L’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de publier le rapport d’inspection mené à la Chambre de la sécurité financière (CSF). Même si l’organisme d’autoréglementation (OAR) a été fusionné avec la Chambre de l'assurance de dommages en juillet 2025 pour créer la Chambre de l’assurance, l’Autorité estime que la mise en œuvre de ses recommandations doit être poursuivie.
La Chambre doit établir un plan d’action dans les 30 jours suivant la réception du rapport final et mettre en place les mesures correctives dans les délais requis.
Quatre recommandations prioritaires sont émises par l’Autorité. Les deux premières de la liste ci-dessous ont déjà été faites à la CSF :
• les enjeux de roulement de personnel au sein de la Direction de la déontologie et de l’éthique professionnelle (DDEP) avaient été constatés par l’Autorité lors des inspections faites en 2018 et en 2021. La persistance du problème a un impact sur la capacité de l’OAR à réaliser une partie de sa mission, ce qui pourrait affecter sa crédibilité à long terme. Le conseil d’administration et la direction de la Chambre doivent accroître leur vigilance et leur proactivité à cet égard;
• la CSF doit réviser les mesures d’exception de sa politique d’attribution des contrats. L’organisme doit s’efforcer de solliciter un appel d’offres pour tout contrat ou entente dont le montant estimé dépasse les seuils établis et de mieux documenter les motifs qui justifient de ne pas faire d’appel d’offres. Une analyse de certains contrats octroyés de gré à gré à trois fournisseurs de services juridiques révèle qu’ils auraient pu être adjugés par appel d’offres. Le motif de ne pas le faire n’a pas été documenté. À l’annexe 3 du rapport d’inspection, l’Autorité évalue qu’entre janvier 2022 et août 2024, ces trois fournisseurs ont représenté des dépenses cumulatives de plus de 1,7 M$, dont plus de la moitié à l’un d’entre eux;
• la CSF doit désactiver immédiatement les accès au système lors du départ d’un employé. À cet égard, il est nécessaire de préciser les rôles et responsabilités du directeur responsable et de la direction des ressources humaines concernant la transmission de la date de la fin du lien d’emploi. Entre mars 2023 et août 2024, la fermeture des accès n’a pas été faite avec diligence dans trois dossiers d’employés;
• la CSF doit prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les dispenses sont octroyées conformément au Règlement sur la formation continue obligatoire de l’organisme.
Sur les 14 autres recommandations faites par l’Autorité, 10 ont une priorité moyenne et 4 sont du niveau de priorité faible. Le délai pour réaliser les mesures correctives passe de 6, 12 et 18 mois selon le niveau de priorité.
Quatre constats
Parmi ses principaux constats, l’Autorité note que :
• les pratiques de la CSF en matière de reddition de comptes « pourraient être rehaussées ». Le rapport annuel de gestion de l’organisme est incomplet à plusieurs égards. On y met l’accent sur les activités réalisées au détriment des indicateurs de performance qui permettraient aux membres de mieux comprendre l’utilisation de leurs cotisations;
• du côté de la DDEP, dont relève le bureau du syndic, l’Autorité rapporte les problèmes déjà invoqués auparavant concernant le dépassement des cibles en matière de délais pour conduire les dossiers d’enquête. En 2024, le taux de roulement élevé du personnel a fait en sorte que pour 9 des 30 dossiers marqués de la cote de priorisation la plus élevée, il n’y avait pas d’enquêteur assigné à s’en occuper;
• les excédents budgétaires réalisés à chacun des exercices financiers de 2021 à 2024 se sont traduits par une hausse des surplus non affectés, qui atteignaient 11,6 millions de dollars (M$) au 31 décembre 2024, soit une réserve équivalente à neuf mois d’activité. Cela représente une hausse de 49 % en trois ans. Les revenus tirés des cotisations ont augmenté de 23 % en 2024 comparativement à ceux de 2021, alors que le nombre de membres a augmenté de 4 % durant la même période. La cotisation annuelle est établie en fonction de l’indice des prix à la consommation (IPC) et non pas sur les besoins réels de l’organisme. Il n’y a pas de stratégie claire sur l’utilisation des surplus;
• le traitement de certaines demandes de dispense liées à la formation continue obligatoire pose des enjeux juridiques.
Autres éléments
Du côté de la gouvernance traitée au chapitre 2 du rapport d’inspection, l’Autorité « a observé une certaine confusion à l’égard des rôles et responsabilités relatifs à l’évaluation de la présidente et chef de la direction ». Elle recommande à la CSF de s’assurer que sa pratique à cet égard corresponde à son Manuel des politiques et règles de gouvernance et que cette évaluation soit mieux documentée.
À la suite d’une précédente inspection, la CSF avait jusqu’au 27 septembre 2024 pour renforcer sa Politique contre le harcèlement, la discrimination et l’incivilité. Celle-ci n’a été déposée que le 4 décembre 2024. Un expert indépendant, qui relèvera directement du comité des ressources humaines, a été mandaté pour recevoir et traiter les plaintes relatives à cette politique.
La déontologie
Le volet « déontologie » est traité au chapitre 3 du rapport d’inspection. L’Autorité rappelle que sur les 19 postes à la DDEP, il y a eu 13 départs entre le 1er janvier 2022 et le 30 août 2024, contre 5 embauches. La situation s’est détériorée durant les deux premiers trimestres de 2023, alors qu’une augmentation des demandes d’enquête combinée à la réduction des effectifs ont contribué à l’augmentation du volume de dossiers non réglés et des délais de traitement.
Dans la foulée des révélations faites dans les médias à l’automne 2024, la CSF a octroyé des contrats à des firmes externes pour les services d’enquête, et ce, sans appel d’offres comme le permet une exception prévue par la Politique d’acquisition des biens et services.
Concernant le traitement des dossiers d’enquête, l’Autorité a analysé un échantillon de 129 dossiers réalisés durant la période couverte par l’inspection. Même si les délais cibles ont été revus à la hausse en 2023, les dépassements restent importants pour deux étapes du processus.
L’Autorité recommande à la CSF de prendre les mesures concrètes pour favoriser l’embauche et la rétention de son personnel, notamment en appliquant les recommandations formulées par le consultant qui a réalisé le diagnostic organisationnel.
Par ailleurs, la CSF doit rehausser sa capacité à identifier et à suivre les enquêtes jugées prioritaires. Elle doit également assurer un traitement uniforme de gestion des états du processus d’enquête et clarifier la marche à suivre dans son manuel de procédures.
L’Autorité constate que l’information partagée aux plaignants et au représentant visé par une enquête déontologique est inégale. Elle suggère de formaliser l’information à partager, de le faire de manière uniforme et de la consigner au dossier.
Réaction de la CSF
Le Portail de l’assurance a sollicité la réaction de l’organisme. La Chambre de l’assurance indique qu’elle collabore déjà avec l’Autorité à la mise en œuvre des meilleures pratiques qui permettront de respecter les recommandations faites dans le rapport d’inspection.
« D’ailleurs, celles-ci sont entièrement alignées avec la décision de reconnaissance de la Chambre de l’assurance comme organisme d’autoréglementation », indique la Chambre par courriel.

« L’objectif de la création de la Chambre de l’assurance est clair : utiliser le meilleur des chambres qui ont fusionné pour bâtir un organisme de protection du public transparent et collaboratif et qui saura inspirer la confiance des membres et des consommateurs. Il va de soi que l’application des 18 recommandations de l’Autorité fait partie des priorités du conseil d’administration, de la direction générale et des équipes », précise Chantal Lamoureux, présidente-directrice générale de la Chambre de l’assurance.