Un avis conjoint des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) révèle des lacunes en matière de conflits d’intérêts. Il s’agit de l’Avis conjoint 31-363 du personnel, Réformes axées sur le client : examen des pratiques en matière de conflits d'intérêts des personnes inscrites et indications supplémentaires. L’OCRI exerce désormais les fonctions réglementaires qu’exerçaient l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.
L'avis résume les constatations qu'ont faites les ACVM et l'OCRI lors d’un examen des pratiques en matière de conflits d'intérêts chez 172 sociétés du secteur des produits d’investissement. Les régulateurs avaient entre autres pour objectif d’évaluer la conformité des représentants de courtier (personnes inscrites) aux obligations en matière de conflits d’intérêts, et d’examiner l’information que les sociétés inscrites (courtiers ou autres) communiquent à leurs clients.
Les obligations en matière de conflits d’intérêts sont en vigueur depuis le 30 juin 2021. Elles ont été instaurées par les réformes axées sur les clients (Règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites — Réformes axées sur le client).
Selon les obligations en matière de conflits d’intérêts prévues par ces réformes, les personnes inscrites doivent prendre des mesures raisonnables pour repérer les conflits d’intérêts importants existants et raisonnablement prévisibles. Elles doivent ensuite les traiter au mieux des intérêts du client, ou les éviter.
Quant aux sociétés inscrites, elles sont tenues de déclarer les conflits d’intérêts importants avant l’ouverture du compte d’un client, ou de déclarer rapidement les conflits qu’elles n’auraient pas déjà repérés.
Constats préoccupants
L’examen des régulateurs auprès de l’échantillon de courtiers et de gestionnaires révèle des manques chez plus de la moitié des courtiers et gestionnaires examinés. L’avis donne les détails de cet échantillon.
Sur les 172 sociétés examinées par les régulateurs, seulement 37 n’ont montré aucune déficience en matière de conflits d’intérêts, selon l’avis des régulateurs. « Ce n’était pas le cas des autres sociétés, pour lesquelles les examens ont permis de relever des lacunes que nous leur avons enjoint de corriger. Nous collaborerons avec elles pour veiller à ce qu’elles redressent le tir dans des délais raisonnables », peut-on lire dans le document.
Les ACVM et l’OCRI ont réalisé que certaines sociétés connaissent mal les indications publiées dans l’Instruction générale 31-103. Selon eux, les sociétés n’avaient pas tenu compte des exemples de conflits d’intérêts qui y figurent, au moment de déterminer la manière de traiter les conflits d’intérêts importants.
Parmi les lacunes qu’ils ont relevées, les régulateurs mentionnent le défaut de repérer un ou plusieurs conflits d'intérêts importants, des contrôles inadéquats pour traiter certains conflits d'intérêts importants, ainsi que des politiques et des procédures écrites caduques ou inappropriées relativement aux conflits d'intérêts.
« Nous avons constaté que, même si plusieurs sociétés avaient déterminé adéquatement que certains conflits d’intérêts étaient importants, elles ne disposaient pas des contrôles nécessaires pour les traiter, ou les contrôles en place étaient insuffisants pour ce faire au mieux des intérêts du client », lit-on dans l’avis conjoint.
Ils signalent en outre que des sociétés disposant de contrôles pour traiter les conflits d’intérêts efficacement n’avaient pas jugé importants certains de ces conflits, qui pourtant l’étaient.
Incitatifs et produits exclusifs
Les ACVM et l’OCRI donnent plusieurs exemples de conflits d’intérêts que les sociétés n’ont pas repérés comme importants, ou qu’elles n’ont pas traités adéquatement.
Parmi ces conflits mal gérés, les incitatifs de vente occupent une bonne place. Les autorités disent avoir constaté que certaines sociétés avaient omis de reconnaître que leurs mécanismes de rémunération et mesures incitatives internes entraînaient des conflits d’intérêts importants, ou d’en informer les clients.
De même, certaines sociétés examinées avaient omis d’établir que constituait un conflit d’intérêts important la rémunération reçue de tiers, y compris le fait d’en recevoir une plus élevée pour la vente de certains produits plutôt que d’autres.
Certaines sociétés qui offrent des produits exclusifs ont aussi prêté flanc à la critique. Selon l’avis, elles n’avaient pas su reconnaître que de recommander des produits exclusifs constitue un conflit d’intérêts inhérent, « qui est presque toujours important ».
Les ACVM et l’OCRI ont aussi remarqué que bon nombre de sociétés ne considéraient pas comme un conflit d’intérêts important les indications de clients « provenant d’autres entités ».
Ils ont aussi constaté que certaines sociétés ne disposaient pas toujours des contrôles adéquats pour traiter au mieux des intérêts de leurs clients les conflits d’intérêts liés aux cadeaux et aux divertissements.
Serrer la vis
Dans leur avis conjoint, les ACVM et l’OCRI préviennent qu’elles pourraient envisager l’imposition de mesures réglementaires pertinentes, si nécessaire. « La mise en œuvre des réformes axées sur le client était un jalon important pour la protection des investisseurs individuels au Canada, » a affirmé Stan Magidson, président des ACVM et présidentdirecteur général de l'Alberta Securities Commission.
M. Magidson a rappelé s’attendre à ce que les personnes inscrites se plient à une norme de conduite élevée et traitent les conflits d'intérêts importants au mieux des intérêts du client, « en vertu des obligations introduites par ces réformes ».
« Les ACVM et l'OCRI sont déterminés à faire respecter les réformes axées sur le client dans l'intérêt de tous les Canadiens », a pour sa part indiqué Andrew Kriegler, président et chef de la direction de l'OCRI. « Nous invitons toutes les sociétés à lire attentivement l'avis, car il propose des moyens pour consolider leurs programmes de conformité afin de respecter les normes rehaussées instaurées par ces réformes. »
Autres examens à venir
Les ACVM et l'OCRI ont annoncé qu’elles mèneront « plus tard cette année » d'autres examens pour évaluer la conformité des personnes inscrites aux autres obligations des réformes axées sur le client. Ils incluent celles ayant trait à la connaissance du client, à la connaissance du produit et à l'évaluation de la convenance, lesquelles sont entrées en vigueur le 31 décembre 2021.
« Les examens nous donneront une meilleure idée du niveau de conformité », a ajouté M. Magidson. « En cas d'inobservation des normes de conduite élevées introduites par ces réformes, nous réfléchirons à la conduite à tenir. Nous pourrions, entre autres, envisager l'imposition de nouvelles règles », conclut le président des ACVM.