Bien qu’elles suspectent que les règles futures de la vente d’assurance par Internet avantagent les assureurs directs, les bannières disent s’y préparer.
Yannick Jetté, président du Groupe Jetté, est l’un de ceux qui remarquent un encadrement « deux poids deux mesures » en ce qui a trait à la vente de produits d’assurance sur Internet. M. Jetté met toutefois le tout en parallèle avec l’encadrement que fait l’Autorité des marchés financiers auprès des courtiers depuis une dizaine d’années.
« D’un côté, depuis 10 ou 15 ans, l’Autorité exige de plus en plus de discipline de la part de l’industrie. Alors que de l’autre côté, pour la vente de produits sur Internet, on considère que le client est suffisamment apte à faire ses transactions lui-même sans l’aide d’un professionnel certifié. Le gouvernement considère que des bulles d’informations sont suffisantes pour que le client fasse des choix éclairés », clame-t-il.
Qu’on le veuille ou non, la vente sur Internet est inévitable, disent plusieurs dirigeants de bannières. « Il faut s’y préparer. Est-ce que tous les produits devraient être vendus sur le net ? Non. Mais c’est inévitable pour les produits standardisés, comme l’assurance automobile. Or, pour les produits en habitation et en entreprise, ce sera plus difficile », souligne M. Boisvert.
Protection du consommateur : un certifié doit être impliqué
Tous s’entendent pour dire que la protection du consommateur ne peut se faire qu’avec l’intervention d’un courtier durant le processus de la transaction. « Notre position est claire : le consommateur doit en tout temps être protégé et obtenir les conseils par un représentant certifié. Nous voulons évidemment que le tout se fasse le plus agréablement possible pour le client et qu’il soit à l’aise avec les moyens avec lesquels il obtient sa soumission, mais nous tenons aussi à ce qu’il la comprenne bien et nous voulons l’accompagner dans son processus d’achat », affirme Lucie Decelles, présidente d’Assurancia.
De son côté, la bannière CourtiersNet se prépare déjà aux modifications législatives qui guettent l’industrie. Elle est en processus de développer un site transactionnel où les clients pourront recevoir les propositions des assureurs en ligne.
« Nous sommes en développement d’un site Web que nous offrirons à tous nos membres afin qu’ils puissent être prêts si le projet de loi 141 est adopté et lorsqu’il entrera en vigueur, le cas échéant. Nous voulons que les clients puissent faire toute la transaction sur le Web, sans retirer le courtier de l’équation. C’est notre façon de faire un compromis sur cette mesure », affirme Mario D’Avirro, président de CourtiersNet.
L’important pour M. D’Avirro, c’est que les cabinets de courtage ne soient pas désavantagés face aux assureurs directs pour la vente d’assurance par Internet. Il souligne que c’est ce que les courtiers craignent.
« Nous espérons que la loi nous permette d’être à champ égal face aux directs. Pour cela, nous devons compter sur la collaboration des assureurs à courtage. Ils ne nous permettront pas tous d’engager le risque en ligne. Certains nous ont déjà dit oui, donc les clients pourront obtenir les propositions d’au moins cinq assureurs sur le Web. Le consommateur aura le choix. C’est ce que le gouvernement veut », croit-il.
Des mesures difficiles à comprendre
Rémy-Pierre Boisvert, président d’AssurExperts, arrive difficilement à justifier les moutures actuelles des projets de loi. Il les perçoit comme une incompréhension du marché de l’assurance et du courtage de la part du ministre des Finances du Québec Carlos J. Leitão. « C’est à se demander quels intérêts le ministre défend : ceux des consommateurs ou des grandes institutions financières ? », se questionne-t-il.
« Ma perception, c’est qu’il essaie de prévoir ce qui va se passer dans l’avenir. De le faire de cette manière peut laisser des trous béants dans la protection du consommateur dans le présent », renchérit Yannick Jetté.
Bernard Laporte, président d’Intergroupe, se montre toutefois optimiste face aux changements. « Il va se passer des choses. Il y aura des bouleversements. Il faut les considérer comme des occasions plutôt qu’une menace. L’industrie de l’assurance n’a pas bougé depuis plusieurs années. Là on voit que cela prend de l’ampleur, que ça accélère et ça en effraie certains. Il ne faut pas être pessimiste. »