Dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, une perturbation en entraine une autre, qui elle-même en entraine une autre. Et ainsi de suite. Cette cascade de dérèglements majeurs représente une menace pour l’économie mondiale.
Dans son rapport intitulé Global Risks Report 2019 – 14th Edition, le Forum économique mondial (FEM) présente dix chocs qui pourraient ébranler la société dans le futur. Il apporte également des solutions pour se prémunir contre ces risques plus ou moins spéculatifs.
La menace numérique
1) Les données menacées.
Avec le développement de l’informatique quantique, les ordinateurs du futur pourront calculer beaucoup plus rapidement que les ordinateurs d’aujourd’hui. Cette évolution rendra certainement obsolète la plupart des techniques actuellement utilisées pour chiffrer les données.
Un défaut de chiffrement compromettrait la protection des renseignements personnels, mais aussi celle des renseignements confidentiels des entreprises et des États. Les effets s’en feraient sentir sur l’activité numérique et économique, que ce soit les courriels, le commerce en ligne ou encore les services bancaires.
Le FEM suggère de se tourner vers de nouvelles solutions, comme la fonction de hachage cryptographique. Il est aussi possible de ne pas mettre en ligne des renseignements sensibles et de privilégier les échanges en personne.
2) La surveillance numérique.
Lecteurs d’empreintes digitales, reconnaissance faciale, lecture labiale numérique… De plus en plus, la technologie est mise au service de l’identification des personnes.
Cette expansion et cette omniprésence de la biométrie entrainent une nouvelle forme de contrôle social, chaque information étant captée, stockée et analysée à l’aide de l’intelligence artificielle. Cela peut avoir des répercussions sur la sphère géopolitique, puisqu’il est plus facile de faire preuve d’autoritarisme dans un monde de visibilité et de traçabilité totales.
Des normes nationales, voire internationales, devraient être mises en place pour responsabiliser les gouvernements et les entreprises utilisant ces technologies.
3) L’essor de l’informatique affective.
Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, les robots peuvent désormais reconnaitre les émotions et y répondre.
Ce pourrait être un nouveau moyen de radicaliser les individus. En effet, ces machines pourraient être utilisées par les États pour répertorier les individus psychologiquement fragiles et les déclencheurs qui pourraient les pousser vers la violence. Les gouvernements oppressifs pourraient aussi s’en servir pour attiser les divisions.
Pour atténuer la menace, des normes obligatoires pourraient être mises en place pour que la recherche et le développement de ces technologies se fassent de façon éthique. Par ailleurs, les risques devraient être mieux connus de tous.
Tensions sociales et sociétales
4) Le clivage urbain-rural.
De plus en plus, les populations quittent les campagnes pour les villes. Cet exode creuse le fossé entre ces deux mondes, sur le plan des valeurs, de l’éducation ou de la richesse.
Des oppositions grandissantes dans divers domaines pourraient mener à l’érosion de l’unité des États. Par exemple, les divergences politiques entre zones urbaines et rurales entrainent d’ores et déjà une volatilité des élections.
Le FEM invite à une meilleure planification à long terme, tant pour les villes en expansion que pour les zones rurales menacées par un déclin. Renforcer les réseaux de transport ou mieux répartir les richesses générées par l’urbanisation pourrait, par exemple, aider à estomper le clivage.
5) La pénurie d’eau.
Plusieurs grandes villes sont menacées par le « jour zéro », ce moment où plus une seule goutte d’eau ne sortira de leurs robinets. Elles doivent alors mettre en place des restrictions pour tenter de contrer le compte à rebours. Ce risque pourrait toucher de plus en plus de mégapoles, du fait de l’urbanisation ou des changements climatiques.
S’il se généralisait, ce choc sociétal pourrait exacerber les inégalités entre les pauvres et les riches, entrainer des conflits et perturber les systèmes de santé.
On pourrait atténuer ce risque par une meilleure planification en période d’abondance, une meilleure sensibilisation des consommateurs et une meilleure récupération des eaux.
6) Les droits de la personne bafoués.
Dans un contexte de polarisation interne, les gouvernements ont de plus en plus tendance à sacrifier les droits individuels au profit de la stabilité collective.
Dans les pays démocratiques comme la Hongrie ou la Pologne, cela se cristallise par le développement de l’illibéralisme. Il s’agit d’une pensée politique selon laquelle tous les droits fondamentaux (liberté de réunion, liberté de culte, droit à la dignité, etc.) ne méritent pas forcément d’être protégés.
Selon le FEM, dans un monde où les valeurs fondamentales divergent de plus en plus, bâtir une réponse à cette menace est de l’ordre de l’impossible.
7) Le populisme monétaire.
La montée du protectionnisme pourrait mener plusieurs gouvernements à remettre en cause le rôle des banques centrales. Leur coopération à l’échelle internationale pourrait être présentée comme un affront à la souveraineté nationale.
Si l’architecture financière mondiale était menacée par les pouvoirs politiques, les marchés financiers pourraient commencer à trembler et les devises, à fluctuer. Tout cela aurait ensuite des répercussions sur l’économie « réelle ».
Pour atténuer le risque, il faut faire en sorte que les populations comprennent et soutiennent la légitimité des banques centrales.
Les nouvelles guerres
8) Les tensions alimentaires.
Avec les changements climatiques et l’exacerbation des tensions politiques, la nourriture peut devenir un enjeu géopolitique. Dans le cadre de guerres commerciales, les États pourraient s’attaquer à l’agriculture de leurs rivaux, en utilisant le bioterrorisme, par exemple.
Cela aurait pour effet de perturber la chaine d’approvisionnement alimentaire mondiale. On pourrait alors entrer dans une ère de rationnement, voire de famine généralisée. Les populations pourraient vouloir accumuler de grandes quantités de denrées en les volant, par exemple, dans une démarche survivaliste.
Pour prévenir ce risque, les pays doivent diversifier leur agriculture et accroitre leur autosuffisance alimentaire.
9) Les guerres météorologiques.
Les tensions géopolitiques pourront être attisées par l’utilisation croissante d’outils manipulant la météo. L’ensemencement des nuages, par exemple, est déjà utilisé localement pour supprimer la grêle ou augmenter le rendement des chutes de pluie.
Si elles venaient à être déployées à grande échelle, ces techniques de géo-ingénierie pourraient amener des États à accuser leurs voisins de perturber leur agriculture ou de les espionner depuis les avions utilisés pour ajouter des substances aux nuages. Une collaboration entre États dans ce domaine pourrait également déclencher des « perturbations climatiques graves ».
Pour réduire la menace, les États doivent collaborer activement et être de plus en plus transparents au sujet de leurs expérimentations.
10) Le partage de l’activité spatiale.
Les satellites sont de plus en plus utilisés pour les activités gouvernementales et commerciales, notamment pour le secteur en plein essor des télécommunications.
À l’avenir, l’espace pourrait donc devenir une arène pour les luttes géopolitiques. Avec l’émergence d’un terrorisme spatial, les États pourraient vouloir militariser l’espace.
De nouvelles règles multilatérales aideraient à limiter la menace. Même de simples mesures seraient utiles, dit le FEM. Par exemple, les protagonistes pourraient retirer plus activement les débris spatiaux afin de diminuer les risques de collision, et ainsi montrer leurs bonnes intentions.
Les 7 articles de ce dossier :
- L’environnement : le plus grand risque pour l’économie
- Repli des États sur eux-mêmes : un risque pour l’économie mondiale
- Santé mentale : le cout sociétal du mal-être humain
- Bactéries et virus : les armes de guerre de demain
- Montée des eaux : un risque de plus en plus réel pour les villes côtières
- Les dix grandes menaces de demain
- Des menaces qui ne cessent de s’intensifier