L’Union des producteurs agricoles (UPA) estime qu’un peu plus de concurrence entre les assureurs permettrait de ramener les hausses de primes à un niveau acceptable pour les producteurs agricoles.

Intact, Promutuel et Estrie-Richelieu occupent les plus grandes parts dans ce marché au Québec, tandis que Optimum, Economical et L’Unique sont les autres assureurs qui font affaire avec le réseau de courtage pour assurer les exploitants agricoles.

« Il ne faut pas se leurrer, le volume est petit au Québec », souligne le courtier Serge Gosselin. « Pour être rentable, l’assureur doit avoir assez de volume pour obtenir un ratio de pertes acceptable », ajoute-t-il.

Au Québec, le volume de primes en assurance des entreprises agricoles est inférieur à 300 M$, estime Stéphane Bibeau, PDG d’Estrie-Richelieu. « On n’y fait pas d’argent. C’est assez rare que la concurrence se précipite pour prendre des parts de marché dans un secteur qui n’est pas rentable », lance-t-il.

La mutuelle couvre toutes les régions du Québec par l’entremise d’un réseau de 230 cabinets de courtage. « Ça reste un marché spécialisé, et si vous ne le connaissez pas, vous aurez de la misère à assurer des clients. Il faut comprendre la réalité, les équipements, etc. », dit-il.

M. Bibeau estime que les assureurs ne sont pas plus suspicieux qu’avant à l’étape du règlement de sinistre. « J’ai eu trois sinistres majeurs récemment, des fermes laitières qui ont passé au feu en moins de deux semaines. On n’a aucun problème à payer », dit-il.

Les cas de fraude à l’assurance demeurent rarissimes. « On voit plutôt l’inverse, des gens sous-assurés parce qu’ils ne voulaient pas payer une prime trop élevée », dit-il.

Plusieurs gros sinistres peuvent avoir un grand impact sur les résultats annuels de l’assureur. « Il faut être prêt à vivre avec ces fluctuations. Ça implique que vous devez avoir du capital pour absorber ces fluctuations. Et pour avoir ce capital, il faut faire des profits », ajoute-t-il.

Intérêt commun

Chez Promutuel, on dit collaborer avec l’UPA pour trouver des solutions au problème d’assurabilité des producteurs agricoles. « Nous avons tous intérêt à trouver une façon pour que le système fonctionne bien, que les primes demeurent à un niveau raisonnable, que les sinistres n’augmentent pas trop et qu’on limite les réclamations. On partage le même objectif et on est très ouvert à travailler avec l’UPA. Nos discussions avec eux ont été très ouvertes et on connait les problèmes », indique Guy Lecours, vice-président du groupe.

Malgré les hausses de tarification, l’assureur n’a pas retrouvé la rentabilité dans ce segment en 2020. « Cela a encore été une année difficile en 2020 chez nous, le secteur agricole. C’est clair. Ça aura même été pire que l’année précédente. C’est toujours la même chose : des pertes majeures causées par des incendies », dit-il.

Un peu plus en 2022

Au sein de L’Unique Assurances générales, on confirme que la filiale de La Capitale (Beneva) a toujours de l’intérêt envers la clientèle des producteurs agricoles. L’Unique a acheté le portefeuille de Ledor Assurances en 2019. Cet assureur avait été fondé en 2008 à la suite de la fusion de deux mutuelles ayant quitté Promutuel.

L’Unique voulait mettre la main sur le volume de primes, mais aussi recruter les employés de Ledor, car l’assureur avait besoin de renfort, expliquait son président Yves Gagnon au congrès du RCCAQ en novembre 2019. Ledor détenait alors un volume de primes de 60 M$, dont la moitié provenait du courtage.

Les agents de Ledor travaillent désormais pour La Capitale. Les 25 employés recrutés chez L’Unique ont été divisés en parts égales en assurance des particuliers et en assurance des entreprises. Les courtiers qui faisaient affaire avec Ledor ont pu continuer de souscrire des risques agricoles auprès de L’Unique.

Par courriel, Yves Gagnon confirme que la nouvelle plateforme de courtage et la nouvelle police en risque agricole ont été lancées en novembre 2020. L’assureur a mis en place une équipe dédiée à la souscription de l’assurance agricole qui traite autant les dossiers soumis par les courtiers que ceux des agents de La Capitale. Cette équipe est sous la direction principale de Daniel Carrier, figure bien connue dans le réseau de courtage.

M. Gagnon souligne que la tarification et les normes de la police spécialisée en biens agricoles « n’avaient pas beaucoup évolué chez Ledor au cours des dernières années ». Le volume de primes était modeste, à 4,5 M$, et les résultats étaient moyens. « On a l’intention de développer ce segment de la bonne façon, c’est-à-dire prudemment pour en faire un segment rentable à long terme, pour ne pas avoir à faire marche arrière ultérieurement », indique-t-il.

En 2022, L’Unique prévoit accueillir les soumissions pour de nouvelles affaires faites par d’autres courtiers spécialisés dans le risque agricole. « Nous croyons fermement que l’expertise du courtier est cruciale pour avoir du succès », ajoute Yves Gagnon.

Pertes fréquentes

Serge Gosselin recommande parfois à son client agriculteur de ne pas faire une réclamation de moindre importance, si cette perte ne l’affecte pas financièrement. « Si tu ne la fais pas, et qu’un mois plus tard, un sinistre de plusieurs centaines de milliers de dollars survient, je pense que ça te servira cette fois-là », dit-il.

Les réclamations trop fréquentes peuvent devenir suspectes si l’assuré est confronté à un très gros sinistre, car l’assureur peut le soupçonner de négligence. « Il faut éviter de se retrouver sans assurance au renouvèlement », insiste M. Gosselin.

Hausse des franchises

La capacité des producteurs à absorber des hausses de primes ou des montants de franchise plus élevés est très variable d’une production à l’autre. « Il y a des cultures et des exploitations qui sont très rentables. On y trouve des entreprises qui sont plus capables d’investir dans la prévention, dans leur couverture et dans leurs outils de gestion de risque, et qui sont capables de payer leurs factures », explique le courtier Maxime Poulin, du cabinet Ostiguy Gendron.

Les producteurs agricoles doivent investir dans la prévention afin de réduire les pertes et les assureurs doivent ajuster leurs primes. « Après cela, le marché pourra se stabiliser », ajoute M. Poulin.

En 2021, pour les plus beaux dossiers du cabinet, la hausse de la prime varie entre 5 et 12 %. Pour les dossiers plus problématiques où la hausse sera plus forte, le producteur pourra refuser le renouvèlement ou réduire ses couvertures.

Des moyens existent pour limiter les hausses de primes en assurance des entreprises agricoles. Le producteur peut opter pour une hausse des franchises, se joindre à un groupe ou un programme de prévention, ou encore réévaluer la couverture d’une partie de ses biens. Certains adoptent aussi la formule de la rétention, qui est une autre manière d’absorber une partie de la perte en cas de sinistre.

« Le client absorbe lui-même le premier 250 000 $ ou le premier million de dollars (M$), même si on applique la franchise de 25 000 $ ou de 50 000 $. Le client devient lui-même assureur à son tour, jusqu’à un certain montant », explique M. Poulin.

Pour les entreprises de plus grande taille, la rétention devient acceptable lorsque le marché se resserre, selon M. Poulin. Les producteurs pourront obtenir de meilleures conditions chez les assureurs quand le marché redeviendra plus flexible.

Pendant plusieurs années, les agriculteurs ont payé des primes moins cher, poursuit M. Poulin. « Il n’y aura pas de solution magique. Ce n’est pas le rôle des assureurs de subventionner leur industrie », dit-il.