Le parlement canadien aura plein pouvoir d’appliquer la loi fédéral S-201 sur la non-discrimination génétique, a décidé la Cour suprême du Canada, dans un jugement qu’elle a rendu le 22 juillet 2020. Cette loi prescrit que l’on ne puisse obliger une personne à se soumettre à un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition requise à l’obtention d’un bien ou d’un service.
La loi défend aussi à l’assureur de recueillir, utiliser ou divulguer les résultats sans le consentement écrit et éclairé de l’assuré, selon l’article.
Un assureur qui exige un test génétique ou en demande les résultats comme condition à l’obtention d’un contrat d’assurance commet une infraction passible d’une amende maximale de 1M$ ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de cinq ans, rappelle un article de la firme d’avocats McMillan publié sur la plateforme d’information Mondaq, dont le Portail de l’assurance a obtenu copie.
Revers pour la cour d’appel du Québec
Il s’agit d’un revers pour la Cour d’appel du Québec après une saga amorcée le 4 mai 2017 lorsque le projet de loi du Parti libéral du Canada a obtenu la sanction royale. L’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould avait indiqué que le gouvernement souhaitait demander à la Cour suprême d’en vérifier la constitutionnalité.
L’industrie n’avait pas attendu la sanction de S-201 pour se préparer. Dès janvier 2017, l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) s’était engagée au nom de ses membres à ne pas demander ni utiliser les renseignements issus de tests génétiques, pour les propositions d’assurance vie de 250 000 $ ou moins.
En janvier 2019, la Cour d’appel du Québec avait déclaré inconstitutionnels sept articles de cette loi. Une démarche dans laquelle l'ACCAP-Québec appuyait l'industrie au Québec dans ses représentations devant la Cour.
Selon la Cour d’appel du Québec, le choix des facteurs d’évaluation du risque et celui des types de renseignements qu’un assureur peut requérir à la fin d’évaluer le risque d’un assuré font partie depuis toujours d’une compétence provinciale exclusive. La Cour d’appel a en outre vu dans S-201 une ingérence du Parlement du Canada en matière de droit criminel dans les champs de compétence du gouvernement du Québec, explique la firme d’avocats.
Hausse des primes d’assurance
La Cour suprême a écarté les arguments de la Cour d’appel du Québec sur la prépondérance des compétences provinciales. L’article de McMillan signale que le plus haut tribunal du pays reconnait que de sa décision pourrait avoir l’effet de faire augmenter les primes d’assurance pour tous.
Comme les assureurs ne pourront ajuster leurs primes à l’aide des résultats de tests génétiques, ils pourraient devoir accepter des individus plus à risque qu’ils ne l’auraient fait autrement, fait valoir la firme dans son article. « Cela peut à son tour entraîner des problèmes d'accessibilité pour ceux qui ont des moyens financiers limités, quelle que soit leur santé », peut-on lire.
Peur de passer des tests
Or, ne pas appliquer la loi aurait d’autres effets pervers. S’exprimant au nom de la majorité, la juge Andromache Karakatsanis a rappelé que la loi vise entre autres à éviter que la discrimination génétique, et que la craint d'un traitement négatif par exemple par leur assureur empêchent les Canadiens de passer un test génétique. Ce qui inclut la découverte par un assureur qu’un individu ou un membre de sa famille n’est pas assurable, rapport l’article de la firme d’avocats McMillan.
Il ajoute que des témoignages devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont révélé que plus du tiers des familles d’un enfant malade approchés pour participer à une étude génétique ont décliné l’offre en raison de leurs craintes de discrimination.
Rembourser les tests
Par ailleurs, la loi ne change rien à la possibilité qu’ont les assureurs d’offrir de rembourser les frais de tests pharmacogénétiques dans leur couverture d’assurance médicaments collective. Aucun résultat de ces tests ne leur sont transmis. Le test pharmacogénétique permet à un patient de connaitre le médicament qui lui convient le mieux pour un traitement spécifique.