Interviewée quant au mémoire sur les incitatifs de vente qu’elle destine à l’Autorité des marchés financiers, la présidente d’ACCAP-Québec, Lyne Duhaime, prévient qu’éliminer des incitatifs de vente risquerait de nuire à la prospérité de l’industrie.

Alors qu’elle dévoilait les grandes lignes du mémoire au Congrès 2017 de l'assurance et de l'investissement qui se déroule à Montréal aujourd’hui, Mme Duhaime a convenu que le risque de conflits d’intérêts est inhérent à tous les types de rémunération, et que plusieurs facteurs peuvent l’influencer. Dans son document de réflexion, l’Autorité prête un risque faible au salaire et aux honoraires, mais un risque moyen aux commissions et élevé aux bonis et aux concours.

Il ne faut pas isoler chaque incitatif, a-t-elle dit, lors de l’entrevue survenue avant sa conférence. « Il faut regarder ce que chaque type de rémunération constitue pour le conseiller, dans sa rémunération globale. »

La présidente d’ACCAP-Québec dit comprendre la démarche de l’Autorité, alors que plusieurs pays se questionnent sur la transparence et les conflits d’intérêts. « Mais nous voulons nous assurer que cette démarche arrive à la bonne place, a-t-elle ajouté. Il faut s’assurer que les mesures réglementaires prises sont proportionnelles aux risques visés et qu’elles ne portent pas atteinte involontairement à la prospérité du marché. »

Risque de disparition

Selon Mme Duhaime, aucun type de rémunération n’est mauvais en soi. Il s’agit de bien gérer les conflits d’intérêts potentiels, entre autres par la supervision et la formation des conseillers. Elle estime de plus qu’il est difficile d’attribuer un risque de conflit d’intérêts à une forme de rémunération en particulier, sans aussi considérer le risque de la faire disparaitre.

Les modes de rémunération actuels incitent les conseillers à être proactifs pour répondre aux besoins des clients, et maintenir une relation à long terme avec eux, croit la présidente d’ACCAP-Québec. « Il y a peut-être un risque de ne pas mieux servir le client, si l’incitatif n’est plus là pour susciter la vente d’un produit ou l’offre de services. C’est quand même important de ne pas les éliminer. »

ACCAP-Québec souhaite ainsi que toutes les parties concernées puissent faire valoir leur point de vue. « Nous voulons dialoguer non seulement avec le régulateur, mais aussi avec les conseillers. Ils ont leur propre vision, comme les régulateurs et les manufacturiers ont la leur. Nous voulons échanger cette information. »

Pour le moment, l’ACCAP-Québec dit ne pas avoir identifié d’incitatif de vente qui présenterait des problèmes au point qu’il faille l’interdire, a révélé Mme Duhaime.

Équilibre à atteindre

Les programmes de rémunération doivent aligner les intérêts des conseillers et des clients de sorte à inciter les conseillers à répondre aux besoins des clients, insiste Mme Duhaime. Du même coup, les conseillers doivent être rémunérés adéquatement pour leur travail.

« Est-ce que les incitatifs sont toujours alignés avec les intérêts du client ? Dans certains cas, des incitatifs peuvent mener un conseiller à vendre un produit plutôt qu’un autre. Il y aura toujours des risques, donc prenons des mesures de contrôle et de supervision, plutôt qu’interdire quelque chose qui fonctionnerait bien, dans une autre situation », lance-t-elle.

L’assurance vie à part

La présidente d’ACCAP-Québec invite aussi les régulateurs à éviter un trop grand parallèle entre fonds communs et assurance de personnes. La consultation 81-408 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières soulève des réflexions sur les conflits d’intérêts en fonds communs, dont certaines ne s’appliquent pas au secteur de l’assurance, selon elle.

« Les produits d’assurance de personnes sont de nature différente des produits d’assurance de dommages ou des fonds d’investissement. Il faut les vendre. Ils ne sont pas obligatoires. Les gens n’aiment pas penser au moment où ils seront malades ou décèderont. Vendre un produit d’assurance vie exige beaucoup de travail. Les incitatifs sont importants. Nous pouvons tirer des leçons de l’environnement réglementaire du placement, mais nous ne pouvons pas tout importer dans l’assurance », souligne Mme Duhaime.

Il conviendrait selon ACCAP-Québec d’harmoniser les directives en matière de pratique de rémunération, selon les particularités de chaque secteur. L’ACCAP a rappelé travailler en étroite collaboration avec le Groupe de travail sur les fonds distincts du Conseil canadien des responsables de la règlementation en assurance (CCRRA). Le regroupement se penche sur certaines questions liées à la règlementation des fonds distincts, visant à assurer des résultats uniformes pour les clients des fonds distincts et des fonds communs de placement, en matière de divulgation des frais (MRCC3).