En 2018, la cliente souscrit une police d’assurance habitation pour le chalet qu’elle vient d’acquérir de son père. À la suite d’un incendie, l’assurée est indemnisée, mais elle se dit insatisfaite de la somme reçue. Elle allègue que l’agente de l’assureur ne l’a pas correctement renseignée sur le coût de reconstruction.
L’assureur affirme que ses préposés n’ont commis aucune faute lors de la souscription. La défenderesse allègue également que l’assurée n’a subi aucun dommage, car l’indemnité versée couvre amplement la valeur réelle du chalet lors du sinistre.
L’affaire a été entendue durant quatre jours en octobre 2025 dans le district judiciaire de Chicoutimi de la Cour supérieure du Québec. La décision ne précise pas à quel moment a eu lieu le sinistre qui a ravagé le chalet. La demanderesse réclamait 113 116,21 $ à l’assureur.
La poursuite est rejetée par le tribunal. Dans sa décision rendue le 5 novembre 2025, le juge Maxime Roy estime que les représentants de l’assureur ont agi avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme.
Le tribunal rappelle que la demanderesse doit démontrer le manquement de l’agente et établir le lien qui permet d’engager la responsabilité civile de l’assureur. « Il ne s’agit pas de déterminer si la conduite d’un agent d’assurance s’avère parfaite. » Le tribunal doit se demander si le comportement d’un autre agent raisonnablement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances, aurait été similaire.
Le devoir de conseil du représentant de l’assureur « s’examine selon les circonstances de chaque situation et les informations transmises par le client ». L’agent doit décrire le produit proposé en relation avec les besoins identifiés et préciser la nature de la garantie offerte.
Il n’appartient pas à l’agent de déterminer la valeur adéquate de l’immeuble, mais il a l’obligation d’informer le client s’il a des raisons de croire que le montant d’assurance semble insuffisant. L’assuré peut choisir de sous-assurer ses biens et de supporter une partie du risque, résume le tribunal.
La souscription
La demanderesse, Cynthia Lavoie, a souscrit le contrat le 19 décembre 2018 auprès de La Personnelle, assurances générales. La conversation téléphonique avec l’agente a été enregistrée.
Durant les 27 minutes de l’appel, l’agente a posé plus d’une soixantaine de questions à la consommatrice. L’agente explique la distinction entre le coût de reconstruction et la valeur du chalet retenue aux fins de l’imposition d’une taxe municipale.
Le père de la cliente participait à l’appel pour répondre aux questions plus techniques quant à l’usage et à la description physique du chalet. La somme proposée de 149 200 $ à titre de montant d’assurance s’avère raisonnable en fonction de l’état du chalet, note le tribunal.
L’ensemble de la preuve démontre que l’assurée effectue le choix éclairé d’assurer le chalet pour une valeur équivalente à 80 % de son coût de reconstruction. L’agente a pris soin d’expliquer la conséquence possible d’une protection insuffisante.
La demanderesse reproche à l’agente de ne pas avoir exigé des photos du chalet, de ne pas avoir effectué une visite des lieux et de ne pas avoir recommandé une inspection par un entrepreneur ou un évaluateur agréé. Pour soutenir ses allégations, l’assurée produit deux documents provenant de la Chambre de l’assurance de dommages.
Le tribunal ne retient pas ses arguments. L’analyse comparative des conseils contenus dans ces guides et de la conduite des préposés de l’assureur « ne démontre aucune transgression suffisante pouvant engager la responsabilité civile » de la compagnie d’assurance. La preuve révèle que le montant d’assurance accepté par l’ancien propriétaire lors des années précédentes était largement inférieur à celui accepté par la demanderesse.
Le tribunal souligne aussi que l’assurée a omis de rapporter certains éléments lors de la souscription qui auraient pu influencer de façon importante l’évaluation de l’assureur quant au risque à couvrir et à l’établissement de la prime. Il est notamment question de sinistres antérieurs dont les dommages n’ont pas été réparés et d’une police qui a été résiliée.
Valeur ajustée
Lors des renouvellements qui ont suivi, jusqu’en 2022, le montant d’assurance a été graduellement augmenté par l’assureur pour tenir compte de l’inflation. La limite a ainsi été ajustée à 187 000 $.
La lettre de renouvellement précise que si des améliorations ou des rénovations ont été faites, il faut en informer l’assureur afin d’ajuster le montant d’assurance. Or, l’assurée n’avise pas La Personnelle des ajouts et des réparations qu’elle allègue avoir effectuées par l’entremise de son père depuis la souscription de la police.
La crédibilité du témoignage de la demanderesse est entachée par la preuve. Toutes les photos des lieux « démontrent un chalet délabré ». Il n’y a pas de factures ni de photos qui viendraient appuyer l’évaluation du coût des travaux ayant été effectués à l’intérieur du chalet.
Il est question de la reconstruction du garage et du solarium, mais les coûts associés à ces éléments ne peuvent être inclus dans la valeur de l’immeuble, selon la défenderesse, car l’assureur n’en a pas été informé.
Les expertises
La demanderesse considère que l’indemnité versée ne couvre pas le coût de reconstruction. Cet argument est infondé, selon le tribunal. Dans l’éventualité d’un sinistre, l’indemnité versée à l’assuré répare uniquement le préjudice subi, soit la valeur réelle des biens au moment du sinistre, et ce, jusqu’à concurrence du montant d’assurance.
La valeur réelle d’un immeuble s’établit généralement selon la valeur de remplacement dépréciée, soit le coût de reconstruction moins sa dépréciation physique au moment du sinistre. « Le fait que l’assuré, après l’incendie, ne complète pas les travaux de reconstruction ne change rien à la valeur réelle de sa perte lors du sinistre », écrit le tribunal.
Rien dans la preuve ne permet de démontrer que La Personnelle ou un autre assureur aurait offert une limite plus élevée et que la demanderesse aurait accepté de payer la prime consécutive à cette estimation plus élevée.
L’expert mandaté par Mme Lavoie surévalue le coût de reconstruction (372 313,91 $) et sous-évalue le pourcentage de dépréciation du chalet, entre 12 % et 15 %. Les photos soumises en preuve « présentent un immeuble délabré qui s’assimile davantage à un dépotoir ou à un dépôt de ferraille qu’à un chalet de villégiature bordant un lac », note le tribunal.
De son côté, l’expert de La Personnelle sous-évalue le coût de reconstruction du chalet et surévalue sa dépréciation (50 %). De plus, il omet de considérer les coûts reliés à l’éloignement de l’endroit.
Le tribunal ajoute le montant estimé par l’expert de la demanderesse, soit 18 703,42 $, pour en arriver à un coût de reconstruction de 321 703,42 $. En mettant la dépréciation à 40 %, au jour du sinistre, la valeur de remplacement s’élève « tout au plus » à 193 022,05 $.
Or, l’indemnité versée par l’assureur, qui était de 198 058 $, dépasse la valeur réelle du chalet, même s’il avait été assuré à 100 % de son coût de reconstruction. Conséquemment, la demande est rejetée et la demanderesse devra payer les frais de justice.