Après avoir pris sa retraite de l’industrie de l’assurance, en 2008, Pierre Pelland dit avoir réalisé une chose importante. Peu importe le service qui est offert au client lorsqu’il achète une couverture d’assurance, c’est lors d’une réclamation qu’il bâtit son appréciation des services reçus.M. Pelland a eu une carrière unique dans l’industrie, qui a duré 37 ans. Il a commencé au bas de l’échelle en tant que commis aux réclamations à la Canada Fire avant d’être expert en sinistres. Il est ensuite devenu courtier et a acheté le cabinet de son père avec un associé. Les courtiers se souviennent de lui pour sa longue implication, notamment comme président du Regroupement des cabinets de courtage en assurance du Québec (RCCAQ), puis de l’Association des courtiers d’assurance de la province du Québec (ACAPQ). Il a d’ailleurs grandement contribué rapprochement des deux organismes.

En juin 1996, il a vendu les parts de son cabinet à ses associés, après avoir été recruté par Claude Dussault, du Groupe Commerce, qui deviendra ING Canada, puis Intact Assurance. Il n’a toutefois pas le temps de s’ennuyer de l’industrie, puisqu’il est désormais maire de la municipalité de Sutton, dans la MRC de Brome-Missisquoi, en Montérégie.

Avec le recul, M. Pelland dit croire que l’industrie se doit d’investir davantage d’efforts en marketing pour mieux faire connaitre la valeur de son activité. Investir en informatique est un autre moyen d’offrir une meilleure prestation de services au client, dit-il. Il reconnait que l’industrie a perdu beaucoup de temps et d’énergie à créer « la boite noire », soit le système universel qui permettrait un seul type de transactions avec l’ensemble des clients et des assureurs. Sans compter les sommes ahurissantes englouties dans de tels projets.

M. Pelland fait néanmoins remarquer que la numérisation des données a permis aux gens de l’industrie de consacrer moins de temps à leur collecte et plus de temps à mener l’analyse des besoins du client. « Quand ça fait 30 minutes que le client est au téléphone, il est tanné de te parler et veut passer à autre chose. Si tu passes 25 minutes à collecter des données, il t’en reste cinq pour faire l’analyse de besoins. Si l’on peut inverser ces chiffres, c’est bien plus efficace comme procédé et plus professionnel comme service. »

La méfiance et la méconnaissance du public à l’égard du travail des assureurs contribuent certainement à l’image peu flatteuse du secteur, ce qui n’aide pas le recrutement. « Quand j’ai commencé, on suivait des cours de perfectionnement, on apprenait sur le tas. Pour devenir courtier, tu suivais l’équivalent d’un semestre de cours par les soirs, tu passais un examen, et tu étais courtier. Aujourd’hui, c’est bien plus compliqué. Et ce n’est pas une profession très prestigieuse », ose-t-il admettre.

Malgré la difficulté de trouver de la relève dans les cabinets de courtage, il dit ne pas connaitre beaucoup de courtiers qui ont eu du mal à vendre dans les 15 ou 20 dernières années. Quand il a vendu les parts de son cabinet à ses associés, en 1996, on estimait en moyenne qu’il fallait payer 1,75 fois les revenus de commissions du cabinet.

« On disait que ce ratio était trop élevé et que ça allait baisser, mais ça a plutôt continué à monter. Les cabinets sont achetés selon un ratio de 4 fois les revenus ces temps-ci », dit-il.

Le courtier doit être près de sa clientèle, précise M. Pelland. C’était vrai il y a 20 ans et ça l’est encore plus aujourd’hui. Il importe d’offrir la même qualité de service que les assureurs directs, avec des lignes d’urgence et la possibilité d’obtenir de l’aide en tout temps en cas de sinistre. « La nature même du travail de courtier n’a pas changé tant que cela. Si je compare les heures de bureau des courtiers avec l’offre de services des directs, ça explique peut-être un peu pourquoi les directs attirent tellement de clients », dit-il.

Les besoins des clients changent et les courtiers doivent s’adapter, ajoute-t-il. « Tous les métiers exigent des ajustements à l’évolution du marché. »

L’industrie a su ajuster son offre dans le passé et continuera de le faire. Il cite en exemple les refoulements d’égouts survenus lors des pluies fortes, à Montréal.

« Les gens ont constaté qu’ils n’étaient pas protégés contre cela, tout simplement parce que les assureurs ne l’offraient pas. Ça a créé un scandale, et six mois plus tard, bizarrement, quelque chose qui n’était pas assurable l’est devenu, et les gens peuvent acheter cette couverture. Ça a même forcé certaines municipalités à améliorer leurs infrastructures, parce que les assureurs refusaient d’assurer des gens à Saint-Hubert ou à Chambly, par exemple. »

Maintenant gestionnaire du budget que les contribuables de sa municipalité lui accordent, M. Pelland s’indigne lorsqu’on lui parle des fraudes à l’assurance, qu’il compare à de l’évasion fiscale. « Les gens ne réalisent pas que le gouvernement, c’est eux. L’État, c’est l’ensemble des citoyens. L’argent des assureurs, c’est l’ensemble des primes payées par leurs clients. Quand le client fraude l’assureur, il fraude tout le monde, y compris lui-même, mais à une échelle plus réduite. Les gens ne semblent pas réaliser cela. »