que la résidence est habitable. Les demandeurs affirment qu’elle n’est redevenue habitable que le 1er juin 2007.

Le 16 août 2017, l’arbitre Serge Pisapia rend une sentence arbitrale et fixe à 141 697,97 $ le montant des dommages matériels.

En août 2018, les demandeurs ont déposé le présent recours et réclamaient divers montants supplémentaires : plus de 158 000 $ à titre de dommages et intérêts, 160 000 $ en dommages moraux, près de 54 000 $ pour la perte de jouissance et 40 000 $ pour le remboursement des frais extrajudiciaires. La réclamation pour le troisième montant a été abandonnée à l’étape des plaidoiries.

Le tribunal condamne la défenderesse à payer à la famille la somme de 54 497,04 $ à titre de dommages et intérêts compensatoires.

Les demandeurs recevront aussi 20 000 $ chacun pour les dommages moraux, tandis que leurs enfants recevront chacun 5 000 $, pour un total de 55 000 $. 

Une longue dispute 

La présentation de la preuve et les plaidoiries ont nécessité six jours d’audience en octobre 2021. La décision de 51 pages énumère les nombreuses mésententes entre les parties.

Comme la famille était aux Îles-de-la-Madeleine au moment de l’incendie, il lui faudra une dizaine de jours avant de constater les dégâts. La famille a été logée à l’hôtel jusqu’au printemps 2006, et ils ont décidé de louer une roulotte sur un terrain de camping pour y passer l’été. Ils ont ensuite loué un appartement à partir d’octobre 2006. 

L’entrepreneur mandaté par l’assureur a commencé les travaux de réparation à la fin de septembre 2005. En février 2006, la famille visite le site du sinistre avec son avocate, en présence des entrepreneurs et de l’experte en sinistre de l’assureur. Ils commentent le rapport d’évaluation du représentant de Desjardins.

L’assureur offre un premier montant de 30 000 $, par la suite majoré à 64 248,18 $ en janvier 2007. M. Stancu encaisse le chèque et effectue lui-même les travaux qu’ils restent à faire. 

Une première réclamation de 224 320,50 $ en envoyée à l’assureur dès décembre 2006.

Le 16 décembre 2020, la Cour du Québec entérine une entente entre l’assureur et la société qui a entreposé et livré les biens de la famille. L’assureur accepte de payer 47 049,30 $ à la firme. 

Autre expert 

Un autre expert en sinistre, Richard Payette, a été mandaté par la famille. Il vient sur les lieux à l’automne 2005 et commente le travail de l’entrepreneur chargé des travaux par l’assureur. M. Payette est retourné sur les lieux après la date où l’assureur a déclaré que la maison était habitable. Il a contesté cette affirmation dans un second rapport. Il a témoigné au procès.

Un autre expert en bâtiment a témoigné devant l’arbitre des dégâts causés par la fumée et confirme que le nettoyage n’a pas été fait adéquatement. Il produira deux rapports par la suite qui contredisent les prétentions de l’assureur sur le caractère habitable des lieux. 

L’experte en sinistre de l’assureur, Carole Morin, a elle aussi témoigné devant le tribunal. Comme la famille a requis les services d’une première avocate dès décembre 2005, c’est cette dernière qui reçoit les communications par la suite. L’entrepreneur lui a transmis une facture finale de 78 063,71 $ pour les travaux le 15 décembre 2005. Un crédit de plus de 10 000 $ a été accordé par l’entrepreneur pour les travaux non terminés en février 2006. 

La famille a fait visiter les lieux à l’été 2006 par l’équipe de l’émission de télévision JE. Deux reportages ont été diffusés l’automne suivant. Mme Morin affirme avoir été « abasourdie, déçue et découragée » par les reportages. Elle considère que le demandeur n’a jamais été ouvert à un règlement. En janvier 2007, l’offre finale faite aux demandeurs inclut un peu plus de 4 200 $ en frais de subsistance.

La décision 

En transmettant son offre finale en janvier 2007, qui suivait la mise en demeure des demandeurs, Desjardins rappelle aux assurés qu’il a déjà versé 155 205 $ pour la réparation, le nettoyage, la pension des animaux et les frais de subsistance. La somme qu’il propose (64 218 $) couvre les travaux à faire sur le bâtiment, le contenu et les frais de subsistance.

Les demandeurs ont encaissé le chèque, qui ne porte aucune mention qu’il s’agit d’un paiement final. Ils ajoutent la mention « sans préjudice ou tout autre recours » à la suggestion de leur notaire, qui leur recommande de procéder aux travaux. 

Les parties ont finalement accepté de confier le dossier à un arbitre en juin 2008. L’assureur n’a pas demandé l’irrecevabilité du recours et le juge Déziel est d’avis que le chèque encaissé par les assurés n’était pas un règlement final de la réclamation. 

« Nous ne sommes pas dans une situation où un propriétaire décide de refaire le sous-sol de sa propriété tout en continuant d’y résider pendant les travaux comme le soumet Desjardins », écrit le juge Déziel. « La prépondérance de preuve démontre la présence d’odeur de fumée le 20 février 2006 », peut-on lire au paragraphe 200 du jugement. 

Cependant, le tribunal est d’avis que les demandeurs ont manqué à leur obligation de minimiser les dommages. En avril 2006, ils ont obtenu un financement de 60 000 $ d’un prêteur hypothécaire qui devait servir à exécuter les travaux et fermer le chantier. Comme les travaux supplémentaires ont nécessité cinq mois en 2007, le juge estime que le même délai aurait été nécessaire un an plus tôt. Le tribunal tranche le litige en déterminant que la maison était habitable le 30 août 2006. 

La limite de la couverture 

Le tribunal reproduit le quantum de la réclamation qui a été retenue par la sentence arbitrale rendue le 16 août 2017. Les dommages accordés totalisent 126 613 $. Avec les sommes déjà payées par l’assureur, la limite de 321 000 $ prévue au contrat est dépassée. La différence correspond au montant que le tribunal accorde, soit 54 497 $. 

Les demandeurs prétendent que l’assureur ne peut leur opposer le plafond de la couverture puisqu’il serait responsable des coûts supplémentaires découlant de la non-surveillance du chantier. Le juge Déziel estime plutôt que l’experte en sinistre de l’assureur a agi de façon professionnelle et a communiqué avec l’entrepreneur chaque fois que les demandeurs se plaignaient des travaux.

Le tribunal souligne que l’entrepreneur et la firme d’entreposage avaient leurs propres griefs envers M. Stancu. Les demandeurs n’ont pas su faire la preuve que le tribunal devait augmenter la limite de la couverture. 

Les dommages moraux de 55 000 $ couvrent la période allant du 8 décembre 2005 au 30 août 2006. L’assureur voulait les reloger dans un appartement à Boisbriand, ce que les sinistrés ont refusé. « Le refus de Desjardins de continuer à assumer les frais de subsistance a eu des conséquences néfastes sur leur santé financière et sur leur vie familiale », indique le tribunal. 

Le juge Déziel refuse la demande de remboursement de 40 000 $ pour les frais extrajudiciaires, car la preuve ne démontre aucun abus de procédure de la part de Desjardins. 

En incluant les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la sentence arbitrale jusqu’au jugement, la somme à rembourser par l’assureur est d’environ 138 000 $.