Le 19 novembre dernier, le juge Denis Lapierre, de la division administrative et d’appel de la Cour du Québec, a rejeté l’appel du représentant Claude Nobert, qui voulait infirmer les décisions sur culpabilité et sur la sanction rendues à son endroit par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière.
L’intimé avait été déclaré coupable des quatre chefs de la plainte en décembre 2018. En juin 2019, il avait été condamné à trois ans de radiation temporaire pour chacun des chefs de la plainte. L’appel de M. Nobert, mené par la procureure Carolyne Mathieu, visait Nathalie Lelièvre, syndique de la Chambre, de même que la CSF et l’Autorité des marchés financiers.
La décision sur culpabilité
L’appelant prétendait que le comité de discipline avait erré en droit en concluant que l’intimé avait fait défaut de préserver son indépendance professionnelle et qu’il s’était placé en situation de conflit d’intérêts malgré les ratifications et les renonciations de son client.
Selon le juge Lapierre, « le mémoire de l’appelant ne pointe que très peu d’erreurs susceptibles de faire l’objet d’un appel, encore moins d’erreurs manifestes et déterminantes. Se contenter d’énoncer que la preuve n’était pas suffisante pour justifier une condamnation revient au tribunal d’appel de réévaluer la preuve, une tâche qui ne lui appartient pas ».
D’ailleurs, M. Nobert a lui-même admis la majorité des éléments constitutifs des contraventions déontologiques qui lui sont reprochées aux enquêteurs de l’Autorité, rappelle le tribunal. Celui-ci note que le deuxième moyen d’appel touchant la décision sur culpabilité est relié au refus du comité de discipline d’appliquer la règle de l’autorité de la chose jugée, puisque la plainte à son endroit était alors entendue en délibéré par le Tribunal des marchés financiers (TMF) sur la base des mêmes faits.
Ce motif d’appel est aussi rejeté par le tribunal, qui constate que l’argumentaire de l’appelant sur la double juridiction n’a jamais été évoqué à l’étape l’audition sur culpabilité, mais seulement lors de l’audition sur la sanction.
Néanmoins, le juge Lapierre prend le temps d’analyser le concept de préclusion. Selon lui, seule la troisième catégorie possible, celle de la question déjà tranchée (issue estoppel) s’applique à l’appel de M. Nobert. « C’est une forme d’expression de la force de la chose jugée, qu’il ne faut pas confondre avec l’autorité de la chose jugée » mentionnée à l’article 2848 du Code civil du Québec.
« D’origine jurisprudentielle issue de la common law, la préclusion portant sur une question déjà tranchée nécessite une identité de questions et de parties. Elle revêt la forme d’une règle de preuve, qui n’a qu’un effet relatif puisqu’elle implique une certaine discrétion judiciaire », précise le tribunal.
Or, les parties au litige entendu par le TMF n’étaient pas les mêmes, et les questions abordées étaient aussi différentes. Le TMF précise même que le volet déontologique relève de la Chambre. Le juge Lapierre rejette donc ce moyen d’appel, en ajoutant que l’argument de la double condamnation, invoqué dans le mémoire de l’appelant, est également « mal fondé ».
Décision sur sanction
À propos de l’appel sur la sanction, la procureure du représentant estime que le comité a rendu une décision punitive envers son client. Le juge Lapierre rappelle que la sanction disciplinaire vise la protection du public, l’effet dissuasif, l’exemplarité et le droit d’exercice. Le rôle du tribunal « n’est pas de pondérer à nouveau les éléments considérés » par le comité de discipline, ajoute-t-il. L’exercice d’analyse des faits et de la jurisprudence a été fait par le comité et le tribunal n’y voit aucune erreur manifeste et déterminante.
Enfin, l’appelant déplore la longueur du délai de près de trois ans entre l’audition sur culpabilité et la décision sur sanction. Là encore, la procureure de M. Nobert n’a pas soulevé ce problème devant le comité.
Le tribunal « ne peut que déplorer qu’il ait fallu deux ans au comité pour rendre sa décision sur culpabilité, sans même qu’il se soit donné la peine d’en expliquer les raisons. Mais la chose ne lui a pas été plaidée et n’a fait l’objet d’aucune preuve », écrit le juge Lapierre.
Il poursuit : « S’il est plausible que le délai des procédures judiciaires ait pu causer préjudice à M. Nobert, il est tout aussi vraisemblable que ce retard dans le début de sa période de radiation ait pu l’avantager. » Là encore, aucune preuve n’a été soumise au tribunal à cet égard, qui rejette cet autre moyen d’appel.