Réussir à couler une retraite à l’abri des soucis financiers est un défi plus grand pour les femmes que pour les hommes. C’est l’un des enjeux soulevés par F. Hubert Tremblay, conseiller principal du domaine retraite chez Mercer, à l’occasion de la présentation des perspectives 2019 du cabinet de conseil en ressources humaines concernant les régimes de retraite.

Les Canadiennes vivent plus, mais gagnent moins

En 2015, les Canadiennes âgées de 65 ans avaient une espérance de vie de 22 ans, contre 19 ans pour les Canadiens âgés de 65 ans. Cet écart de longévité n’est pas sans conséquence pour la gente féminine.



Les femmes en âge de partir à la retraite vivent plus longtemps que les hommes. Elles doivent donc accumuler une épargne plus importante pour pouvoir subvenir à leurs besoins jusqu’à la fin de leurs jours. Mais plusieurs obstacles entravent cette accumulation d’épargne.

Pour commencer, les femmes gagnent moins d’argent que les hommes, note F. Hubert Tremblay. Selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec publiée en février 2019, le salaire horaire moyen des Québécoises était de 23,90 $ en 2018, contre 26,90 $ pour les Québécois. Il s’agit là d’un écart de 3 $.



En plus d’avoir un salaire horaire plus faible que les hommes, les femmes sont généralement rémunérées sur une plus courte durée, souligne le conseiller de Mercer. Elles réduisent leur temps de travail rémunéré, voire arrêtent de travailler, pour s’occuper des enfants notamment.

En 2015, selon une étude de Statistique Canada, le taux d’emploi des Canadiens dont le plus jeune enfant avait moins de 6 ans était de 90,8 %. En parallèle, le taux d’emploi des Canadiennes ayant un enfant de moins de 6 ans était de 69,5 %. Durant une période sans emploi, en plus de ne pas percevoir de salaire, les femmes ne cotisent pas à un régime d’employeur. C’est la double peine pour leur épargne-retraite.

L’employeur a un rôle à jouer

F. Hubert Tremblay voit là un « défi pour les employeurs ». Celui de « réussir la retraite des femmes aussi bien que celle des hommes ». Interrogé par Le Journal de l’assurance, il précise que la discussion entourant cette question est « naissante ». Les employeurs n’ont d’ailleurs pas encore mis en place de stratégies pour commencer à y répondre. « On est à l’étape de la prise de conscience. »

D’ores et déjà, F. Hubert Tremblay « doute que les employeurs acceptent d’instaurer des niveaux de cotisation différents » à un même régime d’épargne collectif, selon que l’employé soit un homme ou une femme.

En revanche, il estime que les employeurs « pourraient rajouter des cotisations volontaires » à leurs régimes d’épargne collectifs et ainsi « donner la possibilité, aux employés d’avoir des comportements différents ».

Pour accompagner cette mesure, les employeurs « pourraient communiquer plus proactivement auprès de leurs employées pour les convaincre qu’elles doivent cotiser davantage », développe-t-il. Dans une étude publiée en 2017, Mercer estimait par exemple que, dans le cadre d’un régime à cotisation déterminée, les femmes devaient épargner 25 % de plus, pour atteindre les mêmes objectifs de retraite que les hommes.

Les conseillers financiers doivent aussi accompagner les clientes

Les conseillers financiers ont eux aussi leur rôle à jouer dans la sensibilisation des femmes aux questions entourant l’épargne et l’investissement.

Historiquement, « les femmes investissent de façon plus conservatrice que les hommes », rappelle F. Hubert Tremblay. En 2011, Isabelle Hudon pointait déjà ce phénomène.

Alors présidente de la Financière Sun Life Québec, elle affirmait qu’il fallait faire migrer les femmes de gestionnaires du budget familial à investisseuses aguerries. « C’est le côté plus entrepreneurial des finances personnelles qu’il leur faut maintenant approfondir : celui qui vise à faire fructifier les avoirs et maximiser leur rendement. »

Pour cela, il faut que les femmes acquièrent de meilleures connaissances en finance. L’Enquête canadienne sur les capacités financières de 2014 avait en effet démontré que, comparativement aux hommes, les femmes ont des connaissances financières moins élevées. De là découle le fait qu’elles soient « moins susceptibles d’avoir confiance en leurs compétences financières », indique Statistique Canada, et donc le fait qu’elles prennent moins de risques.

Série de trois textes

Lisez les autres comptes-rendus de la conférence de Mercer sur les régimes de retraite. Le premier traitait des risques financiers des régimes à cotisation déterminée, alors que le dernier portera sur les façons de se défaire du risque de longévité et sera publié le mercredi 27 février.